Romain Meynier - Revoir Marceau
Vous savez, m'assura-t-il, je crois vraiment en Dieu. Mais je n'aime pas trop le pouvoir qui le représente. J'essaye à ma manière de former un autre angle d'attaque, une lecture plus saine du message de Jésus de Nazareth.
Quand Marceau partit avec la voiture et les clés de la maison, j’étais sous la douche ; l’eau inondait la cabine, m’éclaboussait les yeux ; je chantais à tue-tête Pour que tu m’aimes encore, ce qui suffisait à couvrir les chevaux du moteur ; je n’ai rien entendu. Pas la porte qui claque, ni le mécanisme de la serrure m’enfermant, ni les graviers sous les pieds de Marceau, ni, peut-être, ce qu’elle a pu hurler de définitif avant de m’abandonner seul, coincé dans une courte longère en rase campagne française, un jour avant notre retour à Paris.
Une vive lueur m’attire. Je lève ma tête vers la colline. Mon sang soudain se fige, ma jambe droite se dérobe. Là-haut, un feu déjà immense rutile et ronge les arbres au fur et à mesure qu’il descend vers le manoir. Une fumée plus noire que le ciel et plus opaque que la terre s’élève déjà à une dizaine de mètres et glisse vers nous comme une traînée de poudre.
Il reste un moment interdit, la bouche entrouverte, puis il prend une longue respiration et me répond Gié voudré ouno café et ouno verré d’eau, comme ça, lentement avec un accent de foire et en détachant chaque syllabe, Gié voudré ouno café.
Tu vois, je te connais, me dit-elle. J’avais imaginé mille scénarios. Mais celui où tu te déguisais en Batman cinq minutes avant notre ouverture de bal et sans me prévenir, non, je n’avais pas pensé à ça