Le mal n'est pas quelque chose que l'on fait : c'est quelque chose que l'on est et qui contamine tout ce qu'on fait.
- J'ai l'impression que ces appartements n'ont jamais été nettoyés, dit McVarish. Votre oncle avait la phobie des femmes de ménage. Je me souviens qu'il disait : "Vous avez vu les ruines de l'Acropole? Des pyramides? De Stonehenge? Du Colisée de Rome? Qui les a mis dans cet état? Des imbéciles vous affirmeront que c'étaient des armées d'invasion ou l'effet d'érosion du temps. Pas du tout! C'étaient des femmes de ménage!" Selon lui, celles-ci employaient des chiffons à poussière garnis de boutons pour fouetter tout ce qui pouvait avoir une surface délicate.
Le Canada a besoin de fantômes, comme une sorte de supplément alimentaire, de vitamine, pour se préserver de cette infâme maladie moderne, la rachitisme de la raison.
L'édifice du collège Massey est magnifique, et rien ne sied mieux à une belle architecture que le parfum du passé et le délicat arôme de l'étrange.
Je ne saurais dir epourquoi un édifice neuf, dans un pays neuf - ou, en tous cas, un pays qui prétend être neuf alors qu'il est en fait extrêmement ancien - est touché à ce point par ce que les sociologues de l'université appellent la «densité spectrale». Selon moi, cela tient sans doute au fait que tout le monde ici, doctorants et professeurs, réfléchit avec tant de concentration à des problèmes intellectuels. La nature recherche toujours l'équilibre [...]
Ou alors, tout simplement, il y a une crise du logement dans l'au-delà, parallèle à celle que nous connaissons ici-bas. Nous savons tous la vitesse inquiétante à laquelle s'accroît la population de la Terre.
Quand j'étais enfant, Mère me disait souvent, et surtout le jour de la Fête Nationale, que je devais aimer le Canada. Mais je ne pouvais pas aimer le Canada, bien que je m'y sois appliqué de mon mieux jusqu'à mes quatorze ans. On n'aime pas le Canada, on en fait partie, voilà tout.
De même que pour Calvin l’humanité est divisée entre élus, choisis pour être sauvés. et réprouvés, de même pour moi le savoir l’est également : il y a ceux auxquels il vient naturellement et ceux qui doivent peiner pour l’acquérir. Avec les élus du savoir, on a moins l’impression de leur apprendre quelque chose que de leur rappeler des connaissances qu’ils ont déjà.
(Points, p.62)
Nous sommes enclins à penser que le savoir humain est en progrès constant ; parce que nous en savons de plus en plus, nous croyons que nos parents et nos grands-parents ne sont plus dans le coup. Mais on pourrait avancer la théorie contraire, dire que nous connaissons simplement des choses différentes à des périodes différentes et de manière différente. Ce qui jette un jour nouveau sur la mythologie : les mythes ne sont pas morts, ils ne sont que compris et appliqués différemment.
(Points, p.229)
Je n'ai jamais été aussi abasourdi de ma vie qu'au moment où le Flaireur sortit l'arme dissimulée dans son fourreau et m'expédia au tapis, raide mort.
Comment ai-je su que j'étais mort? Il me semble que j'ai repris connaissance tout de suite après le coup et entendu le Flaireur chevroter: "Il est mort! Mon Dieu, je l'ai tué!" Ma femme, agenouillée près de moi, l'oreille sur mon coeur, cherchait mon pouls; elle dit, avec ce qui me parut en l'occurrence un flegme exceptionnel: "Eh oui, tu l'as tué."
- C'est exactement ainsi que je me le rappelle! s'écria la princesse. Légèrement sulfureux. Irrésistible. Et byronien.
- Sur ses vieux jours, [Francis Cornish] était devenu un excentrique négligé qui marchait en traînant les pieds, dit Darcourt. Quelqu'un d'aimable quand vous le connaissiez, mais on était loin du beau ténébreux.
- Ça vous étonne? répliqua Thresher. Comment aurait été Byron s'il avait atteint la vieillesse? Conservateur, obèse, chauve et terriblement dyspepsique. Probablement un misogyne aigri. Ces héros romantiques ont intérêt à mourir jeunes. Ils ne sont pas destinés à "faire de l'usage".