Citations de Richard Krawiec (49)
Les adolescents croient tout savoir parce qu’ils ressentent tout avec une intensité extrême; l’émotion est un savoir, et comme personne n’éprouve les émotions avec autant de puissance, personne ne peut les comprendre aussi bien qu’eux.
Peut-être qu'elle essayait de s'extraire de la trajectoire implacable de nos vies. De ma vie. De la sienne. Une vie d'immigrée dans une ville d'immigrés guettant sans cesse le prochain paria.
L'univers, lui, ne juge pas. Il donne les thèmes. Nous les concrétisons, les explorons, opérons des variations, des changements, des reconfigurations en fonction des tenants du pouvoir, de ceux qui déterminent ce qui est bien et mal, qui sont les gentils et qui sont les méchants. Qui est accepté. Qui est un paria.
Les événements ne changent pas, mais nous, oui.
J'appartiens à la dernière génération d'enfants qui pouvaient encore avoir peur des histoires de leurs parents.
Même si l’auteur s’adresse à vous comme à un vieil ami, vous restez tout de même à sa merci. Vous devez penser ce qu’il vous dit de penser, suivre les pistes qu’il dessine, soupeser les indices qu’il vous présente, sans savoir quels indices, quelles pistes, quels points de vue sont peut-être cachés, effacés, niés. Vous devez croire en l’honnêteté de l’auteur. Vous devez croire qu’il est aussi bien intentionné que vous.
Quand mon père s'en allait sans un regard en arrière, ma peau se fendait, se creusait, s'enfonçait, prête à s'effondrer sur la béance que je cachais en moi.
Je savais que, si je continuais à sourire et avoir de bonnes notes, personne ne soupçonnerait jamais la vérité - que j'étais une chose fragile et cristalline, dépourvue de colonne vertébrale et de muscles, une surface gonflée dissimulant un abîme.
Je suis convaincu que le savoir est semblable à l’arbre qui tombe dans la forêt ; la question n’est pas de savoir si l’arbre fait du bruit quand personne n’est là pour l’entendre. Bien sûr, il fait du bruit. Il se déchire, il crie en arrachant les branches des autres arbres, en écrasant la végétation.
Non ,la question n’est pas l’existence de ce bruit, ni ma capacité à le percevoir. Ce qui compte, c’est l’effet que produit la chute de cet arbre sur ce qui l’entoure. Ce qui compte, ce sont les dégâts, et ce qui en résulte. Le processus de décomposition et de croissance que nous ne parvenons pas à relier à la chute de l’arbre.
Il y a tant de choses à haïr, quand on aime la haine.
Masha Kuzincki ? Sortez les violons, allumez des bougies, jouez des morceaux ringards - tous les clichés que vous voulez. Mais pendant l'automne 1967, elle a été ma petite amie secrète, le premier et le seul véritable amour de ma vie.
Quant à Emmett Turner, il croyait bêtement que j'étais son meilleur ami blanc.
D'après le dictionnaire, un paria est un marginal, une personne d'une catégorie sociale déconsidérée ou méprisée, de basse extraction ou de piètre qualité. A l'origine, ce terme renvoie aux membres d'une caste "inférieure" du sud de l'Inde qui, à en croire les premières archives écrites, étaient jugés plus malfaisants que le diable. Ils étaient tellement mis au ban de la société qu'ils n'avaient même pas le droit de participer aux cérémonies en l'honneur des dieux. Selon certaines sources, seules les castes de lessiveurs et de cordonniers étaient en dessous des parias.
Pour finir, j'ai trouvé un truc qui m'a permis de maintenir le désespoir à bonne distance. La marche.
Ce livre est rempli de gens désespérés, de gens qui me sont chers – tout comme mes amis et mes voisins d’enfance. Ils n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Ils se plantent. Mais ils ne sont jamais sordides. Ils se débattent. Ils échouent. Ils essaient un autre plan, un autre espoir, un autre vœu, un autre rêve. Ce sont les Joad urbains de la fin du millénaire – la fin du XXe siècle, quand le capitalisme est devenu totalitaire.
La tragédie frappe le duo de Krawiec, mais sans aucun faux sentimentalisme. Elle n’est que ce qu’elle est – elle est inexorable.
Comme mon premier roman, le premier livre de Richard Krawiec arrive en France de nombreuses années après avoir été écrit. C’est en fait un bon moment. Le capitalisme débridé – mené dans cette ère précise du temps historique par Reagan et Thatcher – a entretemps frappé le monde entier telle une météorite. Jadis, les dinosaures se sont éteints ; aujourd’hui c’est au tour de la morale.
Dandy a été publié alors que Reagan était président des États-Unis. Depuis les années 1980, la pauvreté, les inégalités, la faim et la famine, la dégradation de la planète – tout a empiré. La première étape du changement consiste à observer et à témoigner.
Littérature du témoignage, et tout simplement sacrée bonne fiction, Dandy était enthousiasmant et pertinent il y a vingt-cinq ans. Il l’est encore plus aujourd’hui. Lisez-le. (Préface de Larry Fondation)
Qu’est-ce qu’un adolescent? Une créature égocentrique qui passe pourtant sa vie à analyser les autres. Une personne qui cherche à se libérer de tous les carcans mais désire secrètement être cadrée. Un adulte-enfant. Un individu qui ne désire rien de plus que rentrer dans le moule tout en cherchant à se distinguer, même s’il redoute de se faire remarquer.
Qui n'a pas envie d'être un héros de son vivant? En Amérique, c'est le grand mythe directeur, du moins pour les garçons.
J'ai découvert en moi cette idée : est-il possible que les choses se produisent parce qu'il y a dans l'univers une énergie dirigée dans une certaine direction?
Je suis convaincu que le savoir est semblable à l’arbre qui tombe dans la forêt; la question n’est pas de savoir si l’arbre fait du bruit quand personne n’est là pour l’entendre. Bien sûr, il fait du bruit. Il se déchire, il crie en arrachant les branches des autres arbres, en écrasant la végétation.
Non, la question n’est pas l’existence de ce bruit, ni ma capacité à le percevoir. Ce qui compte, c’est l’effet que produit la chute de cet arbre sur ce qui l’entoure. Ce qui compte, ce sont les dégâts, et ce qui en résulte. Le processus de décomposition et de croissance que nous ne parvenons pas à relier à la chute de l’arbre.
J'appartiens à la dernière génération d'enfants qui pouvaient encore avoir peur des histoires de leurs parents.
Platon, Aristote, Descartes -- ce qui les distingue du reste de l'humanité, c'est leur capacité à rester statiques, à laisser leurs sens absorber le monde qui les entoure et leur cerveau penser au sens de tout cela.
Paria. Chaque roman de Richard Krawiec pourrait s'intituler ainsi. Parce que toujours avec lui on arpente les marges délabrées de la société américaine, on plonge dans un inframonde fracassé par la misère et la violence où s'efforcent de tenir debout des êtres dépossédés de tout, chancelants, naufragés encore accochés à leur coquille de noix en train de sombrer.
Hervé Le Corre - Préface