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Biographie :

Une nouvelle revue de poésie contemporaine a vu le jour en 2011, Place de la Sorbonne (PLS). Revue de la création poétique vivante, c’est également la revue de Paris-Sorbonne et de l’ESPE de Paris. Un parrainage aussi prestigieux lui fait obligation de se placer d’emblée à un niveau convenable d’exigence. Portant les couleurs de la Sorbonne, PLS ne saurait être l’expression d’un seul courant de la poésie actuelle, encore moins d’une chapelle, et voilà donc sa première particularité : une revue qui s’attache à offrir aux lecteurs ce qu’il y a de meilleur parmi les diverses esthétiques et les différentes sensibilités représentées sur la scène poétique contemporaine. Elle a aussi une vocation internationale. D’abord parce que chaque livraison présente des textes de poètes étrangers, dans leur langue originale et en traduction, et ces poètes sont du monde entier ; mais la revue cherche également à toucher des lecteurs bien au-delà des frontières françaises. Or justement, le trait le plus original de PLS est sa dimension universitaire. Elle propose donc, non seulement un panorama de la poésie vivante, mais aussi un éclairage sur cette poésie. Elle voudrait être en effet un outil de découverte et de travail entre les mains de celles et de ceux étudiants, enseignants, dans l’Hexagone et partout ailleurs qui sont appelés à lire, étudier et faire découvrir à leur tour la poésie d’aujourd’hui dans sa grande diversité et son extrême vitalité. Tel est le cadre de plusieurs des rubriques que le lecteur retrouvera au fil des livraisons. À commencer par les deux premières rubriques, « L’invité » et « L’Entretien ». Sous la forme de l’essai, ou sous celle d’un dialogue avec les membres du comité éditorial, des poètes ou bien d’excellents connaisseurs de la poésie contemporaine, universitaires ou pas, livrent leur conception de la poésie contemporaine. Poésie contemporaine de langue française » : c’est le titre de la section qui accueille des textes inédits de poètes reconnus, mais aussi de poètes peu ou pas publiés, la revue ayant aussi vocation à découvrir, et à faire découvrir, de nouveaux talents. On lira à la fin de cette section, pour chacun des poètes y figurant, une brève notice bio-bibliographique, ainsi qu’une note de caractérisation des textes publiés. Des poètes de tout premier plan ont d’emblée confié des inédits à PLS pour son tout premier numéro : Jacques Roubaud, Esther Tellermann, William Cliff, Antoine Emaz, d’autres encore. Qu’ils veuillent bien trouver
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Source : Place de la Sorbonne - Revue internationale de poésie
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Citations et extraits (51) Voir plus Ajouter une citation
Revue Internationale de poésie
Un réveil cristallin par Ivan Donn Carswell

Un réveil cristallin sur le plateau,
l'air croustillant aussi cassant qu'un nouveau céleri
craque d'attente.
Le froid s'accroche comme une couverture
drapée à travers le paysage rigide,
assourdissant les formes austères dans les plis antiseptiques
d'une épaisse gelée blanche, absorbant le son,
encerclant le sommeil, puissant dans la lumière matinale et chétive.

Des lits de glaçons dépassent des touffes dénudées,
des lances pointues s'élançant vers
le ciel comme si une nouvelle pelouse avait poussé,
attendant les coups écrasants des pieds bottés, qui ne
tarderont pas à se flétrir sous l'assaut du jour.

L'instant est hors du temps,
l'air immobile et tendu, tendu,
attendant le refrain de l'aube.

Réveillez-vous en un instant fou, les sens surpris, méfiants, prêts à fuir, des
vrilles de sommeil arrosées de froid de chaque recoin grimaçant du corps, un
cocon de chaleur réconfortante s'effondrant dans la grossièreté mordante
de cette intrusion importune.

Des rituels nerveux consistant à lever des membres peu inclinés, à
affiner les crêtes de pression de la peau autographiée par le sommeil, à se
préparer au ciel de l'aube et à forcer l'air vif, en
bâillant copieusement comme pour dire "Je n'étais pas vraiment endormi,
mes yeux se reposaient seulement ".

Là,
résonnant de la montagne crie l'aube,
menottée au clairon qui demande que le jour commence.
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Revue Internationale de poésie
Ai Fei’er


Notes
[1] Arbre tropical aux feuilles vert foncé et aux fleurs jaune pâle. La résine odorante que produit cet arbre en réaction à certaines agressions est très recherchée par la médecine chinoise traditionnelle. Le mot chinois chenxiang désigne aussi bien l’arbre aquilaria et sa résine. Signifiant « parfum noyé », le mot possède une connotation féminine justifiant l’emploi du pronom « elle » au fil du texte.

[2] Type de récit bouddhique à fonction didactique.

[3] Sūtra du cœur : célèbre texte du bouddhisme du Grand Véhicule, traduit en chinois au VIIe siècle par Xuanzang, qui le nomma ainsi car il contient le cœur de l’enseignement de la Prajñāpāramitā (ensemble d’écrits dont le thème principal est la Perfection de la Sagesse, qui suppose la vacuité de toute chose).

[4] Furong, nom chinois de l’hibiscus mutabilis. Nous avons choisi de traduire ce terme par « caprice de femme », nom usuel de cette plante. L’hibiscus mutalis est utilisé dans la médecine chinoise pour faire baisser la fièvre et atténuer les effets de l’empoisonnement.

[5] Ancien nom de l’actuelle Xi’an. La ville était la capitale de la Chine sous la dynastie des Tang.

[6] Cuju, jeu de balle dont les règles ressemblent quelque peu à celles du football moderne. Ce jeu était extrêmement populaire sous la dynastie des Tang, chez les hommes comme chez les femmes.

[7] Danseuse de la première moitié du 8e siècle. Du Fu a chanté dans un célèbre poème la danse de l’épée de Dame Gongsun. La légende raconte aussi que Zhang Xu, « le saint de l’écriture cursive », s’est inspiré de la danse de l’épée de Dame Gongsun pour créer son propre style calligraphique.

[8] Dans son célèbre poème « A Wang Lun », Li Bo a chanté l’Etang aux pêchers, comparant sa profondeur à celle de son amitié pour Wang Lun.

[9] Les soubrettes, dans les anciennes pièces de théâtre chinoises, s’appellent souvent « Fragrances de prunier ».

[10] En chinois, le mot fengliu signifie à la fois « galant » et « doué pour la littérature et les arts ».

[11] Yunnan bai, terme dérivé de yunnanbaiyao¸ « remède blanc du Yunnan ». Fabriqué à partir d’une centaine d’herbes endémiques, le yunnanbaiyaoest l’un des remèdes les plus réputés de la médecine traditionnelle chinoise. D’application externe, il est très efficace pour arrêter les saignements et favorise la guérison des blessures.

[12] Sanjiaomei, « prunier triangulaire », nom familier que donnent les Chinois à la bougainvillée.

[13] Xiaoyaosan, remède sous forme de poudre. Comme la plupart de remèdes nommés san, le xiaoyaosan doit être d’abord dissous dans l’eau bouillante, et la décoction ainsi obtenue rester sur le feu pendant un long moment. Le remède est censé harmoniser le fonctionnement de divers organes et guérir de maladies comme l’anémie, la dysménorrhée, les douleurs aux seins, etc.

[14] Dans son poème « En disant adieu à l’oncle Yun sur le Pavillon de XieTiao à la ville de Xuan », Li Bo écrit : « Je dégaine mon sabre et romps le cours d’eau, mais l’eau coule de plus belle. »

[15] Allusion aux « Sept sages de la forêt de bambous », qui vécurent à la fin de la période des Trois Royaumes et au début de la dynastie des Jin. La « forêt de bambous » où ils se réunissaient se trouvait à proximité de l’ancienne capitale Luoyang. Les « sept sages » ont laissé des poèmes et des écrits sur le taoïsme qui témoignent de fortes individualités et d’un rejet de la politique de l’époque.

[16] Un des nombreux xiang (« symptômes ») qu’un médecin traditionnel doit identifier en prenant le pouls.

[17] Ancienne et célèbre pièce de qin, cithare chinoise. Xi Kang, l’un des « sept sages de la forêt de bambous », qui excellait au qin, joua la Mélodie de Guangling le jour de sa mort, sur le lieu même de son exécution.

[18] Terme spécialisé de la médecine chinoise signifiant « excès », « perte de contrôle ».

[19] « Jeter au royaume de Java » est une ancienne expression familière qui n’est plus guère usitée. Elle signifie « jeter au bout du monde ».

[20] La codéine, l’un des alcaloïdes contenus dans le pavot somnifère (Papaver somniferum), est utilisée comme analgésique à visée antalgique et comme antitussif. Le terme chinois peut également signifier, littéralement, « raison pour laquelle on peut attendre ».

[21] Mu hudie, nom familier d’oroxylum indicum. La plante est utilisée dans la médecine chinoise principalement pour guérir les inflammations de la gorge.

[22] La romance de Liang Shanbo et Zhu Yingtai est une des légendes les plus populaires du folklore chinois. Elle fait partie du répertoire de presque tous les genres d’opéra chinois. Il s’agit d’une histoire d’amour désespéré. Les deux amants préfèrent mourir plutôt que d’être séparés par leurs familles. La légende raconte qu’un an après leur décès, deux papillons surgirent de leur tombe et voltigèrent ensemble vers le ciel, incarnant l’union de leurs âmes pour l’éternité.

[23] Grande plante vivace aromatique originaire des régions montagneuses fraîches et humides de la Chine, utilisée en médecine chinoise depuis plus de mille ans, aux fonctions multiples, considérée comme tonifiante pour les femmes. Le terme chinois peut également signifier, littéralement, « nécessaire retour ».

[24] Thé post-fermenté produit dans la province du Yunnan. Comme le vin, le thé Pu’er se bonifie avec le temps.

[25] Thé vert originaire du Jiangsu. Il est récolté en mars.
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Revue Internationale de poésie
Ai Fei’er

Poudre de liberté [13]


Attends que je libère les tigres dans la forêt, que je réveille les herbes et les arbres de février.

Qu’importe si les fleurs de pêcher au réveil rivalisent d’ardeur envers le printemps.

Solitaire, je lève ma coupe en souriant ; je ne veux pas m’enivrer complètement ; le tréfonds de mon cœur, je le réserve aux héros dans l’impasse.

A cet instant, au clair de lune et sous le vent frais, ciel et terre sont purifiés par la lumière, c’est le moment

de déclamer des poèmes d’un pas solitaire et de rompre le cours d’eau d’un coup de sabre [14].

L’esquif s’écarte des nuées longues de dix mille li, il descend obstinément, sans chanter ni pleurer.

Ton chemin traverse la forêt de bambous [15]. L’eau émeraude et les couleurs du peintre ne sont là que pour exprimer un sentiment.

Avec l’élégance des sages tu guéris les sept lésions intérieures. Puis tu prends le pouls et identifies le symptôme « lune décroissante, manque d’énergie » [16]. Avec la dernière note de la Mélodie de Guangling [17], tu panses les six « débordements » [18].

Tu piles finement des pétales de pivoines blanches propres à apaiser la fougue de la jeunesse. Avec un peu de fraîcheur de buplèvre et de menthe, tu dissous l’illusion et le chaos condensés en toi.

Eh bien, je me dessaisirai du tabou de la mort, m’emparerai d’une branche verte, laisserai libre cours aux nuages vagabonds et aux grues sauvages. Puis je jetterai les inutiles tracas de la vie et de la mort au royaume de Java [19] pour ne plus me soucier que de l’omniprésente beauté.
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Revue Internationale de poésie
Ai Fei’er

Angélique [23]


Rentre donc t’asseoir devant un thé chaud, le vêtement frangé par le soleil couchant.

Si c’est du Pu’er [24], il en émanera une saveur du passé. Si c’est du Biluochun [25], il devra être d’avant la pluie.

Seule l’épaisseur du temps pourra remédier à la nouveauté du souffle et dépoussiérer le corps en silence, seules resteront la tendresse d’un visage pur, la douceur d’une voix.

Après avoir dit : « Ces jours-ci... j’ai toujours à l’esprit... »

La brûlure de la séparation s’effacera peu à peu dans un dialogue ingénu, la souffrance retournera en silence vers la préhistoire.

Oui, la douleur conservait toute son acuité en ton absence.

Tout comme par ces innombrables après-midis de chaleur au calme troublant.

En ces instants où le temps s’arrête, je songeais à ton inéluctable décrépitude au fil des ans. Le relâchement de ton regard me laissait voir une légende figée dans le temps, le sentiment des aléas de la vie ne faisait que redoubler une suprême impuissance.

Retrouvant mes esprits, me voici face aux myriades de montagnes, ma sollicitude se double d’inquiétude.

− Finalement, au-delà de cette porte, le beau monde attend de toi jeux et plaisirs.

Avant que le souvenir ne retombe dans l’obscurité, je préparerai les bûches des mots pour allumer les flammes violentes et douces de la poésie, pour ta mine chaque jour plus pâle je confectionnerai un élixir de vie, accompagné d’engouement, cet autre remède miraculeux.
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Revue Internationale de poésie
SHUCAI

EN LISANT LE BEIJING TIMES DU 31 MARS

A la une : l’armée américaine a commencé les attaques en Iraq
Un missile monte au ciel en sifflant
Je tourne la page. Un raid aérien a préludé à l’offensive américaine
La carte de l’Iraq ressemble à un voyou à la tête rasée
Je tourne. Un hélicoptère américain s’est écrasé au sud de l’Iraq
Seule information : aucune chance que les seize soldats aient survécu
Je tourne. Saddam appelle le peuple à lutter contre les Américains
« Je ne suis pas mort », « Tirez vos épées… »
Je tourne. Le Koweït s’est déclaré attaqué par des missiles de l’Iraq
Le mot « Scud », comme il est familier à mon oreille
Je tourne. Gome ouvre son onzième festival du climatiseur solennellement
La page est pleine de modèles aux prix marqués en rouge et vert
Je tourne. Une manifestation pour la paix devant la Maison Blanche
Une fille aux grands yeux porte haut levé « Stop War »
Je tourne. Bush a déclaré que les Etats-Unis sont entrés en guerre contre l’Iraq
La tâche que le père n’a pas achevée sera poursuivie par le fils
Je tourne. Nous pouvons espérer terminer la guerre dans les 28 jours
Il y a quelques jours, nous pouvions espérer éviter la guerre
Je tourne. Voici une formule de publicité aussi puissante que des missiles –
« On arrive à Jiuzhaigou. Mais moi je n’ai pas envie de descendre de ma voiture »
Je tourne. Le recours à la force des Américains relève d’une stratégie au Moyen-Orient
Quelques Afghans écoutent un poste de radio sur un marché en plein air
Je tourne. Les bombardiers américains ont effectué de nombreuses sorties
E-bombs : à ce qu’on dit elles ne tuent pas, elles détruisent les fils électriques
Je tourne. Le groupe aéronaval est en position d’attaque
L’ « hégémonie » américaine est assurée, personne n’y opposera de résistance
Je tourne. Les généraux anti-Saddam ont tous une sale gueule
Rumsfeld grimace et rit à gorge déployée
Autrefois il a offert à Saddam une paire d’éperons en or pur
Je tourne. Sur un plan d’ensemble de la campagne américaine en Iraq
Quelques flèches rouges se courbent pour mieux bondir sur Bagdad
Les pleurs de l’Euphrate les pilotes n’arrivent pas à les entendre
Je tourne. Les troupes anglaises se sont rassemblées dans le Golfe
Deux mitraillettes sont en train de viser et ça fait froid dans le dos
Je tourne. Quinze bases militaires sont engagées dans la guerre
Toute la faute revient à Saddam, qui ne sait pas raisonner par déduction
Il voulait anéantir le Koweït donc il sera anéanti par les Etats-Unis et l’Angleterre
Je tourne. Sur la place Ruisseau-turquoise les bonnes nouvelles s’enchaînent
Vous gagnez en achetant ! Produits immobiliers en promotion à prix imbattables

Je tourne. Saddam et ses fils ont refusé de s’exiler
Une citation de Saddam : tu n’humilies point l’ennemi vaincu
Je tourne. La troupe d’élite iraquienne a décidé de se battre jusqu’au bout
On peut craindre que les Américains ne leur en laissent pas l’occasion
Je tourne. Les cinq villes stratégiques de l’Iraq et ses champs de pétrole
Un adolescent iraquien joue derrière un abri militaire
Je tourne. Encore une page de publicités sur les sacs à dodo :
« Vous voulez en profiter ? Dans mon sommeil printanier je n’ai pas vu le matin… »
Je tourne, tourne, tourne… voici déjà la dernière page
J’ouvre la fenêtre : des coups de canon enflamment le ciel à l’ouest
La guerre continue, les gens souffrent
La guerre continue, il n’y a pas de fin…

(2003. 3. 21)
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Revue Internationale de poésie
Penser à une vie après la mort par Ivan Donn Carswell

Quand était le début,
dans la fertilisation, dans la fleur,
ou était-ce plus profond,
dans la terre en dessous ?
Aucune fin d'émerveillement
ne cessera une telle quête,
ni ne saura comment elle est inconnaissable.
Nous contemplons notre cosmos à l'aube d'une floraison,
pour apercevoir le mystérieux, saisir la réalité,
abandonner une pénurie de finalité pour découvrir que
notre monde terrestre n'a rien derrière,
c'est tout ce qu'il y a
avec rien d'autre
qu'être et croire
en la finalité de fleur
et durabilité de la jeunesse.
Et c'est la vérité.

Le temps est venu et nous déplorons
la mortalité léguée par nos parents décédés,
au lieu de cela, une fragilité ironique mais temporelle avilit
en brins fragiles, unissant passé tumultueux
à avenir pétulant, et nous nous tenons
devant la tempête de midi
sachant avec la certitude que ceux qui l'ont vu
notre sort est bientôt et nous mourrons dans l'au-delà que
nos successeurs permettent.
Et quand ils sourient en passant
et pensent à nous avec affection,
pourquoi alors, oui alors,
il y aura la vie éternelle.
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Revue Internationale de poésie
Ai Fei’er

Papillon de bois [21]


Qui peut accrocher bien haut l’automne, graver ses soucis sous un nuage ?

Confier à la dernière bourrasque la crue saisonnière ? Retourner hors du temps, les yeux emplis d’ailes repliées ?

Contempler en toute franchise l’infini du monde, imaginer avec tristesse la montagne infranchissable ? Celui-là deviendra de plein gré un remède au fond du tiroir. Il fabriquera douceur et amertume, froid et chaud. Il préparera son véhicule et l’argent du voyage.

Il traversera les poumons, le foie, l’estomac, mais contournera le cœur. Il ne laissera qu’une suave senteur, sans trace de roue ou de pilon.

Il a délaissé les légendes de papillons, refusant d’incarner Liang Shanbo et Zhu Yingtai [22] ; il a suspendu son destin à un arbre ; sous le soleil, il résiste à la froidure du monde humain ; il tient à son amour qui ne saurait s’envoler.
« S’il n’est pas dans ton cœur, c’est qu’il est à tes pieds. »
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Revue Internationale de poésie
Poète, traducteur et chercheur en poésie française, Shucai travaille maintenant à l’Institut des Littératures étrangères de l’Académie des Sciences Sociales de Chine à Pékin. Ses traductions sont centrées sur les poètes français modernes et contemporains, tels que Francis Jammes, Pierre Reverdy, René Char, Saint-John Perse et Yves Bonnefoy.




NOUILLES DEBITEES AU COUTEAU

Au carrefour de la rue Ande, près d’un poteau électrique,
Un homme de petite taille débite des nouilles au couteau.
Sou cou s’allonge et se raccourcit en un mouvement cadencé ;
Son regard est fixé sur le couteau qu’il manie ;
Son menton ne cesse de s’agiter légèrement ;
Son avant-bras droit décrit des va-et-vient ;
Des parcelles de nouilles voltigent et vont tomber,
Toutes nues, dans la grande marmite.
Il commence à débiter au plus près de son menton,
Et coup après coup la lame remonte jusqu’en haut de la pâte
Puis il la ramène brusquement en arrière. Et, de nouveau,
Coup après coup il remonte, d’un geste prompt et adroit.
Assis, les clients attendent…
Maintenant, ne pouvant soutenir la masse de la pâte dans sa paume,
L’homme de petite taille fait une pause, regarde à l’entour
Du coin de l’œil, et ralentit son souffle en longs soupirs,
Tout en raclant son couteau sur le bord de la marmite.
Voici qu’il se remet à travailler le reste de la pâte.
Juste à ce moment arrive une jeune fille à grosses nattes,
Qui plonge une grande écumoire dans la marmite en la remuant.
L’écumoire se remplit aussitôt de nouilles cuites. Elle soulève, secoue,
Et du même geste envoie les nouilles dans un bol géant.
Jugeant la quantité insuffisante, elle ajoute encore quelques nouilles
Ensuite, de la sauce de soja, du sel, du vinaigre….
Et comme bouquet final une poignée de coriandre.
C’est fait ! Allez, bon appétit !
Le chauffeur de taxi baisse la tête en agitant les baguettes.
Cet étal à nouilles est situé à côté d’un chantier de construction.
Des poids lourds ne cessent d’entrer et de sortir.
Ici l’ambiance est chaleureuse et animée ;
Ici la poussière arrive en rafales.
Les voitures Xiali rouges bouchent le carrefour.
Rassasiés, les ouvriers migrants se reposent.
De petits drapeaux pourpres flottent doucement dans le vent,
Un bol de nouilles suffira à tenir jusqu’au soir.
(1999. 09)
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Revue Internationale de poésie
Ai Fei’er
Ai Fei’er, poétesse, médecin de profession. Elle est auteur d’un recueil de poèmes en vers libres (Glace brûlante) et de trois recueils de poèmes en prose (Médicaments sans ordonnance, Lyrisme sur les ruines et Reflets). Elle collabore avec d’importantes revues littéraires et dirige pour celles-ci des rubriques consacrées aux poèmes en prose. Publié en 2011, son recueil Médicaments sans ordonnance a gagné le prix Qu Yuan de l’an 2013. Les huit poèmes en prose que nous présentons ici sont tous issus de ce recueil. Chaque pièce composant l’ouvrage porte le nom d’un médicament couramment utilisé dans la médecine traditionnelle chinoise, d’où le titre global Médicaments sans ordonnance.


Aquilaria [1]


La blessure s’accroche à trois pieds de hauteur, les larmes se figent en parfum. Plus transparentes que l’ambre, plus dures que le cerne de l’arbre. Ici un onguent, là une constellation.

Elle lave simplement ses longs cheveux, puis la poussière, les immondices avec l’eau du Gange, elle s’assoit sous l’arbre de l’Eveil.

Ecoute, qui a une âme légère, une âme délabrée ?

Qui avec dix doigts de longueur différente tient ce bol d’eau incliné empli des tracas de la vie, inversant le sens du cours d’eau à son embouchure ?

Le pays que l’on dit éternel, la chair soi-disant immortelle se corrompent plus facilement qu’un filet de fumée bleue.

Aquilaria, sûtra sur feuille de palme, Avadāna [2]...

Elle traverse la mer en marchant dans l’eau profonde, soulève les lotus à bout de bras. En chemin, elle noie ses propres effluves, avant d’évoluer sur la mince couche de glace.

Attends que le clair de lune prenne forme, que le parfum laisse des traces. Un esprit en méditation se fait évanescent.

Qui a bien pu le cueillir, l’accrocher à son poignet, le suspendre à son cou ?

Ne te peins plus les ongles de vernis rouge.

Deux mains blanches peuvent brûler l’encens, allumer la lampe, copier le karma sur un sūtra. Apaiser les vagues de la lampe à huile, purifier son âme en récitant le Sūtra du cœur [3].

Attends que s’enracinent les nuages, que rayonne le soleil, que de la pluie naisse la brume. Attends que l’orchidée prête serment pour une herbe, pour un arbre, pour la foule des êtres.

Miséricorde...
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Revue Internationale de poésie
PETER BOYLE
Les joies des mathématiques

A cinquante ans je commencerai mon compte vers les nombres infinis.

À moins de quatre-vingt dix neuf, je commencerai ma marche vers l'
infiniment petit.

À une heure sur vingt-sept, j'inspecterai les premiers ponts.

A vingt-deux ans sur sept, j'écrirai un message dans une bouteille, le confierai à
une tortue de mer, me glisserai sous une vague et dormirai.

À quatre-vingt-sept moineaux atterriront sur le rebord de la fenêtre, picorant un trou
qui mène à l'intérieur de mon bras.

À 127 ans, je commencerai à ranger les oreillers des enfants, en les remplissant soigneusement
chacun avec des poignées chaudes de neige.

A dix heures contre six, nos amis de la Maison Blanche arriveront,
distribuant des perles de verre et des coquilles brisées remplies de
poisons récemment perfectionnés.

Au carré inversé de seize, le ciel se courbe sur des lacs bleus, des oiseaux chanteurs
s'installent au crépuscule, un petit train se dirige vers un village qui s'appuie
contre une seule flèche d'église.

À une heure sur moins de vingt-deux, je commencerai à rêver en sanskrit, créant un
essaim de fourmis brunes pour ramener le hochet d'un bébé du
bord d'une glissade de boue.

À dix à moins de deux sur trois, j'ouvrirai mon cœur, lâchant toutes les vanités,
jusqu'aux os fanés.

Au troisième nombre transfini, j'abandonnerai des réponses faciles.

A l'i pi la terre sera hérissée de crânes et d'armes, les dauphins
proclameront le premier bazar d'armes inter-stellaires en Antarctique, le
nouveau-né ne boira que du plomb, les personnes âgées erreront sur la lune
à la recherche de chaleur.

À l'un, j'ouvrirai les yeux.

À zéro, je remettrai la clé sous le tapis.
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