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Critiques de Robert Bréchon (3)
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Anthologie de la poésie portugaise contempora..

Bien sûr il y a Fernando Pessoa et avec lui Ricardo Reis, Alvaro de Campos, Alberto Caeiro et beaucoup d'autres… Et après ?

Oui, quoi d'autre après celui qui fut (avec tous ses hétéronymes) le plus moderniste, celui qui usa de la plupart des registres de l'écriture poétique ?



Populaire et érudite, la poésie a toujours régné sur l'histoire littéraire du Portugal, elle a toujours eu une place très particulière. Même si avec Luís de Camões (l'auteur des Luisiades au XVIème siècle), Fernando Pessoa restent aujourd'hui encore les figures incontournables de la poésie portugaise, c'est très certainement à cause de la prégnance de la poésie dans la culture lusitanienne, qu'après eux, de nombreux poètes se sont fait connaître.



C'est dans les années 50 que la scène littéraire va connaître un nouvel essor. Certes, António de Oliveira Salazar exerce un pouvoir dictatorial sur le pays mais la création poétique offre un espace tout particulier de liberté et de revendication.

C'est au début des années 70 avec la chute de Salazar et la Révolution des Oeillets en 1974, qu'un nouveau souffle de modernité va faire se révéler de nombreux poètes. Ils ont pour nom Eugenio de Andrade, Sophia de Mello Breyner Andresen, Antonio Ramos Rosa ou encore Herberto Helder.



À cette époque, la poésie portugaise n'est pas univoque, elle est plurielle. Même si chaque poète emprunte sa propre voie, chacun va contribuer, dans son style, à renouveler la veine puissante du lyrisme portugais. Malgré leurs visions divergentes, leur différence de caractère, de style, de conception de la littérature, les poètes de cette époque se fréquentent, dialoguent et se reconnaissent. C'est ce qui fait toute la la singularité et la richesse de la poésie portugaise.



Dans la très belle Anthologie de la poésie portugaise contemporaine dirigée par Michel Chanteigne, cette coexistence apparaît sous une belle lumière. Les tonalités, les rythmes, les thèmes s'enchaînent et puisent chacun dans la modernité mais aussi dans cet esprit assez indéfinissable de la Saudade.



Au travers des pages de ce très beau recueil, j'ai retrouvé Eugénio de Andrade et Nuno Judice, des poètes que j'avais déjà lus. J'ai également découvert beaucoup d'autres auteurs que je ne connaissais pas ou très peu comme Ruy Belo, Jorge de Sena, Sophia de Mello Breyner Andresen, António Osório, António Ramos Rosa ou encore Pedro Tamen, dont les poèmes m'ont particulièrement plu.



C'est le cas de celui écrit par Vasco Graça Moura. Un poème qui s'intitule… Poème.



« Silencieusement je m'approche du poème

je l'entoure d'un mot où je fais

une incision délibérée



puis j'expose la blessure à l'air sans protection

pour qu'elle s'infecte et fructifie



Par résine avec le goût encore du papier humide

le poème pousse se ramifie

par commotion de l'aubier vers l'écorce

entier lisse astringent sinueux



Mais

tout poème est parfaitement impur. »





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Etrange étranger : une biographie de Fernando..





MAI 1997 N° 190







ETRANGE ETRANGER - Une biographie de Fernando PESSOA



Robert BRECHON - Christian BOURGOIS - Editeur.



Le personnage de Fernando Pessoa m'a toujours fasciné.



Cet homme, mort relativement jeune (47 ans) qui a choisi par dépit ou par réelle volonté la situation de modeste agent du bureau malgré une solide formation littéraire et une parfaite connaissance de l'anglais, qui a résolu de vivre en solitaire à Lisbonne malgré une adolescence sud-africaine prometteuse, qui a choisi d'écrire parce qu'il avait eu l'intuition très tôt que là était sa véritable destiné mais qui a peu publié préférant entasser ses manuscrits dans une malle qu'on retrouva après sa mort, ce créateur qui a été pratiquement ignoré de son vivant malgré des efforts en direction de la notoriété et qui, cinquante ans après sa mort a été reconnu comme l'un des plus grands écrivains portugais depuis le Renaissance au point de reposer maintenant au Monastère des Jeróminos aux côtés de Vasco de Gama et de Camões, ne pouvait me laisser indifférent.



Cet homme, en effet est , en lui-même un véritable paradoxe.



Sans réel livre ni lecteur de son vivant, il a cependant voulu marquer son temps par des prises de positions politiques et littéraires mais tout cela est pratiquement resté sans lendemain. Il me fait songer à cette phrase de Constantin Cavafy "Tu es fait pour accomplir de grandes et belles choses mais toujours le sort te refuse les encouragements et le succès."



Pourtant il a puisé dans ses contradictions mêmes la richesse de son œuvre. Tour à tour nationaliste, sentimental, cynique, baroque, classique, érotique, ésotérique ou tragique, ses écrits et spécialement ses poèmes ont jalonné son itinéraire mais c'est surtout grâce au Livre de l'intranquillité, sorte de journal intime en prose qu'il tint toute sa vie qu'il est maintenant le plus connu.



Dans sa jeunesse il s'enthousiasma pour les revues. Des deux qu'il créa Orpheu ne dépassa pas deux numéros et Athéna cinq. Ses écrits, pour la plupart inédits ont pourtant été publiés ponctuellement mais dans d'autres revues. Étrange destiné en effet que celle de Pessoa qui, s'il publia, le fit cependant à compte d'auteur où en revues et essuya souvent le refus des éditeurs.







Étonnant aussi cet écrivain qui fit si bien chanter la langue portugaise et qui, dès lors qu'il tomba amoureux d'Ophelia Queiroz, sans doute l'unique femme de sa vie et de quelques dix ans sa cadette lui adressa des missives enfantines pour finalement rompre avec elle brutalement et sans autre raison sans doute qu'un profond état dépressif. Celui-ci est certainement un des terrains nourriciers de son œuvre!



L'écriture sera pour Pessoa une manière de bouée de sauvetage dans un monde qui décidément n'est pas fait pour lui. Je crois en effet que c'est grâce à elle et plus spécialement à la poésie qu'il parviendra à y survivre. Il fut sans doute comme les écrivains maudits qui ne peuvent, leur vie durant, être reconnus et se débattent contre l'adversité mais je crois surtout qu'intimement il avait la nostalgie de la grandeur du Portugal, de ce pays où il a choisi de vivre, qu'il a choisi de servir dans l'ombre avec des moments plus officiels. Il est resté hanté par le mythe de dom Sébastien, "Le Roi caché", tué au Maroc en 1578 et qui selon la légende doit revenir à Lisbonne. Il a donc cherché parmi les hommes politiques de son temps celui qui pourrait bien incarner le renouveau de son pays. Ce fut Sidonio Paiz, puis, au début Salazar qu'il finit par combattre ouvertement. Quelques temps avant sa mort l'élégie de l'ombre dit sa profonde déception.



Il a voulu "Tout sentir de toutes les manières" mais il est resté reclus dans ce quartier de la Baixa de Lisbonne jusqu'à donner de lui l'image d'un citoyen quelconque vivant au quotidien...



Illustrant la phrase de Descartes "Au moment de monter sur le théâtre du monde... Je m'avance masqué"(encore ne l'a-t-il été que très partiellement puisqu'il a signé de son nom nombre de poèmes) il a donné naissance aux hétéronymes, sorte d'autres lui-même qui non seulement ont reçu de lui l'existence mais encore la faculté d'écrire. Pessoa a donc été un créateur au sens plein du terme. Il a illustré jusque dans le détail les relations subtiles qui existent entre un auteur et ses personnages mais surtout il leur a donné plus que la liberté d'être. Ils ont été les acteurs de son "drame", ont vécu leur vie fictive comme de véritables êtres humains et comme des écrivains à la fois semblables et différents de lui au point que notre auteur les regardera vivre tout en restant en retrait. Il avouera "Il me semble que tout cela était encore moi, le créateur de l'ensemble, qui était le moins présent. On dirait que tout s'est passé et continue de se passer indépendamment de moi." De sorte qu'on ne sait plus très bien où commence et où s'arrête le jeu que Pessoa a initié. Mais ce n'est pas tout. Considérant cette galerie de personnages (cette "coterie" comme il l'appelle) Pessoa disserte sur leur talent respectif, publie des études faites par lui à leur propos ou par certains d'entre eux sur certains autres sans qu'un non-averti puisse supposer que tout cela n'est finalement que l’œuvre de Pessoa lui-même.



Tout se passe comme s'il avait voulu brouiller les cartes et compliquer cette situation à l'envi au point peut-être d'être dépassé par elle, subjugué par ses propres créatures.



On peut se perdre en conjectures sur les raisons de l'existence de ces principaux hétéronymes. Alberto Caeiro est un poète païen à l'éducation fruste dont le style refuse les artifices du genre et où l'émotion est absente. Le Docteur Ricardo Reis est un épicurien au langage châtié, l'ingénieur Alvaro de Campos un poète sensationniste qui veut lui aussi "tout sentir de toutes les manières". Ils ont chacun une biographie et une oeuvre publiée par Pessoa lui-même. C'est aussi Bernardo Soares, l'auteur du Livre de l'intranquillité n'est peut-être qu'un demi-hétéronyme mais qui est sans doute celui qui ressemble le plus à l'auteur de Message. Il y en a d'autres bien sûr mais tout cela me semble procéder d'une intuition rimbaldienne de notre auteur qui à sa manière a eu la révélation de cette phrase toute simple "Je est un autre". En effet, à cinq ans il s'adressait déjà des lettres du Chevalier de Pas, un autre hétéronyme.



Est-ce par goût de l'ambiguïté, pour donner libre cours à son imagination, pour révéler les facettes cachée de sa personnalité, pour donner vie à des personnages qu'il aurait aimé être, par simple goût de vivre masqué ou pour le plaisir de se construire un microcosme intime dans lequel il avait plaisir à vivre en compagne de gens qu'il aimait? C'est sans doute pour toutes ces raisons à la fois... Je ne peux pas pour ma part imaginer que le goût qu'il avait pour les sciences occultes ait été étranger à cela. De même son penchant pour les contraires qui se manifeste dans le phénomène des hétéronymes trouve aussi une illustration dans l'usage qu'il faisait des oxymores.



Ce qui paraît important de garder toujours a l'esprit c'est que Pessoa est à la fois témoin de son temps malgré la solitude qu'il cultive et un intellectuel d'une grande culture et d'une extraordinaire créativité, un formidable magicien des mots à travers une poésie multiforme, quelqu'un qui a rêvé d'être ce qu'il n'a jamais été au point de n'être finalement rien et d'en avoir une conscience extrême. Aussi avoue-t-il simplement "Je ne suis rien, cela dit je porte en moi tous les rêves du monde"



Il incarne à mes yeux la condition solitaire de l'écrivain face à lui-même et à son œuvre. Il est le truchement nécessaire à cette création qui avant lui et sans lui ne serait rien et qui accomplit sa tâche parce que cela correspond à sa fonction sur terre. Peu lui importe dès lors la reconnaissance et les honneurs. Il collationne ses écrits et les entasse. Tant pis si, à la fin, fatigué de vivre il accepte la mort. Il a accompli sur terre son office.



Plus que tout le reste sans doute c'est quelqu'un, comme l'a bien noté Gaspar Simoès qui puise dans la magie de son enfance perdue la force d'écrire dans le vide, celle de durer malgré son mal de vivre et la mort d'êtres chers qui s'est très tôt révélée à lui, quelqu'un qui malgré sa nostalgie et ses échecs a toujours été un étranger pour lui-même et sur la terre, quelqu'un qui "attendait qu'on lui ouvre une porte devant un mur sans porte."



Comme le note très bien Robert Brechon il reste un poète et « Les Poètes aussi écrivent pour les dieux, c'est à dire pour une hypothétique conscience du monde sans laquelle rien de ce que nous faisons n'a de sens ici-bas ».







Hervé GAUTIER
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Michaux

Biographie très personnelle de ce lecteur assidu et connaisseur de Michaux, qui priviégia la lumière intérieure aux feux de l'extérieur. L'accent a été mis sur la genèse de certaines œuvres, citations à l'appui, et sur ses grandes quêtes vers la spiritualité, une biographie pas comme les autres :



"C’est que voilà une étude atypique, et très personnelle de Robert Bréchon, peut-être l’œuvre longtemps temporisée de ce défi ‘d’écrire sur lui’ que lui aurait un jour lancé Michaux. Honnête, l’auteur n’a pas hésité à confier que « je n’ai jamais été l’un de ses proches. Peut-être n’ai-je pas été assidu ? (p.19) », et il fut un lecteur assidu de l’écrivain, un fidèle même, charmé au point d’avoir voulu donner sa version du personnage, rien moins que « son Michaux » dont il cite d’ailleurs force passages qui lui tiennent à cœur. Voici donc le Michaux de Robert Bréchon, tel qu’il le perçut, et tel qu’il voulut le donner à connaître, tout en se référant de manière récurrente à d’autres ouvrages, telle la première biographie consacrée à Michaux, celle de Jean-Pierre Martin ( Gallimard, 2003 )"
Lien : http://artslivres.com/ShowAr..
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