Je n'ai donc pas ou peu entendu de voix pour mettre en valeur les défauts pourtant flagrants des romans de Sansal. Peut-être que ceux qui auraient voulu le faire ont finalement renoncé, submergés par la multitude croissante des fausses valeurs littéraires. Leur détachement doit s'être accru, en même temps que leur lassitude. L'indifférence les a sûrement envahis - et c'est vrai qu'il est fatigant de se coltiner Sansal. J'ai souvent ri à la lecture des zozos qui l'encensent, mais je sentais bien la vitesse à laquelle mon rire jaunissait.
Philippe Franceschi, "La littérature et le Bien : Boualem Sansal", p. 113
Note de Kevin Leroux sur "Les vies multiples de Jeremiah Reynolds" de Christian Garcin.
... Les romans centrés sur un personnage historique (de Cléopâtre à Heisenberg, Ravel, Zatopek, Planck, Léon Blum, les frères Kouachi, L. G. Damas etc) foisonnent en ce moment, et sont généralement le fait d'écrivains en mal de sujets et/ou qui refusent de s'affronter au monde contemporain : dans le meilleur des cas, cela donne Pierre Michon, sauvé par son style ; et pour le pire : Jean Echenoz, Christian Jacq, Jean Theulé, Jérôme Garcin, oui, encore lui ... Cette aventureuse et "multiple" existence (de Jeremiah Reynolds) méritait mieux que cette pâlichonne et barbante narration au passé simple, avec quelques effets de rhétorique héroïque, et quelquefois moderniste, et des considérations métaphysiques de ce niveau : "Lorsque la roue tourne et devient folle, elle est impossible à maîtriser." C'est aussi volatil qu'un pet de cheval et profond comme du Foenkinos sous-écrit par l'autre Garcin, les deux Garcin s'annulant d'ailleurs l'un l'autre dans le grand tournoiement de la roue où ils galopent en braves petits écureuils de l'insignifiance.
p. 206
En un mot, il ne faudrait pas mettre au programme des auteurs réputés incompréhensibles pour les étudiants, car ceux-ci pourraient déserter les cours, puis l'Université ; l'évaluation des établissements universitaires par le ministère étant principalement envisagée en fonction du nombre d'étudiants et des taux de réussite aux examens, le problème ainsi proposé avec délicatesse et tact est résolu ... Si Proust et Rimbaud font fuir les étudiants qui ne peuvent réussir aux examens à cause de la difficulté d'interprétation de ces oeuvres, l'Université s'en ressentirait, les effectifs baisseraient entraînant la chute des moyens alloués, donc il vaudrait mieux qu'Annie Ernaux, romancière bourdieusienne bien pensante, chasse Proust et Rimbaud afin que l'Université survive dans de bonnes conditions. Elle, au moins, est compréhensible et lisible par tous.
Jean-Yves Casanova, "De l'enseignement de la littérature", p. 136
Camus demeure un acteur de notre modernité.