Pour moi, garder le silence était une façon de me protéger. Les mots peuvent vous trahir si vous avez le malheur de ne pas choisir les bons, ou ne plus rien exprimer si vous en utilisez trop.
Je me dis parfois que chacun d'entre nous a une tragédie qui le guette. Que ces gens qui sortent acheter du lait en pyjama ou se curent le nez au feu rouge sont peut-être à deux doigts de vivre une catastrophe. Que notre existence à tous, aussi médiocre et banale soit-elle, est vouée à connaître un point de basculement extraordinaire - une simple rencontre qui, à elle seule, provoquera tous les évenements importants de notre vie.
Si les choses finissaient toujours par s'arranger, comme les gens l'affirment, le bonheur pourrait se mesurer sur un tableau graphique. Il suffirait de tracer l'abscisse et l'ordonnee, de marquer une croix pour chaque chose positive et le tour serait joué. Mais c'est de la connerie. Parce que le bonheur n'est pas quantifiable.
Le monde brise chacun d'entre nous et, après coup, certains sont plus solides à l'endroit de leurs fractures
J' ai remarqué une chose à propos des endroits nouveaux. C'est comme les jeans neufs. Ils ont beaux être à votre taille,ils ne sont pas confortables de suite. On met un peu de temps avant de s'y sentir à l'aise.
- Hé, Faulkner, tu veux entendre un truc déprimant ? m'a lancé Toby en soulevant son sac.
- Quoi ?
- La première heure de cours n'a même pas encore commencé.
Oscar Wilde a dit un jour que vivre est la chose la plus rare au monde et que la plupart des gens se contentent d'exister. J'ignore s'il a raison, mais je sais que j'ai passe trop de temps a exister. Desormais, j'ai l'intention de vivre.
« J'essayais de me la jouer gentleman, gêné de partager le même lit qu'elle en caleçon sous prétexte que j'avais mal fait ma valise, mais elle a secoué la tête et a repoussé la couette.
- Allez, grimpe.
J'ai mis mon téléphone à recharger sur la table de nuit, geste qui me paraissait hyper mature avec une fille allongée dans le lit. Et j'ai senti sa main sur ma jambe.
- C'est encore douloureux m'a-t-elle demandé en touchant mon genou.
- Non, ai-je menti.
Elle a effleuré ma cicatrice. De toute évidence, elle ne me croyait pas.
- Si jamais tu me donnes des coups pendant la nuit ou quoi... t'inquiètes pas pour moi.
- Mais il n'en est pas question.
Elle s'est redressée sur un coude.
- Je veux que tu me serres contre toi pour éviter ça.
Et sur ces mots, elle a éteint la lumière. [ ... ]
Si je m'étirais, nos bras se touchaient. J'étais électrisé par la pensée que nos peaux se rencontrent, sous les draps. Je me demande si elle pensait la même chose. Puis je l'ai entendu soupirer.
- Quoi ?
- Chut, m'a-t-elle murmuré en venant se blottir contre moi, tu vas tout gâcher. »
Dans une sorte de grand geste symbolique, j'ai sorti les livres de sous mon lit et les ai rangés sur mes étagères. Je n'avais pas l'intention de tous les lire, loin de là, mais j'aimais pouvoir les contempler en imaginant que je le ferais. J'aimais pouvoir me dire qu'une infime partie de ma chambre représentait enfin quelque chose de ma personnalité, et que j'étais un type qui n'avait pas peur de montrer ses bouquins dans sa bibliothèque.
- T'es trop mignon.
- Et toi, t'as trop bu.
- C'est pour ça que t'es mignon. Le reste du temps, tu ressembles à une patate.
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