AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Wyoming


Contrairement à nombre de ses confrères, François d'Estaing n'avait alors d'autre dessein que de se consacrer à la prospérité de son diocèse, et d'achever sa cathédrale, dont le chantier durait depuis bientôt deux siècles et demi. Tous ses diocésains, les fidèles, les curés, les vicaires, les membres du chapitre eux-mêmes, en dépit des conflits incessants qui les opposaient à son autorité, partageaient sa passion. Riches et pauvres, les uns par leurs aumônes, les autres par les heures de travail qu'ils offraient avec un enthousiasme devenu presque anachronique, tenaient à poursuivre l'oeuvre qu'avaient entreprise leurs aïeux.
On est émerveillé par la rigueur de ce zèle, au moment où les rudes guerriers francs, séduits par le charme florentin rapportent de Toscane les germes d'une culture oubliée depuis la chute de Rome, et redécouverte avec un éblouissement ravi. Fidèle à son Dieu, fidèle à son roi, ou, plus exactement, à l'image qu'il s'en fait encore, le vieux Rouergue reste surtout fidèle à lui-même. Aux marqueteries de porphyre, il préfère l'ogive, taillée dans le grès rugueux de sa vallée. Ses élites certes, et particulièrement son évêque ont croisé le regard des innombrables madones, gracieuses comme des Vénus. Ils ont admiré la perfection plastique des prophètes bibliques, nus comme les héros de l'Iliade, et, dans les cathédrales de marbre, un panthéon chrétien tout imprégné de sensualité mythologique. Mais, si l'on excepte, comme une innocente concession à l'art contemporain dont il pressent les dangers, quelques guirlandes ornant les clôtures du choeur et la grande entrée de la sacristie, François d'Estaing ne trahira pas le génie gothique qui parachève imperturbablement le rêve colossal conçu par Raymond de Calmont.
Sur l'Europe, déjà, se lève une aube nouvelle. A la veille de la Renaissance, cette immense révolution des esprits et des âmes où vont à jamais s'ensevelir les valeurs, les craintes et les espoirs de la foi médiévale, le peuple rouergat garde sa piété ancestrale. Chacun portant sa propre pierre, indifférent à soi-même, indifférent à sa renommée, oubliant ses faiblesses, ses péchés et sa misère, il reste habité par un seul désir et un seul idéal : la plus grande gloire de Dieu.
Commenter  J’apprécie          30





Ont apprécié cette citation (3)voir plus




{* *}