Le Boudoir - Dévorer les ténèbres - Richard Lloyd Parry
- C'était un enfer, dit Hitomi. Il ne restait plus rien. C'était comme si une bombe atomique était tombée là.
Cette comparaison que feraient bien des gens n'était pas exagérée. Seules deux forces sont capables de provoquer davantage de dégâts qu'un tsunami : une collision avec un astéroïde et une explosion nucléaire. Les scènes qui se révélaient sur six cents kilomètres de côte ce matin-là ressemblaient à celles d'Hiroshima et de Nagasaki en août 1945, mais avec de l'eau à la place du feu, de la boue à la place des cendres, la puanteur des poissons morts et de la vase au lieu de celle du bois carbonisé et de la fumée.
C’est ça, le pire: ne pas savoir. Ne pas savoir quelle émotion ressentir. Tu as tellement d’emotions en toi-tu dois en choisir une.
Que fait-on quand quelqu’un disparaît au Japon? Personne ne sait quoi faire.
" Le Japon était alors le pays paisible et sans histoire où je me reposais entre deux théâtres de guerre. Mais il m' était impossible d' oublier totalement Lucie Blackman et Joji Obara. Le procès se poursuivait doucement, au rythme d' une audience pat mois, et, dès que je le pouvais, j' allais moi-même au tribunal du district de Tokyo ou bien j' y envoyais un de mes assistants japonais qui revenait avec des pages remplies de notes aussi détaillées que déconcertantes. Difficile d' expliquer pourquoi cette histoire continuait à m' intéresser, deux ans après qu'Il avait commencé, le procès avait perdu pour la presse sa valeur en tant que sujet d' article. Mais quelque part, au plus profond de moi, elle continuait à me démanger, à me picoter et à me tarauder; le moustique continuait à bourdonnent à mon oreille."
Le Japon était alors le pays paisible et sans histoire où je me reposais entre deux théâtres de guerre. Mais il m' était impossible d' oublier totalement Lucie Blackman et Joji Obara.
Le procès se poursuivait doucement, au rythme d' une audience par mois, et, dès que je le pouvais, j' allais moi-même au tribunal du district de Tokyo ou bien j'y envoyais un de mes assistants japonais qui revenait avec des pages remplies de notes aussi détaillées que déconcertantes. Difficile d' expliquer pourquoi cette histoire continuait à m' intéresser, deux ans après qu'il avait commencé, le procès avait perdu pour la presse sa valeur en tant que sujet d' article.
Mais quelque part, au plus profond de moi, elle continuait à me démanger, à me picoter et à me tarauder; le moustique continuait à bourdonner à mon oreille.
"C'est le samedi après-midi que Lucie a quitté sa maison pour la dernière fois. C'est le lundi matin que Louise est allée voir la police et c'est le lundi après-midi qu'elle a reçu son mystérieux appel téléphonique. Mais c'est le lundi soir tard, soit plus de deux jours après la disparition de Lucie, que Louise s'est résolue à annoncer ce qui était arrivé à un membre de la famille Blackman. En Angleterre, c'était la fin de l'après-midi ; lorsque le téléphone sonna, Jane était chez elle, s'apprêtant à se rendre à la poste pour envoyer un colis rempli de douceurs à Tokyo. Lucie avait beau être arrivée saine et sauve au Japon, sa mère restait toujours aussi inquiète et inconsolable ; et cette nouvelle, la confirmation de toutes ses peurs, la précipita dans un cauchemar de souffrance, de panique et d'effroi. Sophie et Rupert furent convoqués dans la petite maison de Sevenoaks, Val et Samantha arrivèrent sur le champ et Jamie Gascoigne vint en voiture de Londres dès qu'il fut au courant."
Où allions-nous la trouver désormais, notre prochaine petite lueur d'espoir?
L’idée qu’un criminel se montre fourbe, obstiné et menteur et qu’avoir affaire à ce genre d’individu était précisément le rôle de la police ne venait quasiment jamais à l’esprit des enquêteurs. Ils n’étaient pas incompétents, ils ne manquaient pas d’imagination, ils n’étaient ni paresseux ni complaisants – ils étaient simplement victimes d’un coup de malchance totalement inattendu : sur un million de criminels au Japon, il y en avait un de malhonnête, et c’est sur celui-ci qu’ils étaient tombés.
À la différence des tribunaux britanniques ou américains, où la seule exigence est de prouver les faits, les tribunaux japonais attachent une grande importance au mobile. Ce qui doit être prouvé devant la cour, ce sont le raisonnement et l’impulsion qui ont entraîné le crime ; ils constituent le facteur fondamental qui déterminera la peine d’un condamné. Le qui, le comment, le où et le quand ne suffisent pas : un juge japonais exige de savoir le pourquoi.
p. 244 Il y avait aussi le désagrément de sortir du cocon douillet, chaud, paralysant de la soumission à l’ordre établi que le Japon tisse autour de son peuple, une gangue souple et étroite où la contrainte est inséparable du sentiment d’être bien protégé, et où la machinerie de la coercition a rarement besoin d’être appliquée de l’extérieur puisqu’elle est si efficacement intériorisée dans l’esprit de chacun.