Lors d’un séjour en Normandie il y a une quinzaine d’années, deux Québécois ont découvert chez un antiquaire, à Caen, un jeu complet parfaitement bien conservé des plans de Morin. Le feuillet de présentation a la particularité de porter une dédicace manuscrite : Au maître astronome, hommage et souvenir d’un ancien maire de Montréal, métropole du Canada français. – (signé) – H. Beaugrand. Considérant qu’il se trouvait en présence d’un document patrimonial, le couple n’hésita pas à débourser l’équivalent de trois cents dollars pour s’en porter acquéreur. C’est Honoré Beaugrand lui-même qui, en tant que directeur, publia dans le journal La Patrie l’édition originale de l’ouvrage de Morin.
Des millions de nord-américains comptent au moins un ancêtre qui, au XVIIe ou au XVIIIe siècle, avait sa propre maison à Montréal, à l’intérieur d’un périmètre d’à peine un demi-kilomètre carré, en superficie. Certains le savent, d’autres s’en doutent, mais combien pourraient localiser l’endroit exact où se trouvait érigée cette demeure ? Quelques-uns ont déjà appris que leur aïeul vivait sur une concession originale plus ou moins grande, parfois mal définie.
Il est d’ailleurs connu que ce n’est qu’à partir de 1672 qu’on nomme les rues et qu’on peut parler d’un début de toponymie. Mais, même à ce moment-là, si l’on considère les rues nord-sud, on constate que, depuis, certaines ont complètement disparu, d’autres ont été déplacées, quelques-unes ont simplement changé de nom ou encore ont passablement été élargies.
Les documents de Pierre-Louis Morin représentent, à des périodes
différentes, l’occupation du Vieux-Montréal actuel, à partir de 1650
jusqu’à la chute de la Nouvelle-France, en 1760. Ils fournissent des détails
en abondance. Presque trop. Mais l’attention se porte rapidement sur le
fait que chacun des plans montre l’emplacement des maisons qu’on avait
construites durant la période indiquée en titre. Chaque bâtiment porte
un numéro et en exergue figure une liste correspondante donnant l’année
de construction et le nom de l’occupant. L’échelle est en toises. Pour tout
dire, sur la carte la plus ancienne qui couvre la période de 1650 à 1672, il
n’y a vraiment pas de rues à Ville-Marie. Seuls quelques sentiers.
Montréal a subi trois gros incendies, au temps de la Nouvelle-France. La description de celui de 1721 constitue un apport important dans l’ouvrage, grâce à !e Canadian Antiquarian and Numismatic Journal qui fit paraître dans son numéro d’avril 1915 un rapport saisissant du sinistre du 19 juin 1721, durant lequel pas moins de cent vingt-huit maisons et autres bâtiments furent détruits (un rapport subséquent en mentionne cent trente-huit).