Tous les commentaires précédents sont excellents, et, sur le fond, je ne pourrais que paraphraser ce qui a déjà été écrit sur ce livre qui traite de questions de philosophie morale expérimentale, tout un programme!
Je suis assez.. primaire, je n’ai pas lu Kant, et n’y comprendrais d’ailleurs rien, et ma morale à moi ( transmise à mes enfants)est assez basique, c’est déjà le fameux « ne fais pas à autrui que tu ne voudrais pas qu’on te fasse »Faire plus, c’est mieux, bien sûr, mais appliquer cela, c’est déjà pas si mal. Je suis certaine d’ailleurs que Mr Ogien ( et d’ailleurs il ne s’en prive pas) parviendrait à me démonter cela. Car si autrui aime qu’on lui fasse du mal, qui suis-je pour en juger? Des goûts et des couleurs, après tout.. Personne, d’accord, mais qu’il trouve un partenaire qui lui convienne pour ce faire, cela ne me regarde pas.
C’est sûr donc que qui s’intéresse plus avant que moi à ces réflexions sur la morale pourra se plonger avec délice dans ce livre, et même prolonger sa lecture avec les innombrables travaux cités en référence.
A mon niveau, j’ai bien sûr été intéressée par certains raisonnements poussés jusqu’à l’extrême et trouvé assez salutaire de me pencher sur ce qui nous motive réellement, et c’est complexe.
J’ai trouvé que Ruwen Ogien avait un humour , fin et constant au fil des pages, et heureusement car tout cela pourrait avoir un côté un peu indigeste.
Un exemple dans le fameux exemple du tramway qui tue! Je tente de résumer brièvement, un tramway lancé à une certaine vitesse sur une voie, et sur cette voie 5 cheminots en travaux qui vont se faire écraser parce qu’il y a du y avoir un cafouillage administratif.. Une autre voie de dégagement, sur celle-ci un seul cheminot. Possibilité donc d’actionner un levier qui change le trajet et ne sacrifie qu’un homme. Est-il permis moralement de détourner ce tramway?
Et bien.. p 80, en note , il précise qu’ont été éliminés les répondants qui jugeaient qu’il n’était pas permis de détourner le train sur une voie secondaire, même si personne ne s’y trouvait. Il y en a eu, si, si!!!On sent que ça l’a fait rire. Moi aussi, il en est qui ont le strict respect de l’horaire..
Les expérimentateurs ont d’ailleurs corsé le problème ( schémas à la clé) en installant un gros monsieur penché sur un parapet au dessus du pont . Or.. si une certaine masse tombe sur une voie , un effet physique va ralentir le train et permettre aux cheminots de dégager vite fait. Bien. Sauf qu’évidemment, le gros monsieur lui.. Alors, c’est moralement admissible ou non? En fait le but recherché est bien sûr de savoir si les individus testés sont prêts à être actifs, et à tuer quelqu’un eux-mêmes pour sauver d’autres personnes. Je souhaite n’avoir jamais à répondre à ce genre de questions, car, encore au ras des pâquerettes , je me dis que cela n’a rien d’évident dans le geste, qu’il faut penser vite,que déjà dans les quizz, j'ai du mal, alors là.. et puis que physiquement, déjà, j’aurais du mal à le pousser. Et le convaincre de sauter, je ne le sens pas bien non plus, il va ergoter. Bref je crois que je ne suis pas faite pour la philosophie morale. Expérimentale ou non.
En tout cas, dans l’excellent chapitre: "Osez critiquer les règles morales", je retiens quelque chose qui me semble fondamental , car j’ai lu et entendu des choses assez agaçantes énoncées très doctement par certains sur un droit récemment octroyé par la loi française , qui précipiterait à coup sûr notre civilisation dans des catastrophes inimaginables . Le genre: accorder le mariage aux homosexuels, c’est fatalement, en venir rapidement à la PMA pour tous, et qui pourra désormais interdire la location d’utérus d’une habitante du Sahel contre un bidon d’eau, pour y implanter des quadruplés destinés à égayer le foyer d’un couple ( ou pire..) homosexuel?Ciel. J’exagère un peu, mais c’est le sens :)
C’est ce qui est nommé dans ce livre l’argument de" la pente fatale", oui ça fait peur.. qui vaut pour beaucoup de choses, clonage, euthanasie , etc, terrains de société pour le moins glissants, c’est vrai. Argument déduit par certains de la troisième règle du raisonnement moral, inattaquable pour certains philosophes: "traiter les cas similaires de façon similaire"
Ce à quoi répond Ruwen Ogien dans un grand élan de bon sens à mon niveau: " Affirmer, par exemple, qu’il n’y a pas de différence morale significative entre masseur et travailleur du sexe, ne suggère absolument pas que, si on commence par être masseur dans un cabinet de kinésithérapeute, on finira nécessairement par faire des passes au bois de Boulogne ".
Et la conclusion de l’ouvrage est que la philosophie expérimentale " peut nous permettre de reconnaître que rien dans les concepts et les méthodes de la philosophie morale n’est à l’abri de la contestation et de la révision.". Et que nous sommes autorisés " à penser que le débat moral n’est pas complètement irrationnel "( on en doute, quelquefois..), et qu"’il peut progresser par la critique conceptuelle , la remise en cause des préjugés, et l’échange d’arguments logiques et respectueux des faits. "
Je rajouterais volontiers qu’il existe dans de nombreux domaines des comités d’éthique , en particulier le CCNE dont le président actuel, fort sympathique , est Jean Claude Ameisein, dont le rôle est justement de réfléchir aux évolutions de notre société, et à éventuellement suggérer des lois que l’Etat sera chargé de faire appliquer.
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