La peste sur vos deux familles de Robert Littell - La chronique de Clara Dupont-Monod
La première préoccupation de ceux qui prennent le pouvoir est de le garder. Alors ils ont recours à ce qu’utilisent toujours les hommes qui tiennent le pouvoir – des mensonges, des exagérations, la répression, la propagande, les guerres. Les révolutions ne changent pas les choses, elles les réarrangent seulement.
Un homme meurt de peur, un autre en est réveillé.

Par rangs de deux les prisonniers, mains liées dans le dos, avançaient en traînant les pieds vers les deux monte-charge au bout du long couloir. Chaque monte-charge contenait un exécuteur de la Tcheka avec plusieurs pistolets et une boîte en carton contenant des balles. Les deux bourreaux étaient drogués à la cocaïne. Ils avaient les paupières mi-closes, les yeux rouges et des mouvements languides, comme si tout se passait sous l’eau. On disait que le plus grand des deux était humain, dans la mesure où il expédiait ses victimes d’une seule balle dans la nuque. La rumeur courait que l’autre exécuteur était un sadique qui vengeait un frère torturé à mort par les Blancs. On racontait qu’il tirait parfois à côté d’une oreille avant d’abattre le condamné ; les gardes suggéraient même qu’il lui arrivait de tirer dans les organes génitaux des prisonnières, mais c’était considéré comme des bruits destinés à faire peur.
Les exécutions se déroulaient à l’allure d’escargot imposée par les deux ascenseurs qui fonctionnaient en alternance. Un exécuteur tirait un prisonnier sur le monte-charge ouvert. Arrivé au sous-sol, il le poussait contre un tas de sacs de sable tachés de sang et tirait. Puis il remontait dans l’ascenseur vide pendant que l’autre descendait avec le deuxième bourreau et un nouveau prisonnier. Pendant que les monte-charge fonctionnaient, des équipes de tchékistes chargeaient le corps de la dernière victime sur une brouette et le charriaient jusqu’à un camion garé près d’une porte de chargement.
Je n’aime pas les gens et les gens ne m’aiment pas, confie Koba. Mais ça me convient très bien – vouloir être aimé, avoir besoin d’être aimé est un handicap fatal pour quiconque veut aider à diriger le pays.
L'écrivain américain Mencken a défini un jour un idéaliste comme quelqu'un qui, remarquant que la rose sent meilleur que le chou, en conclut qu'elle devrait faire de meilleures soupes.
L'écrivain américain Mencken a défini un jour un idéaliste comme quelqu'un qui, remarquant que la rose sent meilleur que le chou, en conclut qu'elle devrait faire de meilleures soupes.
"Le grand avantage de l'innocence, c'est qu'on a un certain plaisir à la perdre"
Ce qu'il y avait de plus remarquable avec l'Union Soviétique, c'est que personne -personne- ne croyait au communisme. Ce qui signifiait qu'une fois que vous aviez recruté un Russe, il faisait un espion extraordinaire, pour la simple raison qu'il avait grandi dans une société où tout le monde, des membres du Politburo aux guides d'Intourist, vivait dans la dissimulation dans le seul but de survivre. Quand un Russe acceptait d'espionner pour vous, il avait déjà été formé et ce n'est pas une image, à vivre deux vies.
...les victoires militaires sont de nature éphémère. Elles peuvent contribuer à la gloire d'une nation, mais pas à son bien-être. Il n'existe qu'une vraie victoire, et c'est la paix.
- C'est quoi, tous ces journaux par terre? s'étonna t-elle.
En l'entendant parler, Martin se rappela combien une voix humaine normale peut être musicale à l'oreille.
- C'est un truc que j'ai piqué dans Le Faucon maltais: un type qui s'appelait Thursby mettait toujours des journaux autour de son lit pour que personne ne puisse s'approcher de lui pendant son sommeil. J'ai appris tout ce que je sais de mon métier de privé avec Humphrey Bogart, reprit-il, commençant à être à bout de patience.