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Critiques de Robert Littell (232)
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La compagnie

« Le grand roman de la CIA » sous-titre la version poche J'ai lu. Et oui, c'est bien le cas. Ou comment raconter l'histoire des Etats-Unis durant la guerre froide ( de 1950 à 1991 ) à travers les destins croisés d'agents russes et américains, et plus particulièrement à travers la lentille noire de la CIA.



Cela démarre pieds au plancher en 1950 dans la base américaine de la CIA à Berlin-Ouest. L'agent Torriti, dit le Sorcier, et l'agent McAuliffe, fraîchement nommé, doivent exfiltrer un espion du KGB. L'opération est délicate car il faut s'assurer qu'il ne joue pas double-jeu. D'autant qu'il promet de révéler l'identité d'une taupe du KGB s'il passe à l'Ouest. Dialogues vifs, récit dense, rythme effréné immerge totalement le lecteur d'emblée, et ce sans faiblir sur près de 1200 pages, un exploit ! On suit ainsi plusieurs décennies d’espionnage et contre-espionnage, d’infiltrations / exfiltrations avec un intérêt constant.



Forcément, même en 1200 pages, toute la guerre froide ne peut pas être traitée, la guerre du Vietnam est ainsi juste évoquée. Robert Littell assume de choisir seulement quelques jalons historiques forts : la répression de la révolution hongroise de 1956 menée à Budapest par Imre Nagy, la tentative ratée d’invasion de Cuba par des exilés cubains débarqués à la baie des cochons avec le soutien américain en 1961, l’enlisement de l’armée soviétique lors de la guerre d’Afghanistan qui se conclut par une victoire des moudjahidines en 1989, et enfin la chute de l’URSS ; et enfin la tentative de coup d’état contre Gorbatchev en 1991 qui accélère la dislocation de l’URSS et la montée d’Eltsine. Robert Littell est particulièrement convaincant sur les épisodes hongrois et cubain.



Pour guider le lecteur dans la vastitude de cette période, Robert Littell propose un fil conducteur : la traque plusieurs taupes soviétiques qui se cachent parmi des membres importants de la CIA ou du MI6 britannique. Les personnages foisonnent mais quelques uns sont récurrents et c’est à eux qu’on s’accroche pour traverser les quatre décennies explorées. Si j’ai trouvé certains jeunes agents américains assez interchangeables, si le personnage du maître espion soviétique est quelque peu caricatural ( pédophile et antisémite ), celui du directeur du contre-espionnage de la CIA, James Angleton, est le plus intéressant, Cassandre paranoïaque voyant des agents doubles, rongé par une folie obsessionnelle qui le fait basculer à titre personnel et plonge son agence dans un climat délétère.



En fait, ce qu’il y a de très impressionnant dans ce roman, c’est son exceptionnel brouillage entre réalité et fiction, faisant interagir personnages fictifs et personnages réels avec une fluidité confondante, notamment chez les espions. Par exemple, peu connu chez nous, James Angleton a réellement existé et a inspiré de nombreuses œuvres de fiction. Il est plus facile de repérer les grandes figures politiques comme le président américain Ronald Reagan, dont l’intervention en pleine guerre d’Afghanistan est décrite de façon très savoureuse et comique.



Tout est incroyablement dense dans ce tentaculaire récit à la narration ultra détaillée, et, même si c’est plus facile d’avoir des connaissances géopolitiques sur la guerre froide, le lecteur ne s’enlise pas. Le scénario, parfaitement planifié, trace brillamment un chemin dans la complexité spatio-temporelle de la période.







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Requiem pour une révolution

Alexander Til alias Zander décide de quitter Manhattan où il a vu son père et son frère mourir dans l'incendie de l'usine Triangle Shirtwaist sans que les conditions de travail ne changent. Partir pour la Russie et y construire une société plus humaine, plus juste et égalitaire pour tous est donc son but. Adhérant aux idées de Léon Trotski en qui il trouve un mentor, Zander s'envole pour la mère patrie accompagnée de son ami, Atticus Tuohy.

D'illusions en désillusions, d'espérance en désespoir, de bonheur en malheur, Zander va découvrir que le monde idéalisé peut rapidement tourné au cauchemar...





Au fil de 5 livres reprenant les grandes périodes de l'histoire de la Russie, nous suivons l'épopée incroyable et parfois glaçante de Zander, cet homme utopiste qui rapidement déchante face aux atrocités commises. De son départ d'Amérique en 1917 à la mort de Staline en 1953, le lecteur est plongé dans une fresque historique époustouflante et vivante où se mêlent éléments historiques avérés et scènes du quotidien.

Robert Littel a su faire revivre un pan entier de l'Histoire et, permet au lecteur de comprendre comment des millions de gens ont pu être séduits au départ par cette idéologie égalitaire de départ. L'auteur nous offre une vision à la fois active et passive des événements avec ses personnages côtoyant les personnages les plus en vue de l'époque comme Trotski, Lénine, Staline, apportant au roman une puissance historique indéniable. Le tout sans partir dans l'invraisemblable ou l'édulcorer. Les scènes décrites sont saisissantes.



Ajouté à cela l'antagonisme de deux destins : Zander vs Atticus Tuohy. Autant Zander déchante rapidement par les horreurs perpétrées au nom de l'idéologie qu'il défendait au départ, autant son ami trouve le moyen d'assouvir sa soif de pouvoir en oubliant moralité, conscience et idéologie.





Une épopée historique poignante avec un héros qui ouvre les yeux petit à petit et décide de ne pas rester passif face à l'horreur.

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Légendes

A lui seul, bien des personnages.

Qui est vraiment Martin Odum, ancien agent de la CIA, devenu détective privé à New York? Dante Pippen, un Irlandais de l'IRA, expert en explosifs, qui forme des terroristes dans un camp d'entraînement du Hezbollah? Lincoln Dittmann, universitaire spécialiste de la guerre de Sécession? Combien d'autres identités peut-on lui prêter?

La légende, comme l'a vulgarisé depuis l'excellente série le Bureau des Légendes, est l'agent dont on a façonné une identité nouvelle et fictive, complète et fouillée, mais assez banale pour qu'elle colle à la réalité. Légendes, c'est l'art de vivre dans le mensonge, la faculté d'endosser des identités multiples qu'elles soient culturelles, ou religieuses, afin de mener à bien les missions octroyées: espionner, informer, duper, charmer, trahir…et ce, au risque de se perdre. Souvenons nous de XIII.



Martin Odum a parcouru le monde pour le compte de la CIA, eut bon nombre de vies. Aujourd'hui, pour les beaux yeux d'une cliente, sur la piste de Samat Ougor-Jilov, neveu d'un oligarque qui règne sur le crime organisé en Russie, il fouine aux Etats-Unis, en Israël, en République tchèque, tout en poursuivant ses séances auprès de sa psychiatre qui veut savoir qu'il est réellement Odum. Il y a du Goliadkine la-dessous…

A travers le thème de l'identité, et le prisme du roman d'espionnage, Robert Littell nous offre une autopsie en règle de feue l'URSS, démembrée après la chute du communisme, livrée aux manoeuvres des Etats-Unis et du crime organisé, dans le fracas de l'humanité qui se désagrège. Excellent.

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Une belle saloperie

Dans ma pile de livres à lire, j'ai deux Littell : un du père Robert, né en 1935 à New York, et un de son fils, Jonathan, né en 1967 au même endroit. Commençons par le roman d'aventures du senior "A Nasty Piece of Work" en V.O. de 2013. Du junior, j'ai chroniqué, il y a tout juste un an, le 16 décembre 2022 son ouvrage "Tchétchénie, An III" et bientôt je m'attaquerai à son essai "Un endroit inconvénient" (sur les massacres en Ukraine) paru cette année même.



Dans cette aventure, nous suivons le dénommé Lemuel Gunn - Lemuel comme Lemuel Gulliver, le voyageur infatigable et légendaire d'un autre Jonathan, l'écrivain irlandais Jonathan Swift (1667-1745) et Gunn comme pistolet ou fusil, mais avec double "n" - à travers le Nouveau-Mexique, le Texas et la Californie, à bord d'une Studebaker Starlight 1950 de collection, à la recherche d'un malfaiteur, qui doit payer 125.000 dollars à sa cliente, la belle à couper le souffle, Ornella Neppi.



Il se trouve que le héros du conte, un ancien officier de la CIA et ex-GI en Afghanistan, s'est converti en détective privé et a accepté de s'occuper du dossier de la sexy garante de cautions judiciaires, qui désire récupérer ses sous de l'infâme Emilio Gava, alias Silvio Restivo, surnommé le Catcheur, qui a osé disparaître dans la nature.



Un voyage qui, malgré son aspect charmant, est plein de dangers, car notre duo intrépide sera confronté à 2 familles rivales de mafieux, les Baldini et les Ruggeri, qui gèrent des casinos à Nipton, un coin isolé et paumé au sud du désert de Mojave dans le Nevada. La rivalité des 2 familles a tourné à la guerre ouverte depuis que Silvio ou Emilio a causé la mort de Salvatore Baldini, le fils du capo Giancarlo Baldini.



Je vous laisse découvrir comment notre détective et sa séduisante cliente se débrouilleront dans ce nid de guêpes, digne d'un épisode du parrain des parrains, Don Vito Corleone.



En somme, il s'agit d'une investigation dangereuse, mais racontée par l'auteur avec une forte dose d'humour et située dans un décor de scénario digne de Hollywood.

Bien différent donc de son chef-d'oeuvre "La compagnie" (la CIA) de 2003 ou sa biographie de l'espion Kim Philby de 2011 et sûrement de ses "Conversations avec Shimon Peres" de 1997.



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Les enfants d'Abraham

« Les enfants d'Abraham: Dialogues de sourds entre deux souris aveugles. » Voilà la situation bien résumée.



Le rabbin Isaac Apfulbaum, fondateur de la colonie juive de Beit Abram, et son escorte viennent de tomber dans un guet-apens. le cerveau de l'opération est Abu Bakr, leader charismatique que l'on soupçonne d'être le Rénovateur, fondamentaliste opposé au Hamas.

Le Shin Bet est aux abois. Entre dans l'équation Sweeney, « journaliste goy fouteur de merde. »

Le chrono est déclenché pour localiser le rabbin et démasquer le Rénovateur.



Bon roman d'espionnage que ces Enfants d'Abraham, intrigue bien menée, partition toujours bien exécutée par Robert Littell qui jamais ne déçoit (et qui délaisse la guerre froide), sur cet impossible dialogue entre fondamentalistes religieux des deux camps. Et il n'y a rien de plus bruyant que des sourds qui s'étripent à la face du monde.

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Vladimir M.

Mon premier Littell, le père, dont je suis très contente. Je remercie vivement Babelio pour l’opération masse critique ainsi que les éditions Baker Street.

Quatre femmes gravitent autour de Vladimir Vladimirovitch Maïakovski ; ou bien est-ce Maïakovski, le poète, qui dans un mouvement « futuriste » gravite de l’une à l’autre, de l’amante à la muse, de l’infidèle à la réservée. Quelques vingt-cinq ans plus tard, en 1953, elles se retrouvent pour évoquer leurs souvenirs en présence d'un jeune universitaire, Litzky, chargé de recueillir leurs témoignages, sur le seul dictaphone enregistreur Peirce, modèle 55B, dans tout Moscou.

La performance du roman se situe à mon sens dans la force des échanges à l’évocation du poète Maïakovski. Chaque femme se revendiquant tour à tour, plus libre, détentrice à sa façon d’un certain pouvoir sur Vladimir. Pourtant, à mesure que la confrontation s’accélère, la tension monte, le ton est acéré, parfois vulgaire, surtout quand chacune se veut plus légitime que l’autre et pour finir s’avoue vaincue elle aussi, assujettie à l’emprise amoureuse de l’homme, du poète et du révolutionnaire. Le langage est assez cru. Bien fait pour elles ! Mais c’est tellement bien gradué et posé automatiquement sur un ressenti, quand il est plutôt question d’ajuster le tir et de prendre son tour de parole, en veillant bien cependant, de ne pas casser le fil, ce lien qui les attache, toutes les quatre, autour du personnage de Maïakovski. Mais ce n’est pas tout, nous sommes aussi dans l’atmosphère de la Révolution où nous pouvons apercevoir quelques figures emblématiques comme, Tolstoï, Gorki, Pasternak.

Mais qu’est-ce qui a merdé ? La Révolution, Goumilev, Essenine, le démon Chort…

.

La terre brûlée voilà ce qui a merdé

la terre sous mes pieds

a brûlé la semelle de mes chaussures…

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La compagnie

Un peu à la manière de Ken Follett ou des très bons romans historiques, La Compagnie mêle réalité de la Guerre Froide et fiction. Une mayonnaise qui prend bien, trop bien même parfois, au point qu'on ne fasse pas toujours bien la différence entre les deux !



Si j'ai été gênée qu'il n'y ait pas de postface distinguant l'avéré de l'imaginaire, les deux aspects m'ont séduite : quel bonheur de parcourir le Rideau de Fer au fil d'aventures palpitantes, de Berlin à Cuba en passant par Israël, Budapest et bien sûr Langley ! Quel plaisir de suivre ces tribus d'espions inventés dans leurs missions bien réelles d'infiltrations, d'exfiltrations, de renseignements ou d'assassinats !



Avec ses 1200 pages, ce livre porte bien son nom de grand roman. Pourtant, je n'ai eu aucun mal à le dévorer en un weekend, tant j'étais emballée par l'histoire et l'Histoire. J'ai même bien apprécié les passages en URSS, jugés parfois caricaturaux par d'autres, ainsi que les personnages, assez complexes pour être honnêtes...



Certes, l'auteur a fait du maitre espion du KGB un pervers dégoutant, mais il a aussi montré que l'URSS recrutait plus facilement des agents doubles grâce à la force de l'idéal communiste. ll n'y a donc pas tellement ici de manichéisme à mon sens, juste le sens de l'Histoire qui voit triompher le capitalisme et les cowboys... et des récits de codes secrets, d'armes fatales et d'êtres humains?



Challenge Multi-Défis 28/52
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Une belle saloperie

Le héros de l'histoire, Lemuel (jamais entendu ce prénom) Gunn est un ancien agent de la CIA opérant en Afghanistan. Il s'est fait virer pour une sombre affaire de dénonciation de faits avérés. Il s'est reconverti en détective privé au Nouveau Mexique. Sa caravane lui sert de logement et de bureau. L'homme est un détective à l'ancienne, type Raymond Chandler, sans téléphone mobile ni ordinateur ayant des méthodes bien à lui et des réflexes issus de son passé.



Ornella Neppi, une trentaine, jolie fille aux pieds nus, apparaît dans la vie de Gunn pour un boulot de retrouvailles d'un certain Emilio Gava.

Ce dernier libéré sous caution de 125000$ payée par la jeune femme. Le dénommé Gava ayant disparu de la circulation, Ornella demande à Gunn de le retrouver afin d'éviter de perdre la somme déboursée pour la caution.

Il s'ensuit une chasse à l'homme à rebondissements.



On connaît Robert Littell pour ses romans d'espionnage, ici il s'agit d'une affaire policière assez noire mais aussi, parallèlement, d'une rencontre entre deux paumés de la vie. Chacun tirant l'autre pour avancer. Comme toujours le verbe de Littell est remarquable de justesse et d'efficacité. Le bonhomme à de la bouteille et le clin d'oeil voulu à Chandler est, en tous points, évident.

L'histoire coule doucement mais surement et le voyage qui amène au dénouement permet la traversée de décors, de paysages habilement dessinés par l'auteur. On s'arrête sur les locaux, leurs façons de voir les choses et de profiter de ce qui est profitable dans leur vie de tous les jours, en bien ou en mal.

Un passage où, Gunn détestant le téléphone mobile, cherche une cabine téléphonique publique, toutes plus défoncées les une que les autres est particulièrement tordant.

Bref du bon et bel ouvrage.

J'ai passé un excellent moment de lecture!


Lien : https://www.babelio.com/livr..
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L'hirondelle avant l'orage

Staline aime la poésie c’est pourquoi il ne fait pas tuer le grand poète Ossip Mandelstam qui ose s’opposer à lui, mais la souffrance et la mort dans un camp sera quand même au bout du chemin de celui qui l’appelait « Le montagnard du Kremlin ». Cette biographie romancée raconte les dernières années du poète par sa voix, celles de sa femme et de ses derniers amis. On assiste à sa descente aux enfers, mais aussi à celle d’hommes que l’on torture pour leur faire avouer des crimes qu’ils n’ont pas commis.

L’Hirondelle avant l’orage est une mise en scène remarquable du peuple russe face au système arbitraire et terrifiant mis en place par Staline.

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Conversations avec-- Shimon Peres

Les Conversations avec Shimon Peres de Robert Litell, ancien grand journaliste à Newsweek chargé de dossiers du Moyen-Orient et du Proche-Orient, ont été publiées en 1998, époque où le chef du Parti Travailliste israélien a déjà reçu le prix Nobel de la paix pour les accords d’Oslo (en 1994) en compagnie de Yasser Arafat et Yitzhak Rabin et est devenu Premier ministre (de 1995 à 1996) après l'assassinat de ce dernier.



Dans ce livre les questions, presque aussi intéressantes que les réponses, portent sur la vie intime et publique de Peres. De son enfance en Biélorussie à son arrivée en Palestine à onze ans, puis de sa participation à la construction du jeune Etat d’Israël aux côtés de Ben Gourion après un long séjour dans un kibboutz à sa carrière politique avec notamment ses engagements dans le processus de paix avec les Palestiniens.



On découvre un homme convaincu du bon droit des actions et de la supériorité d’Israël mais aussi un homme politique pragmatique qui est persuadé de la nécessité de trouver une solution pacifique au conflit israélo-palestinien. Même si nous connaissons la suite de l’Histoire, puisque ce livre a été écrit il y a une vingtaine d’années, l’analyse de la politique israélienne et de la situation au Proche-Orient apportée par Shimon Peres est passionnante. Elle permet de mieux appréhender les tensions qui agitent cette partie du monde, même si bien sûr elle ne peut être que partisane.

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L'hirondelle avant l'orage

Dans cet admirable livre, Robert Littell nous décrit le portrait du poête Ossip Mandelstam. Homme de conviction et de courage, il n'hésitera pas à décrire tout le mal qu'il pense de Staline qu'il surnomma "le montagnard du Kremlin". Vivant dans un appartement vétuste avec son épouse Nadedja, il paiera très cher sa poésie diffamatoire. Littell donne la parole à Mandelstram, à son épouse, à ses meilleurs amis Boris Pasternak (l'auteur du Docteur Jivago) et la poêtesse Anna Akhmatova pour raconter cette révolte. Et à travers Mandelstram c'est tout un peuple opprimé, bafoué, réduit au silence que conte Littell. Avec une force évocatrice remarquable, Littell décrit l'absurdité d'un régime et l'incroyable chemin de croix mené par le poête. Un roman virtuose, captivant qui vous prend aux tripes et ne vous lache qu'a la dernière ligne. Avec en filigramme une question complexe : l'art peut t'il vaincre un régime dictatorial ?
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Requiem pour une révolution

Alexander Til, dit Zander, jeune Juif new-yorkais de 16 ans, est très tôt devenu un idéaliste pur jus. Et pour cause, à la mort tragique de son père et de son frère sur leur lieu de travail, dans l’incendie historique de l'usine Triangle Shirtwaist en 1911, il comprend assez vite qu’il ne faut rien attendre des classes dirigeantes et des nantis : ni indemnisation, ni justice, ni commisération, ni d’ailleurs la moindre parcelle d’humanité qui est, semble-t-il, incompatible avec l’avidité ordinaire des capitalistes et des patrons.



Très tôt donc, Zander décide de devenir révolutionnaire. Pour la bonne cause. Et pour la meilleure des luttes : celle qui apportera l’égalité et la justice pour tous. On imagine son enthousiasme quand il découvre, quelques années plus tard, que les belles idées révolutionnaires pourront enfin être mises à l’épreuve du terrain. En 1917 à New-York, il a la chance de croiser le chemin de Léon Trotski en exil. Poursuivi par l’agent Hoover, il décide d’embarquer pour Petrograd, car la révolution va se jouer en Russie, la terre de ses origines. Il part accompagné de son ami de toujours le tonitruant – et inquiétant - Russo-irlandais Atticus Tuohy, un ancien condisciple d’Emiliano Zapata.



Robert Littell frappe fort. Dès les premières pages, le lecteur est happé dans un maelström romanesque des plus ébouriffants. Comme on peut aisément l’imaginer, pour Littell, les apparatchiks ne seront apparemment pas toujours chics et le moujik ne parviendra pas à adoucir les meurtres… Quinze ans avant La Compagnie (l’histoire romancée de la CIA, et, à travers celle-ci, l’histoire occulte des guerres étatsuniennes), qui mêle habilement les faits réels et les personnages de fiction, Littell utilise déjà le même procédé et nous livre ici une fresque grandiose et véritablement passionnante, parcourant l’histoire de la Révolution russe, ses espoirs et ses désillusions, depuis la prise de pouvoir par les bolcheviks jusqu’à la fin du stalinisme.



Zander traversera toute cette période, et il sera pour ainsi dire aux premières loges. A la fois témoin et acteur, sa route va croiser les personnages les plus marquants : Trotski, Lénine, Staline, les Romanov, Beria, Khrouchtchev et beaucoup d’autres… Ceux-ci interviennent comme des acteurs à part entière dans le scénario, et se mêlent si efficacement aux héros de fiction, qu’il est parfois difficile de deviner si tel ou tel personnage « secondaire » a existé ou non. Avec un procédé redoutablement efficace, Littell rassemble la plupart de ses personnages dans une maison du vieux Petrograd en début de roman, de manière à tisser une toile complexe de relations entre les acteurs qui seront amenés à se revoir, parfois des années plus tard, pour le meilleur et pour le pire.



Entre espoirs et désillusions d’une révolution, rien ne sera épargné à Zander : il devra surmonter les massacres de la guerre civile, les interrogatoires musclés du NKVD, les humiliations de la prison, la perte de ses amis proches... Mais, parmi tous les crimes qui seront commis au nom de la Révolution, le pire pour lui sera sans doute la trahison de ses idéaux humanistes et révolutionnaires, auxquels contre toute attente, et en dépit de toute logique, il essaiera de croire jusqu’au bout.



Robert Littell sait mieux que quiconque rendre ses personnages attachants, les héros comme les fripouilles. Il exploite au mieux et avec panache les soubresauts romanesques de l’histoire, il entrelace avec une grande subtilité les parcours individuels et les événements historiques. Au passage, il parvient heureusement à éviter quelques facilités qu’il laisse volontiers aux scénaristes hollywoodiens (comme la récupération du personnage d’Anastasia, qui parvient néanmoins à s’enfuir de la maison Ipatiev à Ekaterinbourg, mais pour accomplir on ne sait quel mystérieux destin). En revanche, il termine son roman de la manière la plus impressionnante qui soit, car, tout en restant compatible avec les faits historiques, Robert Littell accélère l’action dans les sublimes derniers chapitres qui éclairent d’un jour nouveau l’engagement de Zander, héros cabossé de l’histoire mais toujours fidèle à ses valeurs, le lecteur se retrouve alors brutalement plongé dans un page-turner malin et débridé – qui annonce la production future de l’écrivain – concluant le roman de façon inattendue et éblouissante.
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Une belle saloperie

Robert Littell, célèbre avant tout pour ses romans d’espionnage, surprend toujours. Quand il se fait plaisir en rendant hommage à Raymond Chandler, c'est que du bonheur. Alors ne vous fiez pas à la couverture, peu alléchante, qui fait roman de gare… j’ai failli passer à côté à cause de cela. Un polar de facture très classique mais écrit avec soin et style et c’est efficace.



Lemuel Gunn ("avec deux n" dit-il toujours) détective à bas prix, désabusé, viré de la CIA pour avoir critiqué les méthodes afghanes meurtrières de l’Agence, désabusé (vraiment), qui ne veut pas entendre parler d’un ordinateur ni de portable, et qui ne crache pas sur un verre à l’occasion, traîne son ennui dans sa caravane tout alu parquée dans un camping du Nouveau-Mexique. Mais pas dans n’importe quelle caravane : elle a servi à Douglas Fairbanks Jr lors du tournage du Prisonnier de Zenda. Un jour, Lemuel entraperçoit " une paire de chevilles nues et bien galbées" plantées devant " Il était un toit " (c’est le nom de sa caravane), celles de Ornella Neppi, surprenante femme fatale, marionnettiste, intrigante comtesse aux pieds nus d’une trentaine d’années, d’origine corse qui lui demande de retrouver un certain Emilio Cava. Arrêté pour une affaire de drogue, Emilio, était en liberté sous caution. Il est sans doute en train de violer sa libération sous caution, caution fournie par Ornella. Une affaire forcément pas si simple qu’elle n’y parait. Gunn mettra à jour les relations particulières existantes entre Emilio Gava et le FBI ainsi qu’avec deux familles mafieuses du Nevada en lutte ouverte. Et la traque pourra commencer…



Cette fois encore Robert Littell excelle à donner vie à ses personnages, souvent hauts en couleurs, originaux et attachants, tout en leur conservant une part de mystère. Comme toujours, les lieux sont minutieusement reconstitués. Il nous entraîne du Nouveau-Mexique au Nevada dans les immensités du désert de Mojave, du désert peint, du grand Canyon… Et pour ce qui est de l’intrigue attendez-vous à de nombreux rebondissements. Jusqu’à la dernière ligne… Quant à l’humour il n’est jamais absent.
 Enfin, on retrouve dans Une belle saloperie des thèmes chers à l’auteur comme le morale, la vengeance, la rédemption, l’amour… Certes, ce n’est pas un chef-d’œuvre. Mais un savoureux roman noir qui se lit d’une traite avec un plaisir constant.



A lire en écoutant, tout comme Gunn , Nat King Cole :

http://www.youtube.com/watch?v=Cb-wF4Lge7M
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Koba

Mouais mouais.

Veuillez m'excuser d'aller à contre-courant des critiques enthousiastes sur ce roman;

Me voilà dans le camp des dissidents...

Non, je n'ai pas aimé, et ai même dû me forcer à aller jusqu'au bout.

Pourquoi ce manque d'appétence ? Voici les aveux que je m'engage à signer de ma volonté propre :

J'avoue avoir trouvé les personnages peu crédibles, que ce soit le jeune héros ou "le vieux", à la personnalité tellement éloignée de ce que l'on sait de lui...

J'avoue avoir eu du mal avec la traduction, du fameux "conciliabule" utilisé à X reprises pour une discussion, un échange, un dialogue... par un gosse de 10 ans, jusqu'aux nombreuses approximations de traduction de termes russes pourtant connus (notamment des noms propres), des tournures de phrases peu naturelles en français, bref, une gêne permanente à la lecture.

J'avoue avoir trouvé étrange le fait que le petit héros soit à la fois si intelligent, et si ... naïf sur d'autres points.

J'avoue ne pas avoir compris l'intérêt même de créer cette rencontre complètement improbable, cette confiance qu'aurait eu Staline dans cet enfant sorti de nulle part, juif de surcroît et enfant de "traîtres"... Un peu loufoque et irréaliste, je ne sais pas si l'auteur a cherché le 2nd degré de lecture, tout cela n'est pas très clair.

En conclusion, alors que l'idée était sympa, la couverture, super attirante, mais quand j'y ai goûté... Goût fade malgré un super dressage, si je puis dire !

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Requiem pour une révolution

C'est le deuxième livre que je lis de cet auteur et le point commun que j'ai pu constater, c'est que ce sont des lectures exigeantes sur le plan des connaissances historiques. J'ai re-découvert la Russie de la première moitié du XXème siècle. J'aime ces romans qui me poussent à rechercher des informations à côté de ma lecture.

L'auteur nous parle ici de tous ces idéaux humanistes qui ont été pris en otage, cette dictature imposée sous couvert d'égalité pour tous. L'histoire d'Alexander Til est une fiction, mais nul doute qu'elle soit extrêmement proche de la réalité. Robert Littell déballe tout sans ménager son lecteur : arrestation, accusation, torture, exécution des plus horribles. Tous les détails sont là, de la scène d'horreurs jusqu'à l'état d'esprit des personnages, plus vrais que nature. On le sait, personne n'est sorti indemne de tout ce désastre humain.

Cette lecture est difficile, parce que bien trop réaliste. J'ai aimé, j'ai appris et je relirai cet auteur.
Lien : https://www.facebook.com/Les..
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La compagnie

Un long livre passionnant : 1000 pages d'espionnage sur des décennies au travers de génération d'espions.



Le roman est captivant. Il couvre la période contemporaine depuis les débuts de la guerre froide jusqu'à la fin de l'URSS. On se fait en passant une bonne révision de quelques évènements historiques du XXème siècle.



L'auteur à l'intelligence de se concentrer sur quelques évènements phares et quelques personnes. On ne s'égare pas et parfois la partie d’échecs se joue en plusieurs coups chacun espacé sur des années.



Les opérations sont vécues à tous les niveaux depuis l'infiltré sur le terrain jusqu'au président américain. Tout y passe : les filatures, les faux transfuges, les taupes, les soupçons, ...



On commence en fait à suivre un groupe de nouvelles recrues de la CIA qu'on retrouve tout au long du roman parfois au travers de leurs enfants. Et oui, la CIA est une histoire familiale : la pression est énorme et modèle les familles autour d'un secret inracontable. On sacrifie toute sa vie pour la cause aussi bien d'un côté que de l'autre.



Le côté russe n'est pas oublié même s'il est moins présent et je trouve assez caricatural.



Le seul problème : c'est un roman ! Qu'est-ce qui est réel (le récit est volontairement réaliste et crédible) ? Qu'est-ce qui tient de la fiction ? Difficile de le savoir.



Palpitant vous ne lâcherez pas facilement le roman.
Lien : http://travels-notes.blogspo..
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Une belle saloperie

Il ne faut pas se fier aux apparences et appréhender ce récit comme un simple roman noir avec mafieux, détective privé désabusé et femme fatale. Ici tout est dans les interstices, dans les dialogues vifs et convaincants, dans le style série B des années 80.



Robert Littell nous livre un roman noir sensible avec des personnages croqués au poil, qui rend hommage aux grands classiques du genre.

Il cède parfois la place au grand journaliste qu’il est, en émettant une opinion bien tranchante sur les malheurs de l’Amérique et en abordant avec verve et cynisme des sujets brûlants.

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La compagnie

Avec ce gros pavé de 1222 pages, je ne suis pas loin du coup de coeur. De 1950 pages à 1995, l'auteur retrace tout un pan de l'histoire mondiale avec la Guerre Froide. On y voit évoluer plusieurs générations d'espions de la CIA. On assiste à des évènements devenus historiques, comme la révolution de Budapest de 1956 et le débarquement de la Baies des Cochons. Il manque beaucoup d'épisodes de cette Guerre Froide, mais tout raconter de la manière de l'auteur, il aurait fallut plusieurs milliers de pages supplémentaires. Ceci-dit, ça ne m'aurait pas déplu.

Je mettrai quand même un petit bémol sur ce qui pourrait être un parti pris : la Russie est clairement le grand méchant, personnifié par ce "vieillard" pédophile, et les américains sont là pour sauver le monde, même dans leurs plus grands fiascos.

Pour ceux qui souhaitent se lancer dans cette lecture, je vous conseille de vous accrocher sur les 150 premières pages. Les personnages sont nombreux et ont des noms de code. Mais une fois que j'ai bien fait connaissance avec eux, je n'ai plus lâché le livre jusqu'à la fin.
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Une belle saloperie

Au Nouveau-Mexique, un Américain qui a fait l’Afghanistan est devenu détective privé. Un homme fier, un homme amoureux avec des dilemmes entre la rectitude morale, la loi et les ordres reçus.



Un décor particulier qui me rappelle de bons souvenirs, le désert de l’Arizona et du Nouveau-Mexique. J’y ai roulé et je me suis arrêtée dans une petite petite ville dont on a l’impression qu’il s’agit d’une ville-fantôme. Ces images sont revenues en mémoire en lisant ce polar, les « mobile-homes » délabrés, les cactus (mais pas les grands saguaros), les cailloux et les ciels sans nuage.



Un polar très américain, avec un soupçon d’humour, beaucoup d’action et la chaleur du désert pour oublier les rigueurs de l’hiver québécois…

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Philby : portrait de l'espion en jeune homme

Un roman qui décortique les motivations de Kim Philby , célèbre espion britannique , issu de la haute société anglaise , dont on a jamais su exactement s'il était un traite ou pas , roman qui couvre la période du début des années 30 à la guerre froide .

Je me suis rappelée avoir vu le très beau film de 1984 ' Another Country ' , qui est tiré de l'affaire 'des Cinq de Cambridge ,' dont fait partie Kim Philby , film qui donne un éclairage original sur le moment où ces jeunes gens deviennent agents soviétiques .

Je connaissais sinon assez peu le sujet , n'ai jamais accroché aux romans de John le Carré , mais je vais peut-être réessayer .

Kim Phiby commence sa carrière d'agent pour le NKDV à un peu plus de vingt ans , , au moment où le monde est séparé en deux clans incompatibles : les communistes et les fascistes , car bien sûr , il faut remettre le destin du persoonage dans son contexte historique .

Quel fut le rôle joué par son père , qui est lui aussi un personnage énigmatique , converti à l' Islam et qui a vécu de nombreuses années en Arabie saoudite et qui termina sa vie à Beyrouth .

Coincidence troublante ; K. Philby n'a été exfiltré en URSS qu'en 1963 , c-à-d , après la mort de son père .

J'ai également épinglé que K. Philby est mort seulement un an avant la chute du mur de Berlin et l'effondrement de l'empire communiste .

Il fut enterré à Moscou en 1988 , avec les honneurs dû aux héros du KGB .

Personnage difficile à cerner , ambigu , assez froid , je n'ai pas éprouvé beaucoup d'empathie pour lui .

Un excellent roman , un beau travail de recherche , qui me donne envie d'aller plus loin dans la découverte de cet auteur par la lecture d' ' Une hirondelle avant l'orage '

Je ne peux pas m'empêcher de terminer par cette petite remarque , j'ai lu à sa sortie , le livre du fils de l'auteur , Jonathan Littell , c'est un livre que j'ai apprécié , et je trouve que le fils ne se défend vraiment pas mal du tout par rapport à son père ;

Ce que j'ai aussi le plus apprécié dans cette lecture , c'est le côté instructif qui n'est jamais rébarbatif , car pour moi ; il s'agit autant d'une étude psychologique que d'un roman d'espionnage .

Monsieur Robert Littell , je vous remercie pour cette lecture de haute qualité .
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