C'est un des caractères particuliers du réalisme de Bruegel que de lui voir commenter par sa naïveté même la vie entière de l'artiste, au point que la pauvreté des renseignements que l'histoire nous a légués y trouve une compensation suffisante. Cette sincérité va nous permettre de connaître la société qu'il fréquente, en même temps que les sources de réalisme moral où il puise toutes ses compositions.
Pierre Bruegel était originaire du village actuellement dénommé Brôgel, aux environs de la petite ville de Brée, dans la Campine limbourgeoise, qu’on dénommait autrefois Breede, Brida, et en latin Bréda, et que van Mander a eu le tort de confondre avec la ville de Breda. Son premier maître, Pierre Coeck d’Alost, peintre, dessinateur de tapisserie, dont il allait treize ans plus tard épouser la fille, était mort le 20 décembre 1550 à Bruxelles. Le jeune peintre, âgé en ce moment d’environ vingt-deux ans, était alors passé, suivant une assertion de van Mander, chez Jérôme Cock.
L'art de Bosch et celui de Bruegel ne sont en effet que des étapes normales, malheureusement trop courtes et trop personnelles, de l'évolution de l'art aux Pays-Bas ; l'un est le fruit de toute la poésie populaire du moyen-âge, greffée du réalisme flamand du quinzième siècle ; l'autre, cinquante ans plus tard, est la virile floraison de ce même réalisme, fécondée de l'esprit plébéien du terroir, en dehors de toute influence étrangère.