Léautaud parle de Maurice Barrès
Roger STEPHANE relate la découverte de
Paul LEAUTAUD dans le monde littéraire, après la Libération. Extrait des Entretiens radiophoniques avec
Robert MALLET sur des
photos de
LEAUTAUD; ce dernier y parle de
Maurice BARRES
Sans voir l'oiseau
aimer l'entendre
aimer le feu
sans voir la cendre
sans la comprendre
aimer la vie
aimer donner
sans se déprendre
Sans rien attendre
aimer.
À l'amie des mauvais jours
Grâce aux terres profondes
On sait la bonne source
Quand tout est sécheresse.
Ainsi de l'amitié.
Merci d'avoir donné
la sève des tendresses
au vieil arbre écorché.
Je te sais sur le bout des doigts
je pourrais réciter ton corps
par vive mémoire des effleurements
sur tant de douceurs visibles
ou secrètes
Mais pourrai-je jamais connaître
à fleur d'esprit et de propos
la surface et les cryptes
de tes pensées
que je caresse
autant que ta peau ?
p.13
Quand les nuages
par vagues de vent
cachent le soleil
puis le dévoilent
la lumière bondit entre eux
reconquiert le bleu dénudé
possède l'avenir du ciel
N'avancent les clartés
que dans les soubresauts
de l'ombre
p.42
Les femmes, invisibles le jour, sortent le
soir du village pour aller à la fontaine.
Khartoum.
Les femmes de noir voilées
couronnées de cruches grises
reines veuves exilées
allument le ciel cendré
du clair regard des captives
délivrées par les eaux vives
qu'elles savent capturer
et très lentement hâtives
descendent vers la vallée
comme avance la marée
vers une terre promise.
p.30
L’oiseau blessé…
L’oiseau blessé meurt en chantant
pourvu que ce soit le printemps
Gavé, tendre, il se tait l’hiver
Ah, vivre et mourir à l’envers
des froids, des sèves, des saisons
l’honneur, la belle déraison !
L'étrave écume des mers
sans jamais engranger
les gerbes qu'elle crée
L'éclaboussement ne sert
que les jeux de la nef
sur l'eau de l'éphémère
Fends la foule des ondes
pour que jaillissent d'elles
la fièvre des limons
et coule, fraternel
dans les moissons
p.27
PLUS LUCIDE ? (Extrait 4)
quand un seul grain de blé définit une terre
quand un seul jet de sang élucide un mystère
quand une feuille seule en bruissant signe un arbre
quand d'un nuage seul un ciel désert se farde
quand d'un oiseau muet naît l'ordre du silence
quand un insecte crisse et vrille un chant immense
quand une braise attise un feu mourant de fleurs
quand une glaise accueille un caillou de lueur
quand une main réveille un destin de caresse
quand un regard endort le corps d'une tristesse
quand une neige habille un fil de graminée
alors, espère en toi l'impatience d'aimer.
p.10
Il lui suffisait de parler. Tout était clair.
Pourquoi avoir ajouté des gestes obscurs ?
Sceautres.
Les mots nous viennent de pays connus
même les moins croyables, les moins vrais
quand tu m'as dit l'impossible, j'ai pu
l'entendre comme si je le savais
les mots accusent, condamnent, pardonnent
nous recevons ce qu'ils donnent ou prennent
nous possédons ce qu'ils taisent ou nomment
tous les mots de l'autre veillent en nous
de pays partagés les mots nous viennent
Mais tes gestes venus d'on ne sait où
ils n'étaient que de toi.
p.25
M'endormir la joue contre le ciel
avec un picotement d'étoiles
sur la peau comme d'abeilles
qui butineraient mon sommeil
pour nourrir des essaims de joies.