Plus que comme image, le langage du mythe doit s’entendre en termes anthropologiques, en ce qu’il concerne « la compréhension de l’existence » humaine « dans sa fondation et sa limitation par une puissance transcendante non mondaine ». En ce sens, il relève d’une interprétation existentiale, structurant la conception de l’existence « donnée avec l’existence elle-même » et comme fondement de l’être. Sur cette base, une compréhension de soi existentielle devient possible, où la singularité de toute expérience est reconnue dans son authenticité. Chez Bultmann, Heidegger croise Kierkegaard. S’il convient d’en appeler à cette double référence, c’est parce que le Nouveau Testament est lui-même Parole traversée par un principe de contradictions, disant l’homme assujetti à un ordre strict de détermination et l’homme capable de libre décision ; l’homme en proie à la fatalité du péché, et le même homme seul coupable de sa déchéance ; l’homme être cosmique, et l’homme sujet autonome, etc. La prédication se sauve ainsi du mythe parce qu’elle en déploie les catégories fondamentales. Et permet alors d’éliminer le mythe comme image du monde. Et de mettre à jour « la vérité du kérygme », de la Parole, comme parole pour l’homme, « sans recours mythologique ». Andreas Dettwiler et Jean-Marc Tétaz, dans l’Introduction à l’ouvrage, notent que « le langage mythologique masque l’intention propre du mythe ». Ainsi doit-on, écrit Bultmann, « interpréter en termes existentiaux la mythologie dualiste de Nouveau Testament ». Seule façon de comprendre la vie chrétienne en sa singularité et son signe d’exception.