Rober Racine, artiste en arts visuels, écrivain et compositeur
“La quantité de bruit qu’un homme peut supporter, sans en être incommodé, est en raison inverse de son intelligence…” Le silence. Un grand silence complet, autonome, libre de tous les bruits de l’existence et du temps. Car le temps est bruyant. Vous avez dû le remarquer. Un silence bienfaisant qui masserait les oreilles et les sens avec douceur. Un silence ayant les mains d’une amoureuse, d’un amant.
En été, les chattes en chaleur lançaient des cris étranges, presque humains mais venus d’un autre monde. Ils se mêlaient aux sons stridents des scies rondes. On aurait dit un chœur d’aiguilles en feu, des glaçons d’acide nitrique fondant, coulant au creux de mes oreilles d’enfant.
Ces gens avaient l’insolence de ceux qui ne cachent rien. « Pourquoi faut-il croire certains signes et d’autres pas ? » se demandait Gregory. À présent, tout devenait différent dans sa vie : regarder, respirer, manger, dormir, penser, se concentrer. Lorsqu’il arpentait les rues d’Hiroshima, scrutait les visages et les immeubles ou visitait les sites ayant résisté à l’explosion, une nouvelle image s’imprégnait en lui : celle d’une petite fille fracassée dans son landau. À tel point que, s’il analysait une radiographie, il ne voyait plus l’ossature d’un corps blessé, mais la boîte crânienne d’une Rose.
Du haut des observatoires des grands édifices, les parois de verre ou les grillages nous séparent du vide. Jamais je n’ai ressenti le vertige. Là, c’est la première fois que je suis si haut sans aucune protection. On aurait dit que cette possibilité de tomber a explosé en moi… C’était à la fois une invitation et une exclusion… C’est très étrange…
« Décoller debout à l’air libre, pensa Gregory. Quelle merveille. Ce n’est pas la Transfiguration mais l’Ascension. » Le monde, l’arbre, la jongleuse, le taï chi, les rues, le stade de baseball, le Dôme, le parc de la Paix, tout se distanciait decrescendo sans vraiment s’éloigner.