Le plus étonnant est que je m'en sois aperçu. Car je jure que, pas un seul instant, je n'avais détaché mes yeux de Tria Ward. J'en voulais sérieusement à mon père d'avoir osé poser un bras sur son épaule. Enfin, il ne voyait pas qu'elle était timide, gênée par ce rapprochement incongru avec un homme de son âge ? Qu'elle s'efforçait de ne pas céder à la panique, maintenant que son propre père s'était détachée d'elle ? J'étais indigné que le mien s'arroge le droit de toucher une personne si charmante, si proprette, toute fraîche comme son aimable géniteur.
Non, a-t-elle dit à mon père, elle n'était pas mariée.
"Ca, c'est bien, a-t-il répondu en lui pinçant l'épaule. Parce que je suis libre, moi, tu sais.
_ On l'a mise en garde contre les vieux cochons, a dit Ward, révélant d'un sourire deux rangées de dents impeccables.
_ Bon, attends. Je vais te présenter à quelqu'un de ton âge, alors. Il est pas aussi beau que son père, mais on peut pas tout avoir."
Brusquement, tout le monde me regardait et, évidemment, le juke-box s'est arrêté à ce moment-là...