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4.17/5 (sur 29 notes)

Nationalité : États-Unis
Né(e) à : Téhéran, Iran , le 03/05/1972
Biographie :

Reza Aslan (en persan : رضا اصلان) est un écrivain et universitaire américano-iranien, spécialisé dans les religions.

La famille d'Aslan fuit l'Iran en 1979 (il est alors âgé de 7 ans) pour échapper à la révolution iranienne. Il grandit dans la baie de San Francisco.

À l'âge de 15 ans, il rejoint l'Église évangélique, mais l'été précédant son entrée à Harvard, il revient sur son choix et retourne à l'islam.

Reza Aslan obtient successivement le Bachelor of Arts de l'université de Santa Clara, le Master of Theological Studies à la Harvard Divinity School, le Master of Fine Arts à l'université de l'Iowa et, enfin, le Doctor of Philosophy in Sociology à l'université de Californie à Santa Barbara.

En août 2000, il est nommé professeur d'études islamiques à l'université de l'Iowa, devenant le premier professeur à enseigner l'islam à plein temps de l'État.

Reza Aslan est membre du think tank américain Council on Foreign Relations, de l'Institut pour les sciences sociales de Los Angeles et du Pacific Council on International Policy.

Il a écrit des articles pour The Daily Beast, The Christian Science Monitor, The Los Angeles Times, The New York Times etc. et a également fait de nombreuses apparitions télévisuelles parmi lesquelles : The Rachel Maddow Show, Anderson Cooper 360°...

Marié à une chrétienne, il est l'auteur de Le Zélote (Zealot: The Life and Times of Jesus of Nazareth, 2013) qui a été numéro un des ventes aux États-Unis pendant de longues semaines. Vendu à plus de 300 000 exemplaires, il a été acheté par les éditeurs les plus prestigieux à l'étranger.
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Source : Wikipédia
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Bibliographie de Reza Aslan   (3)Voir plus

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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
- Les Zélotes - : Les Zélotes ne doivent pas être confondus avec les membres du parti zélote qui surgirait soixante ans plus tard, après la révolte juive de 66. Du vivant de Jésus, "zélote" ne renvoyait à aucun sectarisme formel ni à aucune faction politique. C'était une philosophie, une aspiration, un modèle de piété inextricablement lié aux attentes apocalyptiques qui s'étaient emparées des Juifs à la suite de l'occupation romaine. Le sentiment régnait, en particulier dans la population rurale et chez les déshérités craignant Dieu, que la configuration du monde telle qu'on la connaissait touchait à sa fin, qu'un ordre nouveau et d'inspiration divine allait prévaloir sous peu. Le royaume de Dieu était à portée de main. Tout le monde en parlait. Mais le règne de Dieu ne pouvait être instauré que par le "zèle" de ceux qui combattaient pour lui.
- Les Sicaires - : Les Sicaires étaient des Zélotes nourris d'une vision eschatologique du monde et animés du désir ardent d'instaurer le règne de Dieu sur la terre. Ils s'opposaient avec fanatisme à l'occupation romaine, même si leur vindicte s'exerçait contre les Juifs, en particulier la riche aristocratie sacerdotale inféodée au pouvoir romain. Ignorant la peur et impossibles à contenir, les sicaires assassinaient leurs adversaires en toute impunité : en pleine ville, en plein jour, au milieu de l'immense affluence de pèlerins lors des célébrations et des grandes fêtes. Ils se fondaient dans les assemblées et dans la foule, poignard dissimulé sous leur manteau, jusqu'à s'être assez approchés pour frapper. Puis, tandis que leur victime s'écroulait au sol, couverte de sang, les sicaires rengainaient furtivement leur arme et joignaient leurs voix aux cris d'horreur de la foule affolée.
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Hégésippe, qui appartenait à la deuxième génération de disciples de Jésus, confirme le rôle de Jacques à la tête de la communauté chrétienne dans son histoire en cinq tomes de l’Église primitive. « L’administration de l’Église, écrit-il, échut en même temps que les apôtres au frère du Seigneur, Jacques, que tous, depuis l’époque du Seigneur jusqu’à la nôtre, appellent ‘’le Juste’’, pour le distinguer des nombreux Jacques. » Dans l’Épitre de Pierre, texte non canonique, le principal apôtre et chef des Douze qualifie Jacques de « seigneur et évêque de la Sainte Église. » Clément de Rome (30-97 EC), qui succédera à Pierre dans la ville impériale, s’adresse dans une lettre à Jacques à l’ « évêque des évêques, chef de Jérusalem, de la sainte assemblée des Hébreux et de toutes les assemblées ». Dans l’Évangile de Thomas, écrit entre la fin du Ier et le début du IIe siècle, c’est Jésus lui-même qui nomme Jacques son successeur : « Les disciples dirent à Jésus : ‘’Nous savons que tu nous quitteras ; qui se fera grand sur nous ?’’ Jésus leur dit : ‘’Au point où vous en serez, vous irez vers Jacques le Juste : ce qui concerne le ciel et la terre lui revient.’’ »

Clément d’Alexandrie (150-215 EC), Père de l’Église des débuts, affirme que Jésus transmit un savoir caché à « Jacques le Juste, à Jean et à Pierre », qui, à leur tour, « le transmirent aux autres apôtres », mais n’en note pas moins que, de ce trimvirat, ce fut Jacques qui devint « le premier, comme nous le disent les annales, à être élu au trône épiscopal de Jérusalem ». Dans son De viris illustribus, saint Jérôme (env. 347-420 EC), qui traduisit la Bible en latin (la Vulgate), écrit que, après que Jésus fut monté aux cieux, Jacques fut « aussitôt nommé évêque de Jérusalem par les apôtres ». De fait, Jérôme tient que la sainteté et la réputation de Jacques auprès de la population étaient si grandes que l’on imputait la destruction de Jérusalem à sa mort. Jérôme fait allusion à une tradition issue de Josèphe, que relève aussi le théologien chrétien Origène (env. 185-254 EC) et qui est consignée dans l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée. Josèphe déclare que « ces malheurs [la révolte juive et la destruction de Jérusalem] arrivèrent aux Juifs à l’occasion du crime qu’ils commirent contre Jacques le Juste : il était frère de Jésus qu’on appelle le messie, et les Juifs le mirent à mort malgré sa justice éminente ». Commentant ce passage, qui n’existe plus, Eusèbe écrit : « Jacques était si admirable et si vanté de tous pour sa justice, que les gens sensés parmi les Juifs pensèrent que son martyre fut la cause du siège qui suivit immédiatement » (Histoire ecclésiastique, II, 19-20).

Même le Nouveau Testament confirme le rôle de Jacques à la tête de la communauté chrétienne. C’est Jacques qui figure habituellement en premier parmi les « colonnes », devant Pierre et Jean ; Jacques, qui envoie personnellement des émissaires aux diverses communautés éparpillées dans la Diaspora (Galates, 2, 1-14) ; lui, à qui Pierre fait le rapport de ses activités avant de quitter Jérusalem (Actes, 12, 17) ; lui, qui préside la réunion des « anciens » devant qui Paul vient rendre des comptes (Actes, 21, 18) ; lui encore, qui préside le concile apostolique, qui s’exprime en dernier durant les délibérations, et dont la décision est sans appel. De fait, après le concile, les apôtres disparaissent du reste du livre des Actes. Mais non Jacques. Au contraire, la funeste querelle entre Jacques et Paul, au cours de laquelle Jacques chapitre publiquement Paul pour ses enseignements déviants en exigeants qu’il fasse amende honorable au Temple, conduit au point d’acmé du livre : l’arrestation de Paul et son transfèrement à Rome. (pp. 268-270)
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Que Jésus ait eu des frères, malgré la doctrine catholique de la virginité perpétuelle de sa mère Marie, est pratiquement incontestable. C'est un fait régulièrement attesté tant par les Évangiles que par les lettres de Paul. Même Flavius Josèphe mentionne le frère de Jésus, Jacques qui allait devenir le chef le plus important de l’Église chrétienne primitive après la mort de Jésus. Il n'existe aucun argument rationnel susceptible de s'inscrire en faux contre l'idée que Jésus appartenait à une famille nombreuse ; elle comportait au moins quatre autres frères nommés dans les Évangiles (Jacques, Joseph, Simon et Judas) et une nombre inconnu de sœurs qui, bien que mentionnées dans les Évangiles restent malheureusement anonymes.
On connaît beaucoup moins de choses sur le père de Jésus, Joseph, qui disparaît vite des Évangiles après les récits de la petite enfance. Les chercheurs s'accordent à croire que Joseph mourut quand Jésus était encore enfant. Mais certains pensent qu'il n'a même jamais existé, qu'il était une production de Matthieu et de Luc (seuls évangélistes à le mentionner) afin de justifier une création infiniment plus controversée : la naissance virginale.
D'une part, le fait que Matthieu et Luc la mentionnent tous deux dans leurs récits de l'enfance de Jésus, bien que l'on estime qu'ils n'avaient aucune connaissance de leurs œuvres respectives, indique que la tradition de la naissance virginale s'établit très tôt, peut-être avant le premier Évangile, celui de Marc. D'autres part, hormis les récits de Matthieu et de Luc, personne d'autre n'y fait même la moindre allusion dans le Nouveau Testament : ni l'évangéliste Jean, qui présente Jésus comme un esprit appartenant à un autre monde et dénué d'origines terrestres, ni Paul, qui voit Jésus comme l'incarnation même de Dieu. Cette absence a conduit à une abondance de spéculation chez les érudits : la naissance virginale fut-elle inventée pour masquer une vérité dérangeante sur les parents de Jésus - en clair, qu'il était né hors des liens du mariage ?
Le débat ne date pas d'hier ; il fut lancé par les adversaires du mouvement de Jésus dès le tout début. Celse, écrivain du 2ème siècle, relate une version calomnieuse qu'il affirme tenir de la bouche d'un Juif palestinien, à savoir que la mère de Jésus avait été fécondée par un soldat dénommé Panthera.
[...] Lorsqu'il commence à prêcher dans son village natal de Nazareth, Jésus se heurte aux on-dit des voisins, dont l'un s’exclame sans ménagement : < < Celui-là n'est-il pas le fils de Marie ? > > (Marc 6, 3). C'est une formulation sidérante, de celles que l'on n'écarte pas d'un geste désinvolte. Appeler, en Palestine, un fils premier-né juif par le nom de sa mère -à savoir, Jésus "bar Marie", au lieu de Jésus "bar Joseph"- n'est pas seulement inhabituel : c'est un affront caractérisé. Au minimum une insulte délibérée.
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Les soldats ne firent pas de quartier. Hommes, femmes, enfants, riches, pauvres, ceux qui avaient rejoint la rébellion, ceux qui étaient restés fidèles à Rome, les aristocrates, les prêtres : tous furent indifféremment massacrés. Ils brûlèrent tout. La ville entière était un brasier. Le rugissement des flammes se mêlait aux cris d’agonie à mesure que les Romains s’abattaient par nuées sur la ville haute et la ville basse, jonchant le sol de cadavres, pataugeant dans des fleuves de sang, escaladant littéralement les entassements de corps à la poursuite des rebelles. Jusqu’au moment où ils arrivèrent en vue du Temple. Une fois les derniers combattants rebelles pris au piège dans la cour intérieure, les Romains embrasèrent les fondations de l’édifice. On aurait pu croire que le mont du Temple bouillonnait de feu et de sang à sa base. Les flammes enveloppèrent le saint des saints, la résidence du Dieu d’Israël, qui s’effondra, réduit à un empilement de cendres et de poussière. Lorsque les feux moururent enfin, Titus ordonna de raser ce qu’il restait de la ville, afin que les générations futures oublient jusqu’au nom de Jérusalem.
(…)
On ne pouvait se méprendre sur les intentions de Vespasien : il ne s’agissait pas d’une victoire sur un peuple, mais sur son Dieu. Ce n’était pas la Judée ni le judaïsme qui avaient été défaits. Titus présentait publiquement la destruction de Jérusalem comme un acte de piété et une offrande aux dieux romains. Le mérite du succès ne lui revenait pas, proclamait-il. Il s’était contenté de prêter ses bras à son dieu, qui avait montré son courroux contre le Dieu des Juifs.
(…)
Dans les années à venir, les Juifs allaient se démarquer de plus en plus de l’idéalisme révolutionnaire qui avait conduit à la guerre avec Rome. Ils ne renonceraient pas entièrement à leurs attentes eschatologiques. Au contraire, toute une littérature apocalyptique fleurit au cours du siècle suivant, exprimant leur aspiration durable à une intervention divine qui les libérerait du joug des Romains. Les effets persistants de la ferveur messianique devaient même susciter une seconde et courte guerre juive contre Rome en 132 EC, celle-là conduite par le messie nommé Simon fils de Kochba. Dans l’ensemble, cependant, les circonstances et la crainte de représailles romaines inciteraient les rabbins du IIe siècle à élaborer une interprétation du judaïsme qui se garderait du nationalisme. Ils en viendraient à concevoir la Terre sainte sous un jour plus transcendantal, favorisant une théologie messianique qui rejetait les ambitions politiques déclarées, tandis que les actes de piété et l’étude de la Loi remplaceraient les sacrifices du Temple dans la vie du Juif observant. (pp. 112-115)
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Les chrétiens d’aujourd’hui reconnaîtront le portrait que fait Paul de Jésus en Christ – il est devenu depuis lors la doctrine classique de l’Église –, mais il dut profondément déconcerter les disciples juifs de Jésus. La transformation du Nazaréen en fils de Dieu au sens littéral, préexistant et divin, dont la mort et la résurrection déterminent un genre nouveau d’êtres éternels chargés de juger le monde, ne se fonde sur rien de ce qui fut écrit sur Jésus, même vaguement contemporain des textes pauliniens (un indice solide que le Christ de Paul relevait de sa création personnelle.) Rien de comparable à ce qu’il propose n’existe dans les matériaux de la source Q, qui fut compilée à peu près au moment où Paul écrivit ses lettres. Le Christ de Paul ne ressemble en rien au Fils de l’homme qui apparaît dans l’Évangile de Marc, rédigé quelques années seulement avant la mort de l’apôtre. Nulle part dans les Évangiles de Matthieu et de Luc – composés entre 90 et 100 EC – Jésus n’est présenté comme le fils de Dieu au sens littéral. Les deux Évangiles emploient le terme « Fils de Dieu » exactement selon l’usage qui en est fait tout au long des Écritures hébraïques : un titre royal, non une caractérisation. C’est seulement dans le dernier des Évangiles canoniques, celui de Jean, écrit à un moment quelconque entre 100 et 120 EC, que Jésus apparaît en Christ – le logos éternel, fils unique engendré par Dieu –, la vision de Paul. A ce moment-là, certes, presque cinquante ans après la destruction de Jérusalem, le christianisme était déjà une religion entièrement romanisée et le Christ de Paul avait depuis longtemps oblitéré la dernière trace du messie juif en Jésus. Cependant, pendant les années 50 où il écrit ses lettres, la conception que Paul se fait de Jésus en Christ devait scandaliser et paraître tout simplement hérétique, raison pour laquelle, vers 57 EC, Jacques et les apôtres le convoquèrent à Jérusalem pour répondre de ses enseignements déviants.
(...)
Toujours est-il que le concile semble s’être achevé avec la promesse de Jacques, chef de l’assemblée de Jérusalem, de ne pas contraindre les disciples païens de Paul à la circoncision. Pourtant, la suite des événements montre que Jacques et lui étaient loin d’être réconciliés ; presque aussitôt après que Paul eut quitté Jérusalem, Jacques entreprit d’envoyer ses propres missionnaires aux communautés de Galatie, de Corinthe, de Philippes et de nombreux autres endroits où Paul avait fait des adeptes, afin de rectifier ses enseignements peu orthodoxes sur Jésus. (pp. 256-259)
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Jésus parlait si souvent, et de manière si abstraite, du royaume de Dieu qu’il est difficile de savoir si lui-même s’en faisait une idée unifiée. Cette formulation, de même que son équivalent dans Matthieu, « Royaume des Cieux », figure à peine dans le Nouveau Testament en dehors des Évangiles. Bien que de nombreux passages des Écritures hébraïques qualifient Dieu de roi et unique souverain, les termes « royaume de Dieu » n’apparaissent que dans un texte apocryphe, Le Testament de Salomon (10, 10), qui visualise la réalité matérielle du royaume de Dieu au ciel, le lieu où se tient le trône de Dieu, où la cour des anges est attentive à la moindre de ses exigences et où sa volonté est toujours faite et sans faillir.

Or le royaume de Dieu des enseignements de Jésus n’est pas un royaume céleste existant dans le cosmos. Ceux qui soutiennent le contraire s’appuient souvent sur un passage unique et non fiable de l’Évangile de Jean, dans lequel Jésus aurait dit à Pilate : « Mon royaume n’est pas de ce monde » (Jean, 18, 36). C’est non seulement le seul passage des Évangiles où Jésus pose cette affirmation, mais une traduction ambiguë du grec original. La phrase ouk estin ek tou kosmou serait peut-être rendue avec plus d’exactitude par « ne fait pas partie de cet ordre/système [de gouvernement] ». Même si l’on accepte l’historicité du passage (ce que font très peu de spécialistes), Jésus n’affirmait pas que le royaume de Dieu ne se situe pas ici-bas, mais qu’il ne ressemble à aucun type de gouvernement sur terre.

De même, Jésus ne présente pas le royaume de Dieu comme un royaume futur devant être établi à la fin des temps. Lorsqu’il disait « le Royaume de Dieu est tout proche » (Marc, 1, 15), ou bien « le Royaume de Dieu est au milieu de vous » (Luc, 17, 21). Jésus se référait à l’action salvatrice de Dieu dans son ère à lui, dans son temps. Certes, il parla de guerres et de soulèvements, de tremblements de terre et de famines, de faux messies et de faux prophètes qui annonceraient l’instauration du royaume de Dieu sur la terre (Marc, 13, 5-27). Mais loin de laisser présager quelque future apocalypse, les mots qu’il employait donnaient une image parfaitement exacte du temps dans lequel il vivait : un temps de guerres, de famines et de faux messies. De fait, Jésus semble s’attendre à l’instauration imminente du royaume de Dieu : « En vérité je vous le dis, il en est d’ici présents qui ne goûteront pas la mort avant d’avoir vu le Royaume de Dieu venu avec puissance » (Marc, 9, 1). (pp. 171-172)
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Quelle que fût leur tolérance envers les cultes étrangers, les Romains démontraient encore plus d’indulgence à l’endroit des Juifs et de leur loyauté à leur Dieu unique – les « superstitions barbares » du monothéisme juif, comme les qualifiait Cicéron. Les Romains ne comprenaient peut-être pas la religion juive, avec ses prescriptions bizarres et son écrasante obsession de pureté rituelle – « Les Juifs jugent profane tout ce que nous tenons pour sacré, écrivait Tacite, alors qu’ils autorisent tout ce que nous exécrons » –, néanmoins ils la toléraient.

Ce qui intriguait surtout Rome chez les Juifs n’était pas leurs rites déconcertants ou leur stricte observance de leurs lois, mais ce qui lui apparaissait comme un insondable complexe de supériorité. Pour de nombreux Romains, l’idée qu’une tribu sémitique insignifiante résidant aux confins du puissant empire exigeât, et reçût qui plus est, un traitement spécial de la part de l’empereur dépassait l’entendement. Comment les Juifs osent-ils décréter que leur dieu est le seul et unique dieu de l’univers ? Comment ont-ils l’outrecuidance de garder leurs distances avec toutes les autres nations ? Pour qui ces tribus superstitieuses se prennent-elles ? Sénèque, le philosophe stoïcien, n’était pas le seul membre de l’élite romaine à se demander : par quel prodige, à Jérusalem, « les vaincus [avaient] donné des lois aux vainqueurs. »

Pour les Juifs, cependant, ce sentiment d’exception ne relevait ni de l’arrogance ni de l’orgueil. C’était le commandement direct d’un Dieu jaloux, qui ne tolérait aucune présence étrangère sur la terre qu’il avait réservée à son peuple élu. Raison pour laquelle, lorsque les Juifs l’avaient foulée pour la première fois mille ans auparavant, il leur avait ordonné de massacrer tous les hommes, femmes et enfants qu’ils rencontraient, de tuer tous les bœufs, chèvres et brebis qu’ils croisaient en chemin, de brûler tous les champs, fermes, récoltes et créatures vivantes sans exception, afin de garantir que la terre n’appartiendrait qu’à ceux qui adoraient ce seul Dieu et pas un autre.

« Quant aux villes de ces peuples que Yahvé ton Dieu te donne en héritage, tu n’en laisseras rien subsister de vivant. Oui, tu les dévoueras à l’anathème, ces Hittites, ces Amorites, ces Cananéens, ces Perizzites, ces Hivvites, ces Jébuséens, ainsi que te l’a commandé Yahvé ton Dieu » (Deutéronome, 20, 16-17). (pp. 50-51)
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L’Église primitive se heurtait à un problème : Jésus ne s’inscrivait dans aucun des paradigmes messianiques proposés dans la Bible hébraïque, et il ne remplissait pas davantage une seule des conditions requises du messie. Jésus parlait de la fin des temps, mais elle ne s’était pas produite, même après que les Romains eurent détruit Jérusalem et profané le Temple de Dieu. Il promettait que les douze tribus d’Israël seraient reconstituées et la nation restaurée ; au lieu de quoi les Romains s’étaient emparés de la Terre promise, avaient massacré ses habitants et exilé les rescapés. Le royaume de Dieu prédit par Jésus n’était jamais advenu ; le nouvel ordre du monde qu’il décrivait n’avait jamais pris forme. Au regard des critères du culte juif et des Écritures hébraïques, Jésus avait rencontré aussi peu de succès dans ses aspirations messianiques que les autres prétendus messies.

Le dilemme n’échappait pas à l’Église primitive et, comme on allait le voir, elle décida en toute connaissance de cause de modifier les critères messianiques. Elle mêla les différentes présentations du messie offertes par la Bible hébraïque pour créer un candidat qui transcendait tout modèle ou attente messianique. Jésus n’avait peut-être pas été prophète, libérateur ou roi, mais parce qu’il s’élevait au-dessus de ces paradigmes élémentaires. Pour preuve, la transfiguration : Jésus était plus grand qu’Élie (prophète), que Moïse (le libérateur), et même que David (le roi).

L’Église primitive comprit peut-être ainsi l’identité de Jésus. Mais ce ne semble pas avoir été le cas de Jésus lui-même. Si l’on y réfléchit, dans tout le premier Évangile, il n’existe aucune déclaration messianique décisive émanant de sa bouche, même pas tout à la fin, quand il comparaît devant le grand prêtre Caïphe et lorsqu’il accepte avec une certaine passivité le titre que d’autres lui imposent (Marc, 14, 62). Il en va de même de la source Q, qui elle non plus ne contient pas une seule déclaration messianique de Jésus. (pp. 192-193)
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Les chrétiens d'aujourd'hui reconnaîtront le portrait que fait Paul de Jésus en Christ - il est devenu depuis lors la doctrine classique de l’Église - mais il dut profondément déconcerter les disciples juifs de Jésus. La transformation du Nazaréen en fils de Dieu au sens littéral, préexistant et divin, dont la mort et la résurrection déterminent un genre nouveau d'êtres éternels chargés de juger le monde, ne se fonde sur rien de ce qui fut écrit sur Jésus, même vaguement contemporain des textes pauliniens (un indice solide que le Christ de Paul relevait de sa création personnelle). Rien de comparable à ce qu'il propose n'existe dans les matériaux de la source "Q", qui fut compilé à peu près au moment où Paul écrivait ses lettres. Le Christ de Paul ne ressemble en rien au Fils de l'homme qui apparaît dans l’Évangile de Marc, rédigé quelques années seulement avant la mort de l'apôtre. Nulle part dans les Évangiles de Matthieu et de Luc - composés entre 90 et 100 - Jésus n'est présenté comme le fils de Dieu au sens littéral.
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Bien qu'il n'existe aucun élément de preuve dans le Nouveau Testament, attestant que Jésus était marié ou non, il eût été presque impensable, pour un juif de trente ans de son temps, de ne pas avoir de femme. Le célibat était un phénomène extrêmement rare dans la Palestine du 1er siècle. Quelques sectes, tels les esséniens déjà cités et une autre, dénommée les thérapeutes, le pratiquaient, mais il s'agissait d'ordres quasi monastiques ; ils ne refusaient pas seulement de se marier, mais se coupaient complètement de la société. Jésus ne fit rien de la sorte. Pourtant même si l'on peut être tenté de poser que Jésus était marié, il est impossible d'ignorer que nulle part, dans tout ce qui a jamais été écrit sur Jésus de Nazareth - des Évangiles canoniques et gnostiques aux lettres de Paul, voire aux polémiques juives et païennes le discréditant - figure la moindre mention d'une femme ou d'enfants.
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