Vidéo de Richard Ford (II)
La terrible réputation de Havrefer s’étendait jusqu’au lointain Dravhistan : les dangers de ses ruelles tortueuses, sa culture insignifiante, les manières de sauvages et l’haleine fétide de ses habitants – sans parler de leur gastronomie insipide et de leur déplorable habitude d’ingurgiter de la bière jusqu’à en vomir.
La mélodie de l'acier n'était pas un air agréable. Ses notes fracassantes et discordantes étaient le fruit de l'effort, de la sueur et de la saleté. Nobul Jacks la jouait en virtuose. Il travaillait sur son enclume comme un violoniste avec son instrument. Son impressionnante carrure tremblait à chacun de ses coups précis et puissants. Le marteau fracassait l'acier chauffé à blanc dans des gerbes d'étincelles spectaculaires la forge résonnait d'une symphonie funèbre qui n'avait rien à envier à celle d'un orchestre.
Depuis l’arrivée des Khurtas, il montait la garde, aussi immobile qu’une statue. Il se tenait au sommet des remparts de jour comme de nuit. Rares étaient ceux qui avaient le courage de déranger Nobul Jacks.
Mais ce n’était plus Nobul Jacks.
On l’appelait désormais Casque Noir, un nom qu’il n’avait pas entendu depuis une éternité. Un nom qu’il avait abandonné dans la boue et le sang de la porte de Bakhaus. Ce jour-là, il avait fallu affronter un redoutable envahisseur, des créatures venues des terres septentrionales pour raser les Etats Libres – comme aujourd’hui. C’était au cours de la bataille que Nobul Jacks était devenu Casque Noir. Il avait survécu en devenant un homme… Ou un monstre.
Le temple d'Automne se trouvait sur le second promontoire le plus élevé de Havrefer. En matière de majesté, il n'était surclassé que par le palais royal de Guideciel, et seule la tour des magisters était plus haute que lui. Il était planté comme un monolithe sur le sol rocheux. Ses murs en granit jaune étaient aussi austères et menaçants que ceux de l'imposante citadelle. L'immense statue d'Arlor se dressait dans le bastion nord. Arlor, le Marteau des Vents, l'Indompté, le Grand Défenseur des Tribus Teutonnes. On racontait que les États libres avaient été bâtis sur ses épaules. Dans le bastion sud, la statue de Vorena protégeait les arrières d'Arlor des dangers venant de la mer de Midral. La fière déesse était armée de sa lance et de son bouclier. La crinière de son casque se dressait vers le ciel azur.
Le temps joue de mauvais tours à tout le monde, d’une manière ou d’une autre. L’important c’est de savoir le mettre à profit.
C’était toujours ainsi dans les bordels : tout sourires à l’entrée et pas même un « Va te faire foutre » poli à la sortie.
Il est facile de se transformer en athlète quand on est poursuivi par une bête sauvage.
Sur sa gauche et sur sa droite, les hommes étaient pétrifiés par la peur. Au bout de la rangée, quelqu’un avait perdu le contrôle de sa vessie et un long filet d’urine coula devant les bottes de Nobul en laissant échapper un nuage de vapeur. Ce type devait avoir une vessie de cheval.
Il n’y a rien de mieux que la guerre pour faire oublier les différences. Elle rassemble les gens dans une douleur et dans une haine communes.
Seul un homme qui a connu la trahison, qui a vécu la trahison, peut comprendre ce qu’est la loyauté.