Citations de Richard Collasse (80)
Un mois a passé pendant lequel j'ai vainement cherché une raison à cette rage aveugle du destin. […] J'ai oublié que les passions humaines sont sans frontière et qu'elles mènent aussi bien au désastre qu'à la grandeur, quel que soit le langage dans lequel elles s'expriment. Magma incandescent sous une croûte de glace, le Japon m'a sauté au visage dans tout ce qu'il a de burlesque, de truculent, d'exalté, d'excessif, de brutal, après toutes ces années où il avait endormi ma méfiance sous la courtoisie, la délicatesse, la grâce, la retenue, la sobriété.
Abe Kõbõ (安部公房) – Écrivain (1924-1993)
Abe Kõbõ est un auteur incontournable de la littérature japonaise.
Dans ses Lettres du Japon publiées en 1888, Rudyard Kipling s’exclamait : « Le Japon, ce pays trop délicieux pour qu’on le salisse de sa plume ! »
("Celui qui se tait")
Ce n𠆞st pas une mauvaise chose, le passé. C𠆞st la trace qu’on laisse derrière soi. Vivre, c𠆞st fabriquer du passé ! C𠆞st inévitable.
...Des hommes et des femmes dans des amours interdites, dont les parents, pour une raison ou pour une autre, rejettent l'union. Ou encore des couples qui ont atteint un niveau de félicité qu'il leur paraît impossible de surpasser et qu'épouvante l'idée d'une vie morne après tant de fortune et d'harmonie ! Alors ils se jettent du haut des chutes et s'écrasent sur les rochers dans le bassin...
Pour la première fois, son vêtement révélait sa féminité, les douces rondeurs de sa poitrine, la courbe harmonieuse de ses hanches, la finesse de ses jambes.
Tutoyer la solitude, cela revient à danser avec ses propres démons.
– Les carpes n’ont jamais mangé personne !
– Je sais, mais je les trouve laides et l’air méchant.
Les Japonais se confiaient, parfois avec une impudeur extrême, aux étrangers comme à un miroir sans tain, qui ne réfléchissait pas le reflet de leurs sentiments, qui les absorbait sans que cela porte à conséquence. Parler à un étranger n’avait pas plus d’incidence que s’adresser au vide.
Moi je pense que si la société ne vous impose pas sa loi, alors le Destin s’en charge. Il ne sert à rien de se débattre contre le courant. C’est pourquoi il faut toujours maîtriser ses élans. La modestie de nos pensées et la vacuité de nos sentiments doivent toujours être présentes à notre esprit. C’est une règle de vie essentielle.
C’est une cité de pierre, plus pérenne que vos villes et leurs bâtiments en bois et en papier. Chez nous, ce sont plutôt les gens qui changent. C’est notre civilisation qui s’effrite, le tissu social qui se délite.
Nous, les Japonais, n’avons pas besoin des bombes américaines pour défigurer notre civilisation… Croyez-vous que cette ville finira par ressembler à toutes ces affreuses cités occidentales ?
Fondamentalement pessimiste, il croyait fermement que tout est voué à s’estomper puis à disparaître, surtout le bonheur. Il avait fait sienne la phrase lue il ne savait plus trop dans quel tome de La Recherche du temps perdu1 quand il était adolescent, édulcorée par ses soins, qu’il se répétait chaque fois qu’il avait la faiblesse de croire qu’il pourrait être heureux : « La recherche du bonheur est quelque chose d’aussi naïf que l’entreprise d’atteindre l’horizon en marchant devant soi. »
Certes, il venait d’être victime de ce fameux coup de foudre auquel il ne croyait pas. Il espéra que cela lui passerait, comme un mal de dents. Que cela lui laisserait une vague sensation d’engourdissement qui irait en s’estompant avec le temps.
Il avait suffisamment confiance en son bon sens qui lui murmurait, tel l’esclave romain tenant au-dessus de la tête du triomphateur la couronne de lauriers au moment du sacre, Cave ne cadas, « prends garde de ne pas tomber ».
« Épouser une Japonaise, c’est comme profiter d’une promotion chez Félix Potin : pour le prix d’une, on en a deux ! »
Il crut longtemps à la conspiration du silence motivée par le souci de préserver les apparences mais, comme il en fit l’expérience, c’étaient souvent les apparences dans ce pays qui engourdissaient l’entendement, puis elles finissaient par effacer la réalité des choses. En chaque Japonais vit le singe qui se couvre les yeux, se bouche les oreilles et scelle ses lèvres.
Un whisky irlandais, un Green Spot. Qui pourrait croire que ces brutes épaisses savent produire un nectar aussi délicat !
Un coup de cœur pouvait-il se transformer en amour ? Cela lui paraissait aussi improbable que la transmutation du plomb en or.
Sa vie sentimentale était au point mort. Les Japonaises qu’il mettait dans son lit ne parvenaient pas à le tirer de sa morosité. Au bout d’un moment, elles se lassaient et le quittaient, à la manière japonaise, sans soupirs ni larmes, sur un dernier sourire et un petit geste infiniment gracieux de la main. Il regardait leur silhouette s’amenuiser puis disparaître, finalement lui aussi passablement indifférent.
Dans les bonnes familles, on n’est pas loin de penser qu’un mariage d’amour finit toujours mal. Je connais une grand-mère qui disait à ses petites-filles : « C’est le cinquième dans l’ordre d’attirance qui fera le bon mari. »