C’te pintocheux, c’te lôfeur-là, répétait-elle cent fois le jour à Suzon, est ainque bon qu’à brosser avec des pas plus drôles que lui. Le fignoleux, i faraude toutes les filles du village et des paroisses d’en haut et d’en bas. Avec des gens comme ça, i a pas de fiatte à avoir et, si j’étais de m’sieu le curé, je l’laisserais seulement pas aborder le presbytère. (p. 51)
La visite pastorale, c’est l’une des grandes fêtes religieuses du calendrier ecclésiastique du village, et malheur à l’imprudent dont l’audace chercherait à en amoindrir l’importance. Jamais empereur victorieux rentrant à Rome, sur son char de triomphe traîné par des chevaux de neige; jamais roi franc, revenant dans sa bonne ville de Paris d’une bataille heureuse, monté sur son destrier, tout caparaçonné d’or; jamais thaumaturge, mettant le pied sur une plage hospitalière précédé par le bruit de ses miracles, ne furent acclamés avec l’exaltation qui accueille dans nos campagnes un évêque en tournée pastorale.
À l’aube de ce grand jour, Marie Calumet fut la première villageoise à mettre la tête à la fenêtre. Elle voulait s’assurer qu’il allait faire beau.
En conclusion, elle planta là tout son monde et murmura d'un ton maussade :
- Dites tout ce que vous voudrez, vous m'ferez jamais accreire que j'suis une fille à marier.
Et comme les cloches de l'église sonnaient l'angélus, elle alla servir le potage pour le souper.
La jeune fille tressaillit dans sa robe de nuit.
- Ce sont là, dit le prêtre courroucé, des choses que tu n'as pas besoin de connaître. Je te le répète, je te défends formellement de mettre le nez dans aucun de mes livres.