David Kentley est blond. Il est un peu mince et un poil efféminé, mais ça n'écarte pas la possibilité qu'il soit un assassin. Norman Bates, ça te dit quelque chose ?
Je pose le doigt sur la vitre. Il suffit d'une infime brisure pour que le reste du monde pénètre à l'intérieur. Pour tout gâcher.
On a tous besoin que quelqu'un nous prenne dans ses bras.
Quand parfois il nous arrive de percuter un inconnu sur la ligne Piccadilly, et celui-ci nous lance un regard comme s'il voulait nous arracher membre après membre. Nous sommes une espèce en colère ces temps-ci. Nous sommes vraiment trop nombreux dans cette ville.
Sa voix est chaleureuse et douce. Si c'était une couleur, ce serait un bleu clair et délicat.
J'en conclus donc que mieux vaut tuer quelqu'un qu'on ne connaît pas. Enfin, si je devais tuer quelqu'un. On est beaucoup plus difficile à retrouver. Juste un petit tuyau pour toi.
Ce n'est pas bizarre ni rien. D'avoir un ami homme, je veux dire. Ça va, pas de problème. Et on est potes, non ?
- Ouais. Ouais, potes", dit-il avec une grimace.
Dans une autre vie, je l'aurais peut-être embrassé à cet instant. Juste pour qu'il se sente mieux. Mais je ne suis plus étudiante. Ce temps-là est révolu. Je suis une femme très mariée.
Il n'y avait de toute manière que peu d'indices à glaner du Nokia 8210 de Jean. En y entrant mon numéro, j'avais noté que je n'étais que le quatrième contact dans son téléphone. Les trois autres étaient :
Gaz
Electricité
Salopards (mairie)
Je rôde, examinant l’immeuble. La plupart des autres appartements sont condamnés. Des lattes de métal fermement fixées aux fenêtres pour que rien n’entre. Ni le mauvais temps, ni les squatteurs, ni les animaux. Le côté gauche du bâtiment est presque complètement vide. Ses entrailles pendouillent au vu et au su de tout le monde.
Je suis un catalogue d’informations inutiles. Un disque dur de statistiques et de vieilles absurdités qui refusent d’aller à la poubelle. Je suppose que c’est pour ça que j’aime les oiseaux. Et les gens – du moins à distance. Je vois leurs marques distinctives, et en un instant je les assimile et ne les oublie jamais. Et ensuite elles m’appartiennent, dans un sens. Des choses magnifiques, mémorisées, que je garderai éternellement.
Alors ne me prête pas ton téléphone, ne serait-ce qu’un instant, car qui sait quels secrets je découvrirai.