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Critiques de Robert Merle (1106)
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La Mort est mon métier

Un excellent roman historique. Mais ce livre est très noir, très dur puisqu'il nous conduit dans les chambres à gaz et les fours crématoires d'Auschwitz. Obéîr sans réfléchir, sans activer sa conscience, uniquement pour faire son devoir, peut amener à des conséquences dramatiques, désastreuses, voilà la leçon que nous enseigne entre-autres Robert Merle. Un texte qui émeut, qui ne laisse pas indifférent. Un livre capital à découvrir absolument. Je le recommande à tous les lecteurs qui se sont déjà documentés sur la shoa et on lu par exemple des témoignages comme ceux de Primo Levi. Ce roman me semble être un excellent complément à tous les témoignages des survivants des camps de la mort.
Lien : http://araucaria.20six.fr
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Malevil

Une belle (re)découverte.



Publié en 1972, Malevil est un roman post-apocalyptique réunissant toute les notions abordées généralement dans le genre.



"Le jour de l'événement", Pâques 1977. Nul ne sait pourquoi, un cataclysme nucléaire ravage la terre entière. L'électricité cesse de fonctionner et un fracas, vacarme, roulement de tonnerre, sirènes hurleuses, locomotives folles retentit. S'ensuit une élévation de la température digne des portes de l'enfer. La terre est morte, l'humanité est occise. Non, sur les 412 habitants de Malevil, bourgade de campagne française, que compte les 4 milliard d'habitants de la terre, une poignée a réussi à survivre. Et autour d'Emmanuel Comte et quelques amis, la survie s'organise, avec pour base ce château moyenâgeux dont ils occupaient la cave lors des faits. Et ils auront fort à faire, non pas pour reconstruire, mais déjà pour survivre...



Ce roman est un récit, celui d'Emmanuel, annoté de quelques chapitres de Thomas, le rendant ainsi plus réaliste et crédible. Il aborde tous les thèmes chers à la littérature post-apocalyptique. La survie à court terme, à long terme, le partage du reste des ressources, la défense contre les "autres" la politique la religion... On aura une vision particulièrement machiste de la condition féminine, les femmes étant soit vieilles et destinées aux corvées ménagères soit aguicheuses et "dévouées" à tout le monde, soit souffreteuses.

Le roman est moins complexe et moins "difficile" à lire que je ne le redoutais, sans doute influencé par les diverses critiques lues ça et là. Il est bien écrit, mais fait très "Français", voire campagnard (à grand renfort de "La menou" "La falvine" et "La noiraude"). D'un autre côté nous y sommes à la campagne, profonde, caricaturale, avec du consanguin (une certaine vision en 1972 ?). On est loin des romans post-apocalyptiques américains avec des survivalistes armés jusqu'aux dents qui feraient fuir une bande de zombies clopin-clopant.

Il y a des longueurs, et notamment une très longue introduction, qui permet certes, d'éclairer la psychologie du personnage principal (son rapport à la religion notamment), mais qui retarde beaucoup trop l'entrée dans le vif du sujet. Parfois trop de détails peuvent nuire à la fluidité du récit.

Cette religion, notamment, dont on verra la force et la puissance manipulatrice notamment grâce au machiavélique Fulbert.

Une vision très locale, on ne sait rien du reste du monde, avec des problèmes logistiques et des combats très locaux eux-aussi.



Bref, sans être un chef d’œuvre ou un précurseur du genre, Malevil reste un roman post-apocalyptique franco-français agréable à lire et qui mérite d'être (re)découvert.
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La Mort est mon métier

Comment appelle-t-on un homme qui fait du massacre en masse ? Un bourreau ? Un tyran ? Un "génocidaire" ? La réponse de Robert Merle donne son titre à l'ouvrage : il s'agit d'un homme dont "La mort est le métier". Sur la base des rapports de psychiatrie de Rudolf Hess et des rapports du procès de Nuremberg, Merle nous livre la vie, l'histoire et les pensées de Rudolf Hoss, commandant du camp d'extermination d' Auschwitz-Birkenau.

Au premier abord, on est pris de sympathie pour l'enfance du futur nazi, auprès d'un père chrétien intégriste qui le voue à la carrière religieuse et d'une mère et de sœurs transparentes. On suit avec soulagement son adolescence et son entrée dans le régiment des dragons. Puis l'on devient inquiet lorsque, las du chômage et de la misère qu'il connait lors de son retour en Allemagne, il sympathise avec un groupe politique qui commence à prendre de l'importance, le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (ou parti nazi). Car après un séjour en prison et une période de calme, Rudolf est ravi de déposer sa vie, son obéissance et son honneur aux pieds de ses supérieurs, eux qui ont une vue stratégique de l'ensemble des actions demandées à leurs subalternes, eux dont les décisions, quelles qu'elles soient, sont justes et eux qui, enfin, légitiment toutes les conséquences des actions qu'ils auront demandées. Y compris lorsqu’il s’agit de rendre opérationnel et de faire un modèle de rendement du futur camp d’extermination d’Auschwitz.



Robert Merle est un conteur, lui qui mêle dans ce livre, sur le même ton et avec la même précision clinique, des morceaux de vie de famille et d'horreur. Cet ouvrage fait partie des livres qui ne se lâchent pas, que l'on dévore, qui nous obsèdent tant qu'ils ne sont pas finis, et bien après encore. Merle ne nous épargne aucune image, ni la misère des camps, ni les fumées asphyxiantes de la graisse versée sur les corps pour brûler les os, ni les stratégies pour convaincre les juifs d'entrer en bon ordre dans les chambres à gaz. Parce qu'au final, le problème "de la solution finale", c'est l'optimisation du rendement des camps comme celui d'Auschwitz : ce n'est pas de tuer en masse qui est compliqué, mais de savoir quoi faire des corps de façon à tuer encore plus encore plus vite.

Et que tout ce qui est décrit est réel, a eu lieu, dans un passé dont des rescapés nous parlent encore.



Au final, je ne sais pas si je suis convaincue par la thèse de Merle sur la naissance d'un bourreau. Pour moi, l'énigme demeure sur le déroulement qui amène un homme, au choix : à tuer, à torturer ses semblables, à massacrer, à ignorer sa part d'humanité pour mieux nier celle de l'autre. Je ne peux pas croire que tous les nazis étaient des « fous ». Alors, comment se peut-il… ? Ce roman de Merle m'a marquée, en décrivant un parcours possible. Et s'il me laisse toujours aussi démunie face à la folie de certains hommes, il permet au moins d'informer et de faire se poser quelques bonnes questions.
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La Mort est mon métier

Rudolf Lang a existé.Il s'appelait en réalité Rudolf Hoess.

Ce livre écrit le récit de sa vie durant laquelle il devint un bourreau nazi.

Écrit de 1950 à 1952 il est contemporain du conflit, ce roman est complexe et peut donner de l'espèce humaine une opinion désolée.

Il fallait tout le talent de Robert Merle pour donner sa force à ces lignes qui dénoncent la soumission à l'ordre, l'impératif catégorique, la fidélité au chef et le respect pour l'état lorsqu'ils mènent au pire de la tragédie.

Ce grand livre courageux et philosophique est écrit par un des plus grands auteurs français de son époque.
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La Mort est mon métier

J’ai ouvert ce livre culte sans lire aucun retour, j’ignorais avant de le commencer qu’il s’agissait ici de l’histoire d’un commandant SS, Rudolf Lang (de son vrai nom Hoess) prédestiné à devenir un monstre.



Un monstre qui lors de son procès de Nuremberg rectifie le juge, il n’a pas exterminé 3 millions et demi de juifs mais 2 millions et demi. Un cynisme qui fait froid dans le dos.



On va suivre ici la vie de cet homme dans ses grands événements depuis sa tendre enfance. Prisonnier enfant d’un père autoritaire et dictateur qui voyait en son fils un futur prêtre pour absoudre ses péchés. Rudolf grandira dans une honnêteté absolue, sans la moindre once d’empathie ni d’humanité. Seuls les ordres le sécurisent et lui tracent son chemin. Chemin tout tracé pour venir à bout du problème juif.



Décontenancée au premier abord par une narration clinique, froide et dépourvue de jugement de valeur, j’ai été progressivement happée par la monstruosité de l’histoire. Robert Merle dans un souci informatif authentique s’appuie sur des événements clés qui nous dévoilent l’engendrement d’un futur monstre. J’aurai aimé que l’enfance de Rudolf soit plus travaillée et fouillée car on sent que c’est là-bas que la mutation s’est opérée.



Que dire de toute cette partie dans les camps de concentration qui ne nous épargne aucun détail… L’odeur, les cris, la famine, la maladie. C’est terrible et étouffant cette immersion au cœur de l’horreur. Au côté de Rudof, ce SS qui voyait les juifs comme des unités et ne se préoccupait que de la logistique, des chiffres, des résultats sans une once d’humanité.



Un livre terrible qui décrit le parcours d’un homme dépourvu d’amour, qui considérait Himmler comme son père.
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Malevil

Malevil est l'un des romans qui m'a le plus marqué, suffisamment pour le lire trois fois.

Robert Merle nous propose ici une histoire dans un environnement post-apocalyptique parfaitement crédible où un groupe de personnes habitant un château devra sa survie à l'épaisseur des murs après une probable catastrophe nucléaire.

Passé le choc et la stupéfaction, l'évidence est là, ils sont peut-être les seuls survivants et très vite le problème des ressources et l'organisation de cette nouvelle vie va accaparer toute l'énergie de ce petit groupe.

La vie reprend petit à petit ses droits et une harmonie précaire va s'installer, jusqu'au jour où l'on apprend qu'il y a d'autres survivants, plus nombreux que l'on croyait, passés les premiers espoirs, le doute s'installe, après tout l'homme n'est-il pas un loup pour l'homme ?

L'auteur excelle dans la description et la lecture des rapports humains. La perte de tous les repères qui procuraient sécurité et stabilité va donner prétexte à un scénario passionnant.

Dans l'adversité certains vont assumer par devoir un rôle qui ne les enchantent pas mais auquel ils ne peuvent pas se dérober, d'autres vont révéler des qualités insoupçonnées au service de la collectivité et faire preuve de grandeur d'âme, d'autres au contraire...

Dans une société à réinventer va-t-on répéter les mêmes erreurs ? le pouvoir corrompt-il obligatoirement l'homme ?

Emmanuel, Momo et la Menou, Miette, Fulbert, autant de personnages qui vont nous faire vivre des moments forts et nous interroger sur la nature humaine, car je crois que c'est essentiellement de cela que l'auteur nous entretient, il décortique notre mode de vie et notre société, nous parle de grandeur et de bassesse, de chute et d'élévation, d'altruisme et d'égoïsme.

Malevil est aussi et surtout une fresque épique et dramatique faite de bruit et de fureur qui saura nous tenir en haleine jusqu'au bout, pour ma part l'un des meilleurs livres que j'ai lus.
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Malevil

Malevil est un chef d'oeuvre. Un chef d'oeuvre de la littérature française du début des années 70. Plus surprenant, un chef d'oeuvre de science-fiction, plus exactement de science-fiction post-apocalyptique…rurale qui plus est. Tout un programme !

Robert Merle sait nous happer : il nous plonge dans la campagne profonde, un terroir qui fleure bon la tradition, les bêtes, les petits plats roboratifs et le bon vin, les bois, la terre labourée puis y introduit une catastrophe…et nous laisse observer ensuite ce qui arrive, de façon presque sociologique, nous laisse entrevoir les conséquences psychologiques, sociétales, politiques, humaines de sa terrible dystopie épique dans laquelle le patois reste la langue naturelle et la campagne l'unique décor. Un chef d'oeuvre car il entrelace avec brio structure narrative haletante, histoire captivante, écriture merveilleuse et ciselée, nombreuses réflexions existentielles, théologiques, philosophiques qui nourrissent l'âme, le coeur et la raison.



Il y a un avant et un après vous l'aurez compris dans ce roman. La ligne de fracture est appelée pudiquement « l'Évènement », une catastrophe nucléaire dont on ne connait pas grand-chose, plus personne n'étant là pour pouvoir l'expliquer. Tout n'est que suppositions et craintes. Après "Le jour de l'événement", à Pâques 1977, il reste quelques survivants, ayant eu la chance de se trouver dans des endroits relativement protégés (en l'occurrence une cave à vin pour notre héros et ses acolytes) durant l'explosion. Entre les deux, de multiples changements. de valeurs, de société, de repères. Une régression. Une société à réinventer. Un retour au Moyen-Age avec une population réduite à presque rien.



« C'est une régression en ce sens que le savoir et la technologie ont été anéantis. L'existence est donc plus précaire, plus menacée. Cependant, ça ne veut pas dire qu'on soit plus malheureux. Bien au contraire ».



Avant, Malevil était un château restauré appartenant à Emmanuel Comte qui comptait l'ouvrir aux touristes. Une chose un peu artificielle dans laquelle on tentait de raviver les fantômes. Après, Malevil est bien autre chose avec ses terres, ses troupeaux, ses réserves de foin et de grain et ses compagnons unis comme les doigts de la main…et ses deux jeunes femmes destinées à sauver l'humanité en portant des enfants. « C'est aussi notre repaire, notre nid d'aigle. Ses murs nous protègent et nous savons que nous serons enterrés dans ses murs ». La vie s'organise donc après l'événement, Emmanuel accueillant un ensemble de personnes à demeure qui deviendront une communauté.

On découvre comment la vie reprend ses droits, l'organisation et la hiérarchie qui se mettent en place peu à peu, la façon de prendre des décisions, de partager les ressources, les activités qui occupent les hommes désormais privés d'électricité et de toute source d'énergie, la défense contre les autres. Cette communauté qui, après chaque épreuve va se fortifier. L'amour de la vie s'est intensifiée, les plaisirs sociaux sont plus vifs, les peurs plus animales et primaires, les combats plus virils. le sentiment religieux est plus présent et nécessaire. La femme est revenue à une condition bien inférieure à celle de l'homme, son rôle étant soit de s'occuper des tâches ménagères, soit d'être objet sexuel pour tous, soit enfin de procréer. Cette place dévolue aux femmes peut faire tiquer, j'y vois justement une dénonciation de la part de l'auteur : la régression de la société signifie aussi hélas celle de la condition féminine qui s'est battu et qui continue de se battre pour avoir une place égale à celle de l'homme. En faisant un bond en arrière, ce sont des années de lutte féministes qui se sont envolées.



Au-delà des regrets, de la prise de conscience des contradictions de l'homme, «la seule espèce animale qui puisse concevoir l'idée de sa disparition et la seule que cette idée désespère » , force est de se demander si ces hommes vont répéter les mêmes erreurs que par le passé, si la puissance et le pouvoir vont corrompre certains, si la guerre va être l'unique voie pour résoudre les désaccords.



Il est passionnant de découvrir comment la vie s'organise dans le village d'à côté, à La Roque, où une vingtaine de survivants sont pris sous la terrible et despotique aile d'un soi-disant curé, Fulbert. Puis d'observer les relations entre les deux territoires, deux sociétés radicalement différentes, deux mondes, désormais éloignés à plusieurs heures de marche quand la voiture mettait quelques minutes pour parcourir ces 15 kilomètres.



Distance et temps ont en effet changé considérablement d'échelle abolissant les anciens repères : « Nous sommes très occupés et pourtant, rien ne nous presse. Nous disposons de vastes loisirs. le rythme de la vie est lent. Chose bizarre, bien que les journées aient le même nombre d'heures, elles nous paraissent infiniment plus longues. Au fond, toutes ces machines qui étaient supposées faciliter notre tâche, autos, téléphone, tracteur, tronçonneuse, broyeur de grain, scie circulaire, elles la facilitaient, c'est vrai. Mais elles avaient aussi pour effet d'accélérer le temps. On voulait faire trop de choses trop vite. Les machines étaient toujours là sur vos talons à vous presser ».

Ce ralentissement du temps remarqué dans les gestes même, a le don de modifier les rapports humains, de les rendre plus profonds et intenses.



C'est Emmanuel qui raconte, sorte de journal de bord, dans lequel quelque fois nous lisons avec étonnement un rajout de quelques pages, une note, de la part de Thomas, le seul de la bande qui ne soit pas un enfant du pays. Comme cela est subtil de la part de Robert Merle : nous pouvons cerner les différences de points de vue, le manque d'objectivité, certes léger de la part d'Emmanuel qui se veut précisément bienveillant et le plus objectif possible. Ces petites notes, rares, viennent nous rappeler que toute objectivité est vaine, l'histoire est racontée et ne peut être précisément ce qu'elle est vraiment. Toute histoire narrée est déformée par le point de vue en présence. Ces notes permettent aussi au récit de gagner en crédibilité. Et quelle écriture dans ces rapports, ce sont à la fois des réflexions servies par une plume classique comme on n'en fait plus guère, cette plume a pris de la bouteille et revêt une élégante et subtile robe, et des échanges parlés aux accents du terroir, comme le mettent en valeur rien que les diminutifs donnés aux gens et aux bêtes : les ménines, La Noiraude, Miette, la Falvine, La Menou…



Quant aux personnages, ils sont délicieusement croqués, impossible de ne pas les aimer, de ne pas être touché (je pense notamment au poignant Momo, personnage haut en couleur) ou de ne pas les détester, dans tous les cas impossible de rester indifférent. Ces descriptions, leurs comportements et réactions en disent long sur la nature humaine dont nous avons là, comme offert, un inventaire fabuleux.

« Mais si Thomas était beau, il ne l'était pas comme on l'est chez nous. La statue grecque et le profil parfait ne sont pas nos canons. Peu nous importent un gros pif et un lourd menton si, derrière, il y a le feu de la vie. Nous aimons les gros gars carrés, rieurs, blagueurs, un peu farauds ».



Loin de certains romans post-apocalyptiques très futuristes, Malevil me fait penser à l'arche de Noé revisité en sauce terroir. Il fait la part belle aux hommes, aux valeurs humaines, à ses contradictions et ses paradoxes. Servie par une plume de toute beauté, c'est une lecture passionnante, une lecture nécessaire. Une lecture qui parle du recommencement.



« Je me transportai avec mon livre fermé et mon tabouret contre l'autre jambage de la cheminée, pour me réchauffer le côté gauche. La Menou jeta des brindilles dans le feu pour me donner de la lumière, j'ouvrit la Bible à la première page et je commençai à lire la Genèse. Tandis que je lisais, une émotion mêlée d'ironie m'envahit. C'était là, à n'en pas douter, un magnifique poème. Il chantait la création du monde et moi, je le récitais, dans un monde détruit, à des hommes qui avaient tout perdu ».

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La Mort est mon métier

La terrifiante réalité des atrocités de la Seconde Guerre Mondiale servie par la plume brillante et sans concession d'un auteur rompu à tous les exercices de style, cela vous donne un grand roman tel que "La Mort est mon métier".



Sans chercher à stéréotyper l'homme allemand, Robert Merle cherche à nous faire partager la pensée d'un individu endoctriné parmi d'autres, comme tant d'autres. Un homme prisonnier d'un passé de souffrance, d'un présent de conviction et d'un avenir d'espérance ; un avenir à construire sur les ruines d'un monde décrété corrompu.



Tel un bon ouvrier appliqué à sa tâche sur le chantier d'un Etat à reconstruire, le personnage principal (je ne peux quand même pas le nommer "héros") nous glace le sang par ses actes et par ses pensées mais nous permet de mieux "comprendre" ce qui s'est passé dans la tête et l'existence de millions d'Allemands dans l'entre-deux-guerres pour aboutir à cette catastrophe humaine et politique qui n'a pas encore fini de nous traumatiser.
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Malevil

« l’Événement » à lieu à Pâques 1977. Un cataclysme, probablement d’origine nucléaire, ravage la terre entière. Une gigantesque déflagration réduisant tout en cendres… et puis, plus rien, le silence, plus de radio, plus d’électricité. Pourtant, une poignée d’habitants de Malevil, qui se trouvaient plus ou moins à l’abri dans les caves d’un château moyenâgeux appartenant à Emmanuel Comte, parviennent à survivre au désastre. Reste maintenant à s’organiser…



En se limitant au sort de quelques survivants d’une bourgade de campagne française, ce roman post-apocalyptique ne s’intéresse pas au reste du monde, dont on ne saura d’ailleurs rien, et livre une vision très locale, voire même rurale de l’apocalypse. Servi sous forme de journal écrit par Emmanuel Comte, agrémenté de quelques annotations d’un autre survivant, visant à « éclairer » certains faits, voire à corriger certaines omissions, ce roman qui sent bon le terroir n’hésite d’ailleurs pas à nous baigner dans un patois qui a également eu la bonne idée de survivre à la destruction.



Le lecteur s’attache très vite aux quelques personnages qui ont miraculeusement survécu au drame et dont Robert Merle parvient à brosser le portrait avec grand brio. De l’indestructible Menou au bouleversant Momo, en passant par les incontournables Peyssou, Meysonnier et Colin, Robert Merle livre des personnages qui continuent à vivre dans notre esprit longtemps après avoir refermé le roman… peu importe le sort qu’il leur a réservé.



Cette régression de notre société vers le Moyen-Age s’avère être une invitation à tout reconstruire avec les moyens du bord en en évitant les erreurs du passé. Dès que la survie à court terme, allant de l’hébergement aux réserves de nourriture, est garantie, l’auteur s’intéresse avec brio à la reconstruction de cette mini-société, offrant quelques réflexions existentielles, théologiques et philosophiques particulièrement intéressantes.



L’espérance de vie au sein de cette nouvelle société, dépourvue des évolutions technologiques, s’avère certes plus limitée, mais le rythme de vie est également beaucoup moins élevé, les rapports humains beaucoup plus profonds et les petits plaisirs de la vie, tel qu’un bon verre de vin, beaucoup plus intenses. C’est à se demander ce que le progrès nous a finalement apporté au niveau de la qualité de vie ?



Les lecteurs qui ont un minimum d’affinité avec la cause féminine ne manqueront cependant pas de noter que Robert Merle effectue bel et bien une solide régression au niveau de la condition des femmes, dont les plus âgées sont dorénavant affectées aux tâches ménagères, tandis que les plus jeunes reçoivent pour mission de procréer, l’auteur réinstaurant même la polygamie pour l’occasion. C’est donc au moment où les femmes détiennent l’avenir de l’humanité entre leurs mains, qu’elles se retrouvent à nouveau dans un rôle bien inférieur à celui des hommes. Ce ne sont donc visiblement pas les féministes qui ont survécu à cette catastrophe ! Si certains ne manqueront pas de célébrer ce retour au « bon vieux temps », l’auteur risque tout de même de récolter quelques mauvais points pour le côté misogyne de cette dystopie.



Un incontournable, servi par la superbe plume d’un Robert Merle qui dissèque les rapports humains de cette nouvelle civilisation avec une maestria incroyable !
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Fortune de France, tome 1 : Fortune de France

Je n'ai encore jamais rencontré de lecteurs ayant eu entre les mains un roman de Robert Merle et qui n'en aient pas été durablement marqués. Et pour cause... L'écriture de Robert Merle est incisive, elle pénètre le lecteur, elle le harponne pour l'aspirer DANS le roman (comprenez "à l'intérieur de").



"Fortune de France", premier tome d'une saga mémorable qui se déroule pendant les guerres de religion (et qui débordera largement sur le XVIIème siècle), ne déroge pas à cette règle. Le lecteur est véritablement transporté dans l'aventure des châtelains de Mespech, ce château-fort périgourdin (qui ne sera pas sans rappeler le château de Malevil à certains), berceau de toute la série, fief des Siorac. Robert Merle, pour bien s'assurer que son lecteur sera aimanté à l'oeuvre, va alors déployer une botte secrète qui fait mouche : adopter le langage du XVIème siècle ! Bingo, vous êtes dans le filet, vous n'en réchapperez pas. Vous êtes séduits, vous êtes bons pour vous lire toute la série (13 romans).



Mais de quoi ça cause, "Fortune de France" ?

Pierre de Siorac et son demi-frère Samson sont deux jeunes nobles dont la défunte mère était catholique et dont le père, bien vivant, a embrassé la Réforme. Aussi, ce que l'auteur nous propose, sur un incroyable déroulé d'aventures comme il en a le secret, c'est le portrait d'une société française en pleine mutation. Nous sommes en 1547 ; la Renaissance. Une date charnière où le pouvoir royal passe d'un roi éclairé, François Ier, à un roi (Henri II) dominé par sa femme (Catherine de Médicis). Les tensions religieuses n'ont pas encore atteint la France, elles sévissent au sein du Saint-Empire romain germanique et ne vont pas tarder à gangrener l'Angleterre. La France, quant à elle, attend son tour qui la frappera au moment même où sa royauté connaîtra une crise profonde, liée à la succession d'Henri II.



Mais pour l'heure, revenons à nos châtelains périgourdins. Je n'ai pas pu m'empêcher de lire "Fortune de France" (1977) avec "Malevil" (1972) en filigrane. Comment faire autrement ? Le thème de l'opposition entre catholiques et protestants s'y retrouve, comme l'emprunt de termes patois dans Malevil qui croît en force dans "Fortune de France" pour devenir le seul langage du roman. A quel incroyable effort de documentation l'auteur s'est-il livré ! Cela force le respect. L'engouement est tellement puissant que lorsque vous refermez le livre, vous vous surprenez à modifier votre vocabulaire et à parler à vos proches en utilisant les termes du XVIème siècle. Autre point commun : le château-fort assiégé et la châtellenie si bien gérée que les seigneurs du lieu sont fins prêts à contrer une attaque. Mais attention, que vous ne vous y trompiez pas, ces similitudes ne gâtent rien au plaisir de lire ces deux romans et les apprécier.



Vous l'aurez compris, c'est un véritable voyage que propose Robert Merle à ses lecteurs avec ce premier volet. A ma connaissance, il fut l'un des rares auteurs français à creuser cette période avec à la fois ce souci d'exactitude historique digne d'un historien et cette verve littéraire digne des plus beaux romans d'aventures.
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La Mort est mon métier

Robert Merle a cette capacité de peler les histoires à vif pour n'en garder que la substantifique réalité. Pour raconter l'histoire d'un des plus grands criminels de guerre de tous les temps il était alors obligé de basculer dans l'horreur, dans l'indicible et l'insoutenable, afin de respecter la rigueur historique.



Il nous invite à l'expérience dérangeante et perturbante de se mettre dans la tête d'un nazi. On comprend la mécanique de la froideur, du manque d'empathie et de l'incapacité à déroger aux ordres. Mais il est tout simplement impossible d'intégrer l'insensibilité et la déshumanisation.

Certains passages sont à la limite du soutenable, de véritables concentrés d'horreur, qu'on aurait préféré ne jamais avoir eu connaissance tellement on sait que ces phrases vont hanter nos pensées.



Rudolph Hoess aurait agi pour ainsi dire sans mobiles, sans conflit de conscience, en fonctionnaire zélé et obéissant qui ne pense pas une seconde aux finalités de ses actes. Seule l'aurait intéressé la raison instrumentale qui domine sa tâche : comment organiser au mieux le rendement de l'extermination dans les camps de concentration.



Himmler disait : « Un SS doit être prêt à exécuter sa propre mère si un ordre lui en est donné »

Rudolf Hoess a obéi.



L'émotion palpable qu'éveille ce roman constitue un témoignage universel contre la barbarie de tous les temps.

Une lecture éprouvante mais nécessaire pour ne jamais oublier.





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La Mort est mon métier

Un livre à lire. Un incontournable. Dur, sans pitié…

Incompréhension est le mot qui ressort à la fin de cette lecture.

Impossible de mettre des mots sur le ressenti après cette lecture. Seules des questions reviennent en boucle comme après chaque lecture sur ce sujet : pourquoi ? Comment ?

Je ne suis pas sûre qu'un jour quelqu'un puisse y répondre !
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La Mort est mon métier

Lu deux fois il y a un certain temps déjà, il s'agit d'une lecture troublante et dérangeante, celle qui consiste à suivre le cheminement d'un homme qui sera chargé de mettre en oeuvre une méthode d'extermination de masse dans le camp de concentration d'Auschwitz.

Ce livre ressemble à un documentaire par sa structure et son contenu. Qui est Rudolph Hoess ? Quel est son parcours ? Existe-t-il des éléments qui permettent de comprendre comment un être humain a pu s'atteler à cette tâche avec autant de zèle ?

J'ai lu ce livre avec sidération, difficile d'appréhender la personnalité d'un homme qui raisonne en terme "d'unités" et de rendement s'agissant de meurtres, dire que cela fait froid dans le dos nous laisse loin du compte.

Il s'agit d'Histoire et de mémoire, la genèse de ce projet, ses tâtonnements et ses améliorations progressives énumérés avec force détails se suivent avec un sentiment d'incrédulité.

Comment concevoir que Hoess, après chaque journée de "travail" retrouvait femme et enfants ? Jusqu'où peut-on aller dans l'obéissance inconditionnelle ? La conclusion elle-même est assez surréaliste si l'on songe que loin de manifester des remords lors de son procès, il fut surtout outré d'être lâché par ses chefs.

Robert Merle est un conteur hors pair qui a su avec ce livre aborder un sujet certes difficile mais qui doit être connu par le plus grand nombre, car savoir c'est se souvenir.

Cette lecture m'avait tout naturellement dirigé vers "Soumission à l'autorité" de Stanley Milgram qui fait partie des livres qui m'auront le plus durablement marqué et instruit sur la nature humaine.
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La Mort est mon métier

Je ne pourrai retrouver une certaine paix intérieure que lorsque j'aurai couché sur le papier mes réflexions au sujet de ce livre effroyable, d'autant plus effroyable qu'il s'agit là d'une biographie romancée et qu'on n'est pas dans le thriller, mais bien dans la description d'actions réelles de la part de bourreaux qui surent mettre leur intelligence voire leur génie au service du mal et de l'horreur.



Un écrit démodé après sa parution, parce que la littérature concentrationnaire gênait des personnes qui avait vécu la seconde guerre mondiale, et qui a toutefois survécu sans manquer de lecteurs, affirmera Robert Merle parce que les personnes qui, après les années 70, ont lu ce livre n'ont en général pas vécu cet enfer. Il reste donc un écrit majeur et indispensable au devoir de mémoire.



Cette biographie romancée nous livre le parcours de Rudolf Hoess, commandant du camp d'Auschwitz-Birkenau entre 1942 et 1945. Un personnage que l'on ne peut absoudre mais dont le cheminement est concevable quand on prend connaissance des éléments déterminants de son enfance. Une enfance jusqu'à l'adolescence aux côtés d'un père qui entretient dans le milieu familial, une austérité maladive, baignant ses enfants dans une pratique religieuse de fanatique, faisant subir à l'enfant Rudolf, harcèlement et mauvais traitement moral, lui demandant un comportement parfait afin qu'il expie les fautes d'un géniteur obnubilé par la crainte de voir sa progéniture faire ne serait-ce qu'un pas de travers, ce qui ne peut laisser un individu indemne.



Elevé dans un contexte d'obéissance absolue à un être supérieur, il s'engage naturellement dans l'armée et devient un bon petit soldat qui apprend à exécuter les ordres sans réfléchir, son chemin semble bien tracé. On remarquera dès lors, une absence quasi totale d'empathie chez ce personnage et on comprendra aisément les raisons pour lesquelles sa hiérarchie après la prise de pouvoir d'Hitler, lui refusera une affectation sur le front russe pour lui confier une « action spéciale », Himmler ayant constaté cette absence d'émotion et cette obéissance aveugle à l'autorité supérieure.



Et l'horreur est décrite, mais cette fois, contrairement à beaucoup d'écrits de cette littérature concentrationnaire, nous nous retrouvons dans les coulisses, du côté organisateurs de l'enfer : les déportés ? une gestion comme une autre, un cheptel que l'on envoie sans émotion vers l'abattoir, des hommes, des femmes, des enfants éliminés sans aucun remort. Ce qui devait nécessiter une organisation sans faille.



Témoignage terrible que l'auteur a reconstitué en se servant de documents issus des écrits du psychologue qui interrogea Rudolf Lang (nom du personnage dans le livre) et des traces écrites laissées lors du procès de Nuremberg.



Un écrit édifiant, quoique difficile à lire et qui ne peut laisser indemne.
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La Mort est mon métier

C’est, certainement le livre le plus complet, le plus édifiant, le plus documenté, sur la vie de cet « homme » qui a conçu, élaboré la solution finale, l’extermination des juifs pendant la seconde guerre mondiale. Rudolf Lang (Höss), Obersturmbannführer du camp d’Auschwitz, aveuglément dévoué à l’idéologie nazie narre sous la plume de Robert Merle son histoire, de son enfance à sa condamnation à mort par un tribunal polonais. C’est là tout l’intérêt de ce roman. L’auteur nous livre un remarquable témoignage qui ne doit jamais nous faire oublier les mécanismes qui conduisent une société et un individu vers les sommets de l’horreur. Un livre à lire absolument, parce que ça a existé, et que nous pourrions le revivre surtout lorsque l’on voit la montée de l’antisémitisme qui gangrène certains esprits peu éclairés et nos civilisations soi-disante évoluées.
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Malevil

D'abord je voudrais dire que ce roman est aussi un film éponyme qui est une des plus grandes réussites du cinéma de science-fiction français et qui est aussi un incontournable absolu pour les amateurs du genre .



C'est un texte aussi puissant que Ravage de Barjavel , le style est excellent et la caractérisation est très soignée .

Un château , un terroir bien représentatif de cette délicieuse et évanouie France rurale qui vit au gré des saisons .

Lors d'une dégustation de vin, dans la cave , un éclair indescriptible se produit .

Les personnages émergent de cette cave pour arpenter un monde définitivement ravagé ..

La survie s'organise autour de ce terroir et la nature humaine se déchaîne dans ce qu'elle a de pire et de meilleur .



C'est le thème de ce roman soigné ,découvrir ce qui permet à l'homme de triompher de ses mauvais penchants pour parvenir à vivre , à construire et à créer en société mutuellement profitable .

Dans ce roman c'est avec déchirement que la civilisation fait un fameux bon en arrière et c'est avec un volontarisme raisonné que la survie s'organise autour de réalités très pragmatiques , alors que l'Histoire ( avec un grand H ) recommence et continue , laborieusement et de façons éternelles .



Un must

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La Mort est mon métier

Qui dit Portugal, dit souvent beau temps, ciel bleu, chaleur…Grosses chaleurs, d'ailleurs. Tellement, que les forêts de mon petit pays sont dévastées chaque été, au gré des envies et des besoins de certaines grandes sociétés, de certains gros bonnets de la finance et de la politique. Oui-oui, détrompez-vous, chers amis, les incendies de forêt portugais ne sont jamais accidentels et servent à grossir les portefeuilles de beaucoup de gens, gouvernement inclus. Quand, comme l'an dernier, ça tourne au drame et ça résulte en presque 70 victimes mortelles, tout le monde crie au scandale, tout le monde s'accuse mutuellement et les promesses de « Plus Jamais Ça » font légion…Les victimes innocentes ne reviendront plus et leurs familles respectives survivront, désormais, dévastées. Les coupables, eux, que rien n'inquiètera, continueront leurs joyeuses affaires, leur petit boulot de gagneur de fric et leur vie de riches. Jusqu'à l'été suivant. Froidement.

Comme beaucoup d'entre nous, j'ai lu quelques livres, romans ou témoignages, se déroulant pendant la Seconde Guerre Mondiale. Des plus connus aux pas-tant-que-ça, des romanesques aux histoires vraies. Tous présentaient le point de vue des victimes, des « gentils », de ceux qui ont souffert. Tous m'ont touchée, bien sûr.

Le livre de Robert Merle, premier roman « Seconde Guerre Mondiale » qui me présente le point de vue d'un « méchant », l'un des plus grands bourreaux de l'Histoire, prenait depuis longtemps la poussière sur l'étagère du salon. Face au résumé et aux critiques lus sur Babelio, je n'osais pas mais je me suis lancée. Mes livres papiers sont mes trésors et ne peuvent briller que si je les lis. J'hésitais aussi à en donner mon humble ressenti…Une critique me sert soit à partager mon enthousiasme sur un texte, soit à m'amuser un peu quand un livre ne me plait pas outre mesure (je me dis que, puisque je me suis ennuyée à sa lecture, je rigole en écrivant une critique que j'espère, sinon déjantée, du moins farfelue ou grotesque. Même si elle ne fait rire que moi). « La mort est mon métier » est loin d'être enthousiasmant mais pourtant, je lui mets cinq étoiles.

Comment étoile-t-on un texte ? Pourquoi aime-t-on ou pas un roman ? Pour le talent d'écriture de l'auteur, pour l'histoire qui nous plait ? Parce qu'on s'identifie avec le(s) protagoniste(s) ? Pour s'enrichir culturellement ou émotionnellement ?

Dans ce cas, j'écris ce petit billet juste pour partager et pour essayer de me comprendre. Vous m'aiderez sûrement.

Pour moi, ce roman a été une épreuve et un défi. Il m'en a coûté de me plonger dans son atmosphère, soir après soir, avant de faire dodo. Mais j'y allais, avide de savoir, de saisir. Malgré la chaleur des nuits d'août, j'ai eu très froid à sa lecture. le talent de l'auteur est indéniable. Il a cerné l'odieux personnage, qui m'a glacé le coeur et les os, à la perfection. Il lui a donné un visage et un esprit humains. Il en a fait un être qui respire, qui ressent, qui projette, qui organise et qui prévoit. Cependant, un homme qui a eu mal, qui a eu peur de faillir, qui s'est inquiété. Et c'est ce qui est glaçant.

Moi, je respire pour vivre. Je ressens de l'amour, de la joie et du plaisir. Je projette mes lectures, j'organise les vacances en famille. Je prévois le dîner et le cadeau d'anniversaire de ma Princesse. J'ai mal quand je la gronde. J'ai peur qu'elle soit malade. Je m'inquiète si elle est triste. Je trouve ça normal, pas vous ?

Le monstre respirait pour tuer. Il a ressenti de l'amour pour un père odieux. Il a eu la joie d'être papa. Ila eu le plaisir de bien faire… en projetant la mort de milliers d'êtres humains. Il a organisé et prévu des méthodes efficaces et infaillibles…de tuer. Il a eu mal de ne pas se sentir aimé et de cesser de l'être. Il a eu peur de faillir à sa mission. Il s'est inquiété du jugement de son supérieur. Il a anéanti des milliers de vies. Et il a trouvé ça normal….

Et vous ?

La « froideur » des incendies de forêt portugais est odieusement malhonnête. L'ambition de l'argent meut les monstres qui détruisent notre patrimoine naturel. Les morts de l'an dernier n'étaient pas prévues. Les monstres ne cessent pas d'être des assassins.

La froideur du personnage de « La mort est mon métier » est odieusement honnête. le bourreau n'a eu qu'une aspiration : faire son métier. L'extermination de milliers d'êtres humains était son objectif. Sans aucune autre ambition…Même pas d'être un assassin.

J'ai froid….



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Fortune de France, tome 1 : Fortune de France

Quel régal, mes amis, quel régal !



Je crois bien que je viens de tomber sur mon troisième auteur favori.

Pendant longtemps, j'ai cru qu'il n'y en aurait jamais qu'un seul. Zola. Mon Mimile à moi. Rien qu'à moi. Je l'ai chéri, dorloté, encensé, défendu auprès de mes amies lycéennes qui le trouvaient fastidieux. Il y avait les Rougon-Macquart d'un côté et de l'autre, tout le reste !

Pendant longtemps, je l'ai laissé seul sur son piédestal. Il était bien là. Mon monstre de littérature.





Et puis, je suis tombée sur vous. Mes amis de Babélio. Vous m'avez fait rencontrer Stefan Zweig. Ce fut un émerveillement. Comme une seconde vie.

Il a bien fallu que mon Mimile fasse un peu de place à Stefan. Entre nous, ce fut assez facile. Ils se côtoient déjà depuis longtemps dans les bibliothèques et librairies sur les rayonnages du bas à la lettre Z !

Il était tout de même temps que je trouve mon deuxième chouchou. Zola commençait à prendre sérieusement la poussière et à sentir le vieux.

J'étais heureuse. Les nouvelles de Zweig, c'est comme les Rougon-Macquart, il y en a toute une tripotée à lire. Cette fois-ci, j'étais bien décidée à prendre mon temps. A savourer. Hors de question de les avaler une par une les unes à la suite des autres comme j'avais fait avec la famille de Gervaise !

J'en suis là. Toujours à me délecter de temps en temps de cet auteur magnifique. Avec délice et parcimonie.





Bon, et Fortune de France, dans tout ça ??!!!!

Rho, vous l'avez bien compris. D'ailleurs, si vous avez bien suivi, je l'ai annoncé en début de chronique. Robert est en passe de devenir mon troisième doudou. Il en prend bien le chemin !



Ah c'est un tout autre émeuvement qu'avec Monsieur Zweig, cestuy-là ! Avec sa parladure à l'ancienne et ses mots occitans parsemés par-ci, par-là, je me suis bien esbouffée à la lecture de ce premier tome ! J'en ai pris tout mon soulas ! Se ramentevoir le XVIème siècle de cette façon, c'est tout simplement merveilleux !



Pour ceux qui ne connaissent pas, en voici quelques mots. C'est l'histoire de Pierre de Soriac, rejeton d'une d'une noble famille périgourdine et huguenote. Il est le narrateur de son histoire et nous entraîne en son pays sarladais, là où les guerres de Religion font rage comme partout ailleurs en France. Inutile d'en dire plus.

L'Histoire sert admirablement bien la fiction. La fiction se nourrit de l'Histoire. C'est un roman historique comme je les aime qui nous plonge au cœur de la France de la Renaissance. Une France encore bien rude, avec tout son lot de guerres, de courage, de ténacité, de discordes, de déchirements, mais aussi en proie au brigandage, à la peste...

"Ne verra-t-on la Fortune de France relevée ? Où demeurera méprisée et pour jamais couchée en terre ?" disait Michel de l'Hospital.





Mais, c'est aussi un roman d'une truculence incroyable ! Avec des personnages authentiques, sincères et réjouissants !

Un vrai régal, oui !

Il me reste douze tomes à lire !

Ô joie !

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Madrapour

Madrapour n'est pas le roman le plus connu de Robert Merle, mais croyez moi il vaut largement le détour ne serait-ce que par l'originalité de son scénario à la limite du fantastique, écrit en 1976, ce roman a très bien vieilli.

Avec Robert Merle on a de plus l'assurance d'une belle écriture. Ici, comme souvent avec l'auteur, il sera question de rapports humains et de questions existentielles, et comme toujours, il va nous régaler avec la justesse de son regard et grâce à un scénario surprenant et maîtrisé.

Je me rends compte qu'il ne va pas être évident de décrire le contexte dans la mesure où il se dévoile progressivement, et qu'en dire trop serait bien dommage pour qui aime découvrir au rythme du récit donc...

Je me contenterai de dire qu'il s'agit d'un huis-clos à 11 000 mètres d'altitude à bord d'un avion dans lequel une quinzaine de passagers a pris place pour se rendre à Madrapour. Très vite une série d'événements va créer un certain malaise dont et surtout l'absence d'équipage dans le cockpit...

Un panel de personnages de divers horizons culturels, grecs, anglais, américains, allemands, français, hindous et italiens mais aussi aux métiers divers et de classes sociales différentes.

Un panel qui fleure bon le choc culturel et qui va nous garantir des dialogues tantôt truculents, pertinents et surtout percutants et là Robert Merle va laisser libre cours à son immense talent d'observateur des travers humains.

Le parti pris narratif sera de nous faire assister à tous ces échanges de haute tenue à travers le regard de "Sergius" un linguiste qui parle une quinzaine de langues et qui sera le seul à nous faire profiter de ses réflexions et analyses.

Si vous aimez les mystères et la cogitation vous devriez apprécier cette histoire, ce que j'ai de plus trouvé remarquable c'est cette tension constante, cette question jusqu'aux toutes dernières lignes de savoir où nous emmène l'auteur.
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Malevil

Ah la la... J'aimerais tellement n'avoir à dire que du bien d'un roman de Robert Merle. Son écriture, son érudition, sa précision dans la narration, le charme qui se dégage de sa plume, le confort de lecture qu'il offre à ses lecteurs, tout concoure à faire de lui l'un de mes auteurs favoris. Il m'a fait rêver avec son « Idole », il m'a subjuguée avec sa « Fortune de France » et il m'a tétanisée avec son mémorable « la Mort est mon métier »...



Malevil est un roman post-apocalyptique dont Robert Merle situe l'action en France. Nous sommes dans les années 70, à cette période complexe où le monde connaît des difficultés économiques et politiques avec le premier choc pétrolier et la Guerre Froide, entre autres, et où, en France, s'essoufflent les Trente Glorieuses ; à cette période où le Mur est encore solidement debout et où l'on craint à chaque instant que Russes et Américains ne pressent le bouton rouge... Au fil des 630 pages de la collection Folio, Robert Merle m'a déroutée, m'a fascinée mais m'a également irritée. Question d’honnêteté intellectuelle, je dois bien l'admettre, je n'ai pas été totalement séduite par un roman dont j'attendais beaucoup, peut-être trop.



Je ne révélerai rien de la trame du roman en disant qu'une bombe atomique a rayé de la surface de la Terre tout ce qui vivait, humains, animaux et végétaux, c'est écrit en 4ème de couverture. Qui, des Russes ou des Américains a pressé le bouton rouge ? Bien malin celui qui désormais peut le savoir, plus personne ne vit pour en témoigner. Plus personne ? Un groupe d'irréductibles périgourdins, occupés à mettre en bouteille le vin en fût dans une cave médiévale, a pourtant survécu... Situation qui engendre autant d'optimisme que de pessimisme car, dans un monde où plus rien ne subsiste et où la seule femelle survivante compte 75 printemps, comment envisager de transformer la survie en existence ?



***ALERT SPOILER***



Le roman est très dense, vraiment très dense et, globalement, sa lecture m'a plutôt satisfaite.



L'histoire est bien construite, l'auteur nous plonge dans le quotidien et les intérêts personnels des protagonistes, des gens qui vivent à la campagne, dans une bourgade rurale du Périgord où chacun se connaît, s'apprécie ou se déteste selon ses liens avec ses voisins, concitoyens, parents, etc. A proximité de ce village se dresse la fière silhouette pleine de noblesse de Malevil, un château fort en ruines qu'Emmanuel, le héros, va acheter et restaurer. La vie est paisible, dans l'ensemble, pour la petite communauté villageoise, entre élections municipales qui se préparent, élevage des chevaux, artisans au travail, accidents de la vie courante, etc. Evidemment, aucun des habitants ne se doute qu'il vit ses derniers instants et que d'ici peu, la folie humaine va déclencher un cataclysme nucléaire et anéantir toute trace de vie dans ce joli coin de Dordogne.



L'histoire a vraiment de quoi séduire. Nous sommes très en amont de romans de type « La Route » de Cormac McCarthy et pourtant le thème est similaire. Fermez les yeux et imaginez une seconde que vous vous retrouviez seul survivant sur une terre qui ne compte plus un brin d'herbe, avec au-dessus de la tête un ciel où pas un seul oiseau ne vole et sous les pieds un sol stérile qui ne vous offre aucune chance de survie. C'est une pensée terrifiante, pas de nourriture, pas d'espoir, pas d'avenir, aucun sens à donner à votre existence, vous avez tout perdu.



J'étais vraiment très attirée par ce thème et j'ai vraiment apprécié le traitement qu'en fait Robert Merle, mettant au coeur des préoccupations de la poignée de survivants ayant échappé à la mort, avec Emmanuel à leur tête, le pouvoir, la sécurité et la spiritualité. La subsistance n'est pas tout, une fois les réserves de nourriture recensées, il faut penser à s'organiser, se structurer pour tenir sur le long terme. L'organisation sociale des survivants de Malevil devient pour le lecteur le fil ténu qui les lie à la civilisation et chaque fibre de son attention vibre au gré de leurs aventures, découvertes et déconvenues... On s'attache à chacun des personnages, ils deviennent familiers, ils sont précieux, ils sont les derniers êtres humains !



Ce que j'ai moins aimé et ce qui, par conséquent, mitige mon opinion finale, ce sont tout d'abord les longueurs, bien réelles, de la narration. Vraiment, l'auteur s'est fait plaisir, il a dû beaucoup travailler autour de la psychologie de ses personnages et de ce fait, il n'épargne à son lecteur aucun cheminement, aucune justification, aucune explication avant de poser les actes de ses protagonistes ; cela alourdit l'action qu'on aurait imaginée plus fulgurante, plus chirurgicale voire plus violente.



C'est Emmanuel qui raconte les évènements et son récit est à peine entrecoupé des notes de Thomas, un autre survivant, qui, tels des points d'orgue, viennent apporter une justification supplémentaire à ses actes. Emmanuel, propriétaire de Malevil et doté d'un ego plutôt solide, va assez naturellement prendre les rênes du pouvoir et occuper au fil des chapitres toutes les fonctions : exécutive et spirituelle. Cet état des choses ne m'a pas toujours semblé aller de soi. Le pompon est atteint avec le pouvoir de séduction d'Emmanuel qui ira jusqu'au culte de la personnalité, voire la déification. Too much.



Les survivants de Malevil sont bien des survivants mais ils ne sont pas si démunis que cela. Avec une logique souvent dissonante, l'auteur a veillé à ce qu'ils ne manquent pas complètement du nécessaire et disons que les murs de Malevil renferment un kit complet et quasi prêt à l'emploi de tout ce qu'il faut pour faire renaître de ses cendres une civilisation en péril. Des bougies (qui n'ont pas fondu malgré la brusque nappe de chaleur de l'explosion qui a tout détruit sur son passage), au foin heureusement remisé avec quelques animaux dans une cavité du roc, en passant par le papier qui permet à Emmanuel d'écrire son récit, au final, les fournitures dont ils disposent sont légion et là encore, méchante fille que je suis, j'aurais préféré les imaginer dans un dénuement véritablement apocalyptique...



Enfin, (et je m'arrêterai là car je ne voudrais pas vous détourner de ce roman qui reste une bonne dystopie à découvrir pour les amateurs du genre et également pour les adeptes de l'auteur) il faut quand même que je dise un mot sur la place des femmes dans le récit. Vous pourrez difficilement trouver moins féministe que moi et pourtant, j'ai tiqué à la lecture de Malevil sur les rôles dévolus à ses héroïnes. Soit vieilles et bonnes à faire la vaisselle, s’assujettissant d'elles-mêmes dans une dévotion muette et résignée envers la gent mâle. Soit jeunes et ayant difficilement droit à la parole pour exprimer idées et opinions. Aucune ne m'a paru bien crédible dans son comportement et dans ses choix.



Robert Merle a donc choisi de faire de Malevil un roman viril, il l'est sans conteste mais, en pareilles circonstances, on ne saurait nier que la femme est plus que jamais l'avenir de l'Homme. Cela méritait, à mon sens, un peu plus de considération.
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Roman historique lauréat du prix Goncourt publié en 1949 racontant la retraite d'un groupe de soldats français lors de la défaite franco-britannique lors de la seconde guerre mondiale. Mon titre est "week-end

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