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Biographie :

Rita Laura Segato, anthropologue et féministe d'origine argentine.

Elle est professeur d'anthropologie, présidente de bioéthique de l'UNESCO à l'Université de Brasilia et dirige le groupe de recherche Anthropologie et droits de l'homme du Conseil national de la recherche scientifique et technologique du Brésil.

Elle obtenu son doctorat en anthropologie de l'Université Queen de Belfast, Irlande du Nord. Argentine basée au Brésil pendant quatre décennies, a également travaillé dans les universités aux États-Unis, le Canada, la France et l'Argentine, entre autres pays.

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Bibliographie de Rita Laura Segato   (3)Voir plus

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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
(…) entre 1993 et 1995, j’ai dirigé une recherche portant sur la mentalité des condamnés pour viols emprisonnés au pénitencier de Brasilia. Mon « écoute » des paroles de ces détenus, tous condamnés pour agressions sexuelles réalisées dans l’anonymat des rues sur des victimes inconnues, défend la thèse féministe fondamentale selon laquelle les crimes sexuels ne sont pas l’oeuvre d’individus déviants, de malades mentaux ou d’anomalies sociales, mais bien l’expression d’une structure symbolique profonde qui organise nos actes et nos fantasmes et leur confère intelligibilité. Dit autrement, l’agresseur et la collectivité partagent un imaginaire du genre, parlent une même langue et donc, peuvent s’entendre. Plus que jamais, il ressort de ces entretiens ce que Menacher Amir avait déjà découvert dans les données empiriques et dans son analyse quantitative, à savoir que, à l’encontre de nos attentes, la plupart du temps, les violeurs n’agissent pas seuls. Ce ne sont pas des animaux asociaux qui guettent leurs victimes tels des chasseurs solitaires. Ils commettent plutôt ces crimes en réunion. IL n’y a pas assez de mots pour souligner l’importance de cette découverte et ses conséquences pour comprendre les viols en tant que véritables actes qui se produisent in societate, à savoir : dans un espace circonscrit de communication qui peut être pénétré et compris. Le viol (…) a pour but d’anéantir la volonté de la victime, dont la soumission est justement signifiée par la perte de contrôle sur le comportement de son corps et l’annulation de sa capacité d’agir sous la volonté de l’agresseur. La victime est ainsi expropriée du contrôle de son espace-corps. (…) En ce sens, cet acte est également lié à la consommation de l’autre à un cannibalisme au travers duquel l’autre succombe en tant que volonté autonome. Ainsi, sa possibilité d’exister ne persiste que si elle est appropriée par celui qui l’a dévorée et incluse dans le corps de ce dernier. Ce qu’il lui reste d’existence ne persiste que dans le cadre du projet des dominants. Pourquoi le viol recouvre-t-il une telle signification ? Parce que étant donné la fonction de la sexualité dans le monde que nous connaissons, il conjugue en un seul acte la domination physique et morale de l’autre. Mais il n’existe aucun pouvoir souverain qui ne soit que physique. Sans la subordination psychologique et morale de l’autre, la seule chose qui existe c’est le pouvoir de mort, et ce pouvoir de mort, en lui-même, n’est pas souverain. (p. 57-59)
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Le patriarcat, comme tout système de pouvoir arbitraire, n’est jamais établi une fois pour toutes, il doit être réitéré à travers des pratiques qui ne mobilisent pas toute la violence, même si celle-ci forme un horizon de menaces toujours présentes. Pour reprendre l’opposition introduite par Nicole-Claude Mathieu entre céder et consentir, certaines femmes cèdent au patriarcat parce qu’elles ont peur de la violence des représailles, mais d’autres y consentent parce qu’elles en retirent des bénéfices secondaires en terme de prestige social et/ou d’affection. (…) En d’autres termes, le patriarcat ne peut pas persister sans des formes actives de collaboration de la part des femmes qui non seulement acceptent les normes de genre, mais participent de la répression des autres femmes. (p. 146, conversation avec Irma Velez)
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Bien entendu, car nommer met en péril l’ordre patriarcal. En parlant de tout cela, nous mettons le patriarcat échec et mat, nous mettons en mot quelque chose qui attaque et qui peut démanteler l’ordre patriarcal. Cet ordre n’est pas seulement celui de papa et maman. Ce n’est pas seulement un ordre des hommes contre les femmes. Dans mes textes, il n’existe pas comme tel et je ne le pense pas ainsi. Ce n’est pas un ordre du conflit entre les femmes et les hommes ou d’hommes contre les femmes. Non, l’ordre patriarcal est la première leçon d’inégalité, d’appropriation, d’expropriation, de valeur, de prestige, de pouvoir. C’est le premier ordre oppressif dans la longue histoire de l’humanité et aussi dans la vie des personnes. C’est le premier apprentissage de l’inégalité sur la scène sociale, et tant que scène de l’inégalité. On s’en rend compte quand on apprend le patriarcat. C’est pour cela que cet ordre oppressif est défendu et que les défenseurs du patriarcat sont descendus très vite dans la rue « contre l’idéologie du genre » (…) les propriétaires du monde se rendent compte qu’en retirant cette fondation oppressive des pouvoirs du patriarcat, l’édifice tombe. (p. 120-121, conversation avec Irma Velez)
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le débat sur la question de savoir quel droit prévaut, et sur la conflictualité des droits, est un débat toujours présent dans le domaine des droits humains. (…) dans ma vision des droits et des personnes (…) celui de l’éthique de l’insatisfaction et de la recherche d’une société plus heureuse, plus bienveillante pour plus de personnes, dans cette doctrine-ci, le droit a une mission égalisatrice ou de production de « l’égalité » : ce qui serait en plein accord avec l’une des trois devises de la Révolution française. La loi a donc cette perspective égalitariste, et il est ici essentiel de voir que les relations entre les sexes sont des relations d’inégalité. Par conséquent, les droits des femmes doivent être promus selon un critère de discrimination positive qui contredit la discrimination négative historique habituelle à l’égard des femmes, des Noirs, des Indiens et des populations LGBT+. Il y a toujours cette discrimination qui les pénalise historiquement. C’est pourquoi il est nécessaire d’utiliser le principe consacré par les Nations unies de la discrimination positive. (p. 115-116, conversation avec Irma Velez)
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La culture populaire signifie, dans un milieu totalitaire, une culture appropriée : le peuple est constitué par les habitants du territoire contrôlé ; et les autorités sont les maîtres du discours, de la culture traditionnelle, de la richesse produite par le peuple, et du territoire sous emprise. Comme dans le totalitarisme nationaliste, l’une des principales stratégies du totalitarisme régionaliste est de prémunir la collectivité contre tout discours qui puisse être accusé de ne pas être autochtone, de ne pas provenir de, ou de n‘être pas scellé par l’engagement de la loyauté intérieure. « Étranger » et « inconnu dans la région » deviennent des catégories du réquisitoire pour confisquer la possibilité de parler « de l’extérieur ». Ainsi la rhétorique est celle d’un patrimoine culturel qui doit être défendu par-dessus tout et celle d’une loyauté territoriale qui prédomine et exclue d’autres loyautés – telles que, par exemple, celles de l’application des lois, celles de la lutte pour l’expansion des droits et la demande d’activisme et d’arbitrage international pour la protection des droits humains. (p. 83)
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Le patriarcat ne saurait donc se renouveler sans ses propres pédagogies que Segato identifiera plus tard (…) comme « pédagogie de la cruauté » (des médias) et de la déshumanisation fonctionnelle dans la phase contemporaine du capitalisme. Cette pédagogie se consolide et opère par la banalisation de la cruauté sous toutes les expressions d’une carence exponentielle d’empathie, comme elle le démontre, ici, dans L’écriture sur le corps des femmes. (…) deux grands projets historiques à l’oeuvre (…) celui des choses, exprimé par le consumérisme et la réification des corps, et celui des liens communaux. L’historicité de la chosification de l’être humain nous soumet en Occident à la barbarie et au capitalisme, alors que l’historicité d’une humanité forgée par la communauté et les liens de proximité se révèle indispensable à la survie de l’humanité. (p. 31)
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La stratégie classique du pouvoir souverain pour se reproduire en tant que tel est de divulguer et même de spectaculariser le fait qu’il se trouve au-dessus de la loi. On peut comprendre aussi de cette manière les crimes de Ciudad Juarez et suggérer que, si d’un côté ils sont capables de sceller l’alliance au sein du pacte mafieux, de l’autre ils remplissent aussi la fonction d’exemplarité par laquelle se renforce le pouvoir punitif de toute loi. Et puis, notons tout de même que l’association mafieuse semble agir en réseau et dans une articulation tentaculaire avec des sujets intégrés à l’administration officielle à plusieurs niveaux ; elle se révèle comme un second Etat qui contrôle et donne forme à la vie sociale sous couvert de la loi. (p. 71)
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Segato se revendique d’un féminisme plus communautaire qu’étatituq et se reconnaît surtout comme féministe décoloniale. C’est donc à partir de cet essai [qu’elle…] préconisera plus tard quatre « contre-pédagogies de la cruauté » qui consisteraient à :
1) lutter contre le pouvoir et le patriarcat dans sa désensibilisation corporatiste (…)
2) valoriser l’historicité des femmes et une politique topique au féminin (…)
3) redonner la parole aux hommes en tant que premières victimes du patriarcat pour les aider à se soustraire à la violence structurelle de la masculinité ;
4) conscientiser un monde du lien, de l’attachement et de la communauté pour mettre fin à la chosification de la vie. (p. 33-34, préface)
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(…) si la tragédie a une caractéristique, parmi tant d’autres, c’est qu’elle n’accueille pas la possibilité de justice sans altérer sa nature. Et si seule la paix, et non la justice, était possible ? (…) Si l’on nous disait que la seule issue serait une amnistie, serais-je, moi, seriez-vous capable de l’accepter ? Et serions-nous capables de ne pas l’accepter ? Je demeure perplexe face à cette question, parce que si Sciascia a raison, la décennie de l’impunité signale que les crimes de Ciudad Juarez sont des crimes de pouvoir et, par conséquent, nous ne pourrions sans doute que négocier leur déclin et leur fin. (p. 98-99)
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(…) ce texte peut d’aborder montrer à ceux qui pensent le droit commun comme une doctrine et considèrent que nous sommes tous égaux que non, le droit doit être construit pour un monde de personnes dans ces conditions d’inégalité ou une forme clé de l’inégalité est l’inégalité patriarcale. Et la façon d’actualiser les tenants de la seconde doctrine, ceux qui pensent que nous ne sommes pas tous égaux, est de construire des lois et de penser que la loi est un droit différentiel pour tous ceux qui ont davantage besoin d’aide pour survivre. (p. 126, conversation avec Irma Velez)
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