Citations de Romain Gary (5268)
Je m'aperçois souvent, sans surprise, aux questions que l'on me pose, combien rares sont ceux qui savent ce qu'est la Croix de la Libération et ce que ce ruban signifie. Il est très bon qu'il en soit ainsi. Alors que tout, à peu près, a été oublié ou galvaudé, il est bon que l'ignorance préserve et mette à l'abri le souvenir, la fidélité et l'amitié.
J’ai même la naïveté de rêver que l’indépendance de l’Afrique se fasse un jour au profit des Africains, mais je sais qu’entre l’Islam et l’URSS, entre l’Est et l’Ouest, les enchères sont ouvertes pour se disputer l’âme africaine.
La vie est jeune.
En vieillissant elle se fait durée, elle se fait temps, elle se fait adieu. Elle vous a tout pris, et elle n'a plus rien à vous donner.
Elle marchait encore assez vite, de cette démarche déterminée des gens qui ont un but dans la vie.
Je les ai laissé là car moi je trouve qu’il faut pas chercher la tristesse.
Quand vous n’en pouvez plus, faites comme moi : pensez à des troupeaux d’éléphants en liberté en train de courir à travers l’Afrique ; des centaines et des centaines de bêtes magnifiques auxquelles rien ne résiste, pas un mur, pas un barbelé, qui foncent à travers les grands espaces ouverts et qui cassent tout sur leur passage, qui renversent tout, tant qu’ils sont vivants, rien ne peut les arrêter – la liberté, quoi !
Je devais vivre assez longtemps pour me trouver dans un monde où le terme "lutte pour l'honneur" n'évoque plus que quelque absurde panache d'un autre temps, à peine digne de raillerie ; mais tout ce que cela signifie, c'est que le monde est allé d'un côté et moi de l'autre, et ce n'est pas à moi de décider lequel des deux s'est trompé de chemin.
J’ai toujours éprouvé une insurmontable répugnance à faire de la peine à autrui, ce qui doit être chez moi un signe de faiblesse et un manque de caractère.
Le motif brodé représentait les bêtes tendrement unies dans la paix enchantée de l'Éden ; elle aimait surtout le lion qui fraternisait avec l'agneau et le léopard qui léchait amoureusement l'oreille d'une biche : la vie, quoi. La facture naïve du dessin soulignait encore l'idiotie profonde et très satisfaisante de la scène. (p.10)
C'est assez terrible, d'aimer les bêtes. Lorsque vous voyez dans un.chien un être humain, vous ne pouvez pas vous empêcher de voir un.chien dans l'homme et de l'aimer.
Je ne touche jamais ni à l'alcool, ni à la marijuana, ni au LSD, parve que je suis trop acoquiné avec moi-même pour pouvoir tolérer de me séparer d'une aussi agréable compagnie par le truchement de la boisson ou de la drogue. Mais je me soûle d'indignation. C'est ainsi d'ailleurs que l'on devient écrivain.
J'écris ces lignes à un moment où le monde, tel qu'il tourne en ce dernier quart de siècle, pose à un écrivain, avec de plus en plus d'évidence, une question mortelle pour toutes les formes d'expression artistique : celle de la futilité.
Les juifs priaient : un long murmure soutenu, d'un timbre égal, et puis, soudain, un long sanglot s'arrachait d'une poitrine, une longue plainte, moitié chantée, moitié parlée, une sorte de question désespérée, condamnée éternellement à demeurer sans réponse. Les autres fidèles élevaient alors la voix, faisant entendre cette question tragique, ce sanglot vibrant, puis les voix baissaient et redevenaient un murmure.
Le renouveau a toujours été, d'abord, un retour aux sources.
Me jetant un de ces 'ça va ?' qui permettent aux gens de se désintéresser de vous en deux mots et de vaquer à eux-mêmes.
Il m'était déjà arrivé de rencontrer de ces êtres possédés, dont la seule raison de vivre est une foi dévorante dans l'existence des forces obscures, occultes et ténébreuses, qui fournissent, en quelque sorte, une logique cachée à l'absurde apparent du monde.
Tout le linge sale des mots d'amour que l'on a si peur de toucher, parce qu'il est couvert de taches suspectes que les mensonges y ont laissées, renouait ses liens avec le premier balbutiement, le premier aveu, le regard des mères et des chiens : les poèmes d'amour étaient là bien avant l'œuvre des poètes.
Il est des femmes âgées que l'on retrouve jeunes filles à un geste, à un rire.
Partout où vous allez, vous portez en vous le poison des comparaisons et vous passez votre temps à attendre ce que vous avez déjà reçu.
Il n'est pas bon d'être tellement aimé, si jeune, si tôt. Ça vous donne de mauvaises habitudes. On croit que c'est arrivé. On croit que ça existe ailleurs, que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu'à la fin de ses jours. Après cela, chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances.