Citations de Robin Hobb (1992)
Coucher avec quelqu'un, c'est toujours s'engager. Parfois l'engagement consiste seulement à prétendre des deux côtés que l'acte n'a aucune importance.
Le soleil commençait à s'enfoncer dans la mer ; nous étions assis côte à côte et la plage s'étendait comme le monde à nos pieds. Si, à cet instant, j'avais répondu "moi", je crois que son coeur aurait roulé entre mes mains maladroites comme un fruit mûr tombant de l'arbre. Elle m'aurait peut-être embrassé et se serait promise à moi de son plein gré. Mais je venais de me rendre compte de mes sentiments envers elle et ils m'écrasaient de leur immensité ; la vérité toute simple fuyait mes lèvres et je demeurai muet.
Je ne crains pas qu'ils me capturent et me tuent, Fitz : je crains qu'ils ne me capturent et ne me tuent jamais.
On se gausse souvent d'un premier amour en n'y voyant qu'un entichement enfantin, mais pourquoi quelqu'un de jeune ne pourrait-il pas aimer avec autant de violence et de profondeur que n'importe qui ?
Il y a toujours des solutions mais, parfois, aucune de satisfaisante.
Le temps, le plus infime des instants, regorge de points de choix. Nous y sommes si bien habitués que, moi-même, je dois parfois faire l'effort de me rappeler que j'opère constamment des choix, alors que je n'en ai pas l'impression. Chaque respiration constitue un acte décisif.
J'avais l'impression de m'approcher d'une tapisserie : on voit d'abord le dessin dans son ensemble, puis un examen plus poussé révèle les divers types de matériaux employés pour créer le tableau, et une étude plus approfondie encore permet de distinguer chaque point, la couleur et la texture de chaque fil.
Un matin, on s'aperçoit que les feuilles des bouleaux se sont veinées de jaune et que les aulnes ont viré au rouge dans le courant de la nuit. Quelques jours encore et il ne reste plus que des branches aux doigts nus qui se tendent vers un ciel bleu et glacé. Les persistants courbent le dos pour résister à l'hiver prochain, puis la neige arrive, cache-misère immaculé.
Un poulain, on peut le mettre dans un enclos, un chien, on peut l'attacher un moment ; ce n'est pas possible avec un enfant : pas une seconde on ne peut oublier qu'on en a un.
Nous nous fabriquons souvent nous-mêmes nos propres prisons. Mais on peut aussi créer sa propre liberté.
Cosgo s’assit, les mains serrées sur les genoux. « Vous vous oubliez ! Personne ne prend congé du Gouverneur Magnadon Cosgo. Reviens. Je te dirai quand tu pourras disposer. »
Sérille se redressa de toute sa taille. Elle dominait facilement d’une bonne tête le jeune homme pâle et jouisseur. Elle le toisa de haut en bas de ses flamboyants yeux verts. « Non. C’est vous qui vous oubliez, Cosgo. Vous n’êtes pas un soi-disant noble chalcédien, avec un harem de putains qui se mettent à quatre pattes pour vous caresser et vous flatter quand l’envie vous en prend. Vous êtes le Gouverneur de Jamaillia. Je suis une Compagne de Cœur, non quelque créature-objet huilée et parfumée. C’est vous qui me dites de disposer, c’est vrai. Ce qui ne signifie pas que je ne puis disposer quand je vous trouve dégoûtant. » Elle parlait par-dessus son épaule en se dirigeant vers la porte. « Quand vous voudrez apprendre à quels ennuis il faut vous attendre de la part de Terrilville, faites-le-moi savoir. C’est mon domaine de compétence. Trouvez-vous quelqu’un d’autre pour s’occuper de votre entrejambe !
Kyle n’avait jamais été le personnage romantique qu’elle avait imaginé. Ce n’était qu’un homme comme les autres. Non : plus borné que la plupart.
Borné au point de la croire obligée de lui obéir, même quand elle avait raison et lui tort, même quand il n’était pas là pour se dresser contre elle. Elle eut l’impression d’ouvrir les yeux pour la première fois et de voir le soleil levant. Comment avait-elle pu être aussi aveugle ?
Burrich m'avait protégé ; Umbre aussi, et même Vérité, à sa façon ; et, naturellement, Subtil m'avait fait jurer allégeance très tôt. Mais tous, chacun à sa manière, avaient à gagner à ma survie. Même Burrich aurait considéré comme un camouflet que je me fasse tuer alors que j'étais sous sa garde. Seule cette femme, qui aurait eu toutes les raisons de me détester, était venue assurer ma protection pour moi-même. Souvent, elle se montrait tête en l'air, indiscrète, voire parfois excessivement agaçante ; mais, lorsque nos regards se croisèrent, je sus qu'elle avait abattu la dernière muraille que j'avais maintenue entre nous. Je doutais fort que sa présence eût découragé si peu que ce soit les mauvaises volonté pour me nuire ; son intérêt pour moi avait dû constituer pour Royal un rappel constant de mon ascendance. Cependant, ce n'était pas le geste, mais l'intention qui m'émouvait. Elle avait renoncé à son existence paisible, à ses vergers, à ses jardins et à ses bois, pour s'installer ici, dans cet humide château de pierre juché sur des falaises au-dessus de la mer, dans une cour remplie de gens qui ne l'intéressaient pas, pour veiller sur le bâtard de son époux.
Je ne confonds jamais le coût d'une chose avec sa valeur.
Ce qu'il y a de regrettable avec les périodes d'ennui, c'est qu'on n'apprend à les apprécier vraiment que lorsqu'un désastre ou la menace d'une catastrophe vient soudainement les faire voler en éclats.
Rentrer chez soi, c'est retrouver des gens, non un lieu. Si tu retournes dans un pays d'où tout le monde a disparu, tu ne vois que cette absence.
Se découvrir en bonne santé par une claire matinée de printemps est un des sommets du bonheur.
La chaleur d'un accueil sincère est l'un des plus grands réconforts de la vie.
A quoi bon s'inquiéter de ce qui n'est pas encore arrivé ?
Le silence peut poser toutes les questions, alors que la langue a tendance à ne poser que les mauvaises.