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Citations de Thomté Ryam (23)


Ils ont connu ce jeu, môme, ils l'ont dans la peau. Un jour, ils l'oublieront, joueront à un autre jeu, avec un nouveau héros encore plus violent. Tout le monde fermera les yeux et le héros servira de prétexte lors de la prochaine fusillade. (p.204)
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" " Ici, la plus grande partie du respect se gagne dehors, sur le terrain, et pas dans une salle de cours. Moi je l'ai obtenu grâce au foot mais surtout lorsqu'en 5 j'ai maltraité à la ceinture un caïd de 3 devant les yeux de tous. Maintenant je peux avoir 1 sur 20 de moyenne, je serai toujours respecté ."
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Malik pense être un artiste depuis qu'il a écrit un recueil de poèmes lors de son dernier passage en prison, il y a dix mois.
-Je vais reprendre les textes de tous ces écrivains de merde et juste en changeant la place des virgules, je vais marquer mon temps, répète-t-il.
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Personne n'a compris comment un môme sans histoire avait pu tuer une quinzaine de personnes dont sa mère enceinte. J'étais devenu le symbole de cette jeunesse déréglée, mégalomane, mythomane, qui s'en va de l'autre côté du monde faire la guerre comme on va acheter du pain. (p.203)
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- Tu sais, les gens, je les classe en trois catégories : les idiots, les quelconques et les intelligents.
T'es intelligent, Martial. Mais on dirait que tu ne le sais pas. (p.158)
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Des journalistes, pyromanes et pompiers, invitaient sur leurs plateaux les politiques les plus durs, les plus méchants de l'hémicycle, les incitant à déraper pour s'en offusquer ensuite. (p.142)
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Si je vois tous ces Parisiens avec mes yeux, ou au travers de tous les clichés et préjugés que j'ai accumulés pendant toute ma jeunesse, au village. Les villageois ont peur de Brive. Brive a peur de Toulouse. Toulouse a peur de Paris. Paris a peur de la banlieue. La banlieue a peur de la banlieue voisine. La banlieue voisine n'a peur que de Dieu. (p.86)
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Je vais vous conter mon histoire : ma passion pour les jeux vidéo, mon père absent, ma mère malade et obsédée par les blacks, ma petite soeur décédée... et mon départ du village. (p.7)
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Aéroport Martin-Luther-King de Saint-Pierre, capitale de Capacabana. Il est 20 heures, heure locale et déjà la lune a investi les lieux. À la sortie de l’avion, la chaleur étouffante empêche de respirer convenablement. Ils ont quitté la France et sa grisaille, les voici désormais sous les sunlights des tropiques.
Si on reconnaît la richesse d’un pays à ses aéroports, cette île ne doit pas manquer d’argent. Martin Luther King a donné son nom à un bijou architectural, un palais. Le « Bienvenue à Capacabana », écrit en patois local, français, anglais, espagnol, allemand, prend dans cet endroit étourdissant toute sa signification. Pas un grain de poussière. Malik a l’impression de marcher sur du marbre. Des fontaines à eau en argent. Un aquarium géant rempli d’une eau cristalline et de poissons magnifiques. Des sculptures romanes. Des affiches qui annoncent en gros caractères : « Quand un chat saute sur le dessus d’un réfrigérateur, il ne pense pas à ce qu’il fait, il ne se demande pas : ‘Est-ce que je vais y arriver ? » Il le fait. Et il sait qu’il peut le faire. 2023 : l’année du chat. »
– L’année du chat ? interroge Malik.
– Oui. Décret de notre président. Depuis qu’il les collectionne, c’est la grande mode. Tous les péquenots de Capacabana Sud veulent en posséder un.
À part ça ? Les nouveaux venus ont droit à des écrans géants avec des publicités d’un genre particulier. À l’achat d’un appareil électroménager Philips, un homme musclé, une femme mature ou une étudiante vous sont offerts pour une soirée. Volkswagen vend la voiture « Tout risque, justice » qui, si vous êtes fautif dans un accident grave (par exemple, écraser un individu sous l’emprise de narcotiques), vous propose les services des meilleurs avocats de l’île. Le nouveau pistolet Smith & Wesson est paraît-il exceptionnel. Le slogan l’affirme : « Le 9 mm ne loupe jamais la tête. » « Les chips Witts font gonfler les fesses et les seins, agrandissent le zizi, blanchissent les dents en quarante jours. » Que des trucs de ce genre.

Malik n’oublie pas qu’il lui faut un billet retour. Atik Kleston, scotché à son mobile, l’a délaissé quelques minutes et il se sent un peu perdu avec sa mallette. Il suit du regard la foule pressée qui l’ignore. Il n’est pas dans sa ville, encore moins dans son arrondissement. Aucun repère. Ici, il n’est plus rien.

L’agence de voyage de l’aéroport va fermer.
– Après vous, c’est fini, indique un grand homme barbu à Malik qui patiente dans la file d’attente.
Le papy derrière lui devra revenir une prochaine fois. Il grommelle en patois, pas besoin de comprendre toutes les subtilités de cette langue pour deviner qu’il n’a pas adressé au barbu que des amabilités. Au tour de Malik de se présenter au guichet :
– Bonsoir. Je voudrais acheter mon ticket retour.
– La destination ?
– Paris.
– Désolé, monsieur. Comme je disais à la dame avant vous, notre unique compagnie aérienne a des problèmes de billetterie. je suis dans l’incapacité de vous fournir un billet pour l’Europe avant cinq jours.
– Cinq jours ? Vous blaguez ? Et si j’étais pressé ?
– Vous seriez parti jusqu’aux États-Unis, à New York et auriez regagné Paris depuis là-bas.
– Combien ça m’aurait coûté ?
– Environ 2 000 euros.
– Vous plaisantez ?
– Je suis désolé, monsieur.
– Et juste pour Paris ?
– Entre 150 et 200 euros.
– On m’a dit que c’était moins cher.
– On vous a menti.
Il rejoint Atik Kleston. Entouré de fans, le chanteur signe des autographes et prend des selfies. Avec classe, il discute avec une vendeuse, lui fait la bise en lui caressant le dos. Quel gentleman !
– Alors, tu as réussi à te procurer un billet ? demande Atik Kleston à Malik.
– Non, y en a pas avant cinq jours.
– Ça ne m’étonne pas, répondit-il en prenant soin que personne ne l’écoute. Ils font souvent ça. Vieille technique. Plus tu restes, plus tu raques. C’est honteux. Porte plainte !
– Bof… Les cigarettes et les alcools sont détaxés ?
– Avant… C’est fini.
Malik se tait. Allume une clope. Tout cela n’est pas bien grave, de simples péripéties. La jolie Asiatique d’Étienne-Marcel a menti ? Ce n’est rien par rapport à l’argent qu’il a dérobé. Il s’occupera d’elle dès son retour à Paris.
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Étienne-Marcel. Trois, quatre agences de voyage se partagent le trottoir. Une pimpante Asiatique est appuyée sur la devanture de l’une d’elles. Pause cigarette électronique. Un fameux faciès, un décolleté à son apogée surplombent une jupe en cuire abritant un fessier de qualité. Elle est très fraîche. Malik s’imagine s’aventurer sous sa lingerie, le chauffeur aussi. Et le petit sourire coquin qu’elle leur administre au passage ne fait que décupler par mille leur excitation.
– Déposez-moi ici, dit Malik au taximan. Déposez-moi !
– Ok… Vous savez reconnaître les bonnes choses, répond le chauffeur en salivant sur l’excellente Asiatique.
– Écoutez, monsieur, reprend Malik en tendant un billet de 500 euros. C’est suffisant pour m’attendre quelques minutes ?
– Bien sûr !
Malik quitte le véhicule sans oublier sa mallette, se dirige vers l’agence de voyage où la jeune demoiselle semble attendre sa venue avec impatience.
– Coucou, beau gosse. Des envies de voyage ? Entrez.
À l’intérieur, un employé à l’air efféminé renseigne une quinquagénaire qui s’enflamme sur son possible départ avec son amant à Rome. Aux murs, des clichés invitent à visiter les plus beaux endroits du monde. Les modèles y sont gais, les monuments scintillent, c’est toujours l’été, la mer est bleu turquoise. Ailleurs, il ne pleut jamais ? Y a pas de crackers ? Personne n’en bave ou quoi ?
– Asseyez-vous, dit la jeune Asiatique en lui désignant une chaise.
– Vous appelez tout le monde beau gosse ?
– Non. Pourquoi ?
– Vous croyez qu’un garçon bien élevé comme moi rentre dans une agence juste parce qu’on l’appelle beau gosse ? Vous pensez quoi, que j’ai dix ans ?
– Excusez-moi de vous avoir fait un tel compliment… Ce n’est pas de ma faute, si vous êtes si mignon.
– Je veux partir aujourd’hui, vous avez un vol ?
– Oui, bien sûr, vous avez une destination ?
– Je ne sais pas. Qu’est-ce que vous avez à me proposer ?
– Le monde entier.
– Si toutes les filles mettent des jupes trop courtes ou leur culotte à l’envers comme vous, j’irais bien en Chine…
– Je ne suis pas chinoise, je suis thaïlandaise.
– C’est pas la même chose ?… À côté, alors : la Suisse, l’Espagne, l’Irlande.
– C’est vague… En plus vous comptez partir maintenant, c’est compliqué.
– Finalement, je crois que je vais rester ici !
– Oh, j’allais oublier ! s’emballe la jeune femme. Capacabana ! CA-PA-CA-BA-NA !!!
Encore une fois le portable de Malik vibre. Cette fois c’est Ayatou. Il se lève et s’éloigne de quelques pas.
– Malik, c’est Ayatou.
– J’allais t’appeler.
– Qu’est-ce que tu fais ?
– Rien. Je ne serai pas là cette semaine.
– Pourquoi ? Où tu vas ?
– Je ne serai pas là, c’est tout… J’ai des trucs à faire !
– Ne t’énerve pas…
– Si quelqu’un passe, tu dis que tu ne me connais pas. En cas de problème, appelle Idrissa, Mamad ou Abdallah… Tu as leur numéro ?
– Oui… Donc, tu ne seras pas là pour l’anniversaire de Lili ?
– C’est quand ?
– Dans trois jours.
– Embrasse-là très fort… Prends ma carte bleue dans l’armoire et achète-lui un cadeau.
Il raccroche et revient s’asseoir.
– Qu’est-ce que vous disiez ? reprend-il.
– Capacabana ! Vous n’avez jamais entendu parler de Capacabana ? La nation arc-en-ciel… Dans les Caraïbes, entre Cuba et Haïti.
– Non… De toute façon, les Caraïbes, ça fait trop loin.
– Une île magnifique ! J’ai eu la chance d’y aller, ça a été la plus belle rencontre de ma vie ! 30 euros TTC l’aller… Pas besoin de passeport, une carte d’identité française suffit.
– 30 euros pour aller dans les Caraïbes, vous vous moquez de moi ?
– Non, pas du tout. Comme dans ce type d’île la vie est un peu plus chère, on vend les billets à prix réduit, c’est logique. Capacabana ! Ses plages, son soleil, son ambiance. Vous fumez ? Vous buvez ?
– Pourquoi ?
– À votre avis ? L’alcool et le tabac y sont détaxés. Alors je vous raconte pas l’état des soirées… C’est là-bas que je suis tombée enceinte pour la première fois.
– Ah bon…
Petite canaille d’Asiatique. Elle commence à l’émoustiller, avec toutes ces descriptions. Sa bouche, son décolleté, sa façon de se dandiner. Elle pourrait filer la barre à mine à un nouveau-né.
– 30 euros… Combien d’heures de voyage ?
– Dix, sans escale.
– Et le billet retour ?
– Nous n’en proposons pas. Il s’achète uniquement à l’aéroport Martin-Luther-King de Capacabana ou dans les agences de voyage locales. Vous devrez être en possession de votre titre de transport quarante-huit heures au moins avant votre départ. Le prix est sensiblement égal à celui de l’aller, si c’est ce que vous voulez savoir.
– À vous entendre c’est le paradis à…
– Non. Capacabana est divisé en deux, malheureusement. Au sud vous avez la partie riche, au nord la partie pauvre… Ne vous inquiétez pas, c’est dans la partie sud que l’on vous emmène et l’île est très bien surveillée.
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Entre cumulus et précipitations, le ciel est changeant. Malik, trente ans, se pavane dans Paris. En apparence, ce jeune homme mène une vie trépidante. Enfin, seulement pour les crédules devant leurs écrans. C’est un dealer plein d’allant. Pour les étés lunaires et les hivers solaires, il propose du shit, de l’héroïne, de la coke, du crack de temps en temps. Ce n’est pas encore un parrain, mais avec son équipe de débiles légers, il compte bien le devenir. Un pet de travers, un faux pas sur le mauvais terrain et vous finissez, au mieux, aux urgences avec votre père qui vous insulte et votre mère qui pleure.
Hier, il était tellement cuit qu’il a mis ses chaussures à l’envers. Il a ensuite voulu démarrer sa voiture assis sur le siège passager. Puis, dans cette douce euphorie et cette même voiture, après avoir peu dormi, il a observé la lune et s’est demandé si le jeu en valait la chandelle, dans la capitale des rêves et des illusions perdues.
Il a ensuite sorti une feuille de papier et gratté quelques lignes. Malik pense être un artiste depuis qu’il a écrit un recueil de poèmes lors de son dernier passage en prison, il a dix mois. – Je vais reprendre les textes de tous ces écrivains de merde et juste en changeant la place des virgules, je vais marquer mon temps, répète-t-il.
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- Moi, je suis un enfant de Capacabana Nord, doué pour la musique, qui aujourd’hui vit de sa passion.
- Tu ne fais rien d’autre ?
- C’est mon métier. Ce qui m’a permis d’être artiste et de posséder une carte VIP.
- C’est quoi cette carte VIP ? Qui te l’a filée ?
- L’état de Capacabana. Elle est attribuée à tous les sportifs, artistes célèbres de l’île et à ceux qui ont un compte en banque en béton.
- Carrément ?
- Repas gratuit. Plus j’ai d’argent, moins je paye.
- C’est un peu comme partout.
- Et ce n’est pas tout. Il y a aussi les MIP, Most Important Personality. Tu as vu le mec avec le bracelet jaune en première classe ? Ce sont ces types, souvent des multimillionnaires. Les hommes les plus importants après le chef de l’état et le reste du gouvernement. La rue est à eux. Ils te marchent sur les pieds sans s’excuser, ne font jamais la queue. Ils pourraient coucher avec nos femmes et nos enfants, on n’aurait rien le droit de dire. 
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Au tour de Malik de présenter ses bagages. Rien à signaler. Sa ceinture et sa bague en argent posent plus de problème que sa mallette pleine de billets. On lui souhaite un bon voyage et on l’invite à avancer vers la salle d’attente.
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Incipit :
Entre cumulus et précipitations, le ciel est changeant. Malik, trente ans, se pavane à Paris. En apparence, ce jeune homme mène une vie trépidante. Enfin, seulement pour les crédules devant leurs écrans. C’est un dealer plein d’allant. Pour les étés lunaires et les hivers solaires, il propose du shit, de l’héroïne, de la coke, du crack de temps en temps. Ce n’est pas encore un parrain, mais avec son équipe de débiles légers, il compte bien le devenir. Un pet de travers, un faux pas sur le mauvais terrain et vous finissez, au mieux, aux urgences avec votre père qui vous insulte et votre mère qui pleure.
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Quel est le but de cette planète ? se demande Malik. A quoi les hommes sont-ils réduits ? Face à tant d'inégalités, ne sont-ils pas trop gentils ?
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2 euros 50 le morceau de sucre
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– Continue ! Encore…
– Ce jeu est de la réalité virtuelle. On y joue avec un casque. Callagan est le héros de cette histoire. Il a vingt et un ans. Il est vêtu d’un tee-shirt jaune, d’un pantalon vert, de baskets rouges, même en hiver. Et il a un gourdin… Je vous dirai après pourquoi il a un gourdin… La première version a eu lieu en Amérique du Sud. Dans toutes les grandes villes ou capitales du continent : Rio, Caracas, Santiago, Buenos Aires, Montevideo. Callagan doit tuer trente personnes en une journée : en live, en direct. Un exemple : nous sommes le 15 mai à Buenos Aires et ce jour, il y a une manifestation de syndicalistes à quatorze heures. Je peux aller à cette manifestation et tuer trente personnes, si je veux. Les lieux, les rues, les personnes sont réels. C’est pour ça qu’on appelle ça de la réalité virtuelle. Tout est filmé en temps réel. Le jeu nous fournit des armes, nous dit où sont stationnés les policiers, les rues à éviter, le meilleur trajet, l’histoire de la ville. Plus vous tuez des personnes haut placées, plus vous avez de points, mais plus votre cavale sera compliquée. Les pièges sont nombreux et il faut être organisé comme un véritable assassin. Vous avez un temps défini pour quitter la ville et arriver à l’aéroport. Quand vous arrivez à décoller et à partir du pays, tout est effacé et vous avez une nouvelle identité. Le gourdin : la dernière personne que vous pensez tuer, vous devez la tuer avec un gourdin, lui exploser la tête. Et là, la cavale commence…
– C’est violent, observe-t-elle, sans émotion. Continue…
Sa langue me dit de continuer, mais son regard la trahit : elle pencherait plutôt pour une bonne piqûre dans les fesses suivie d’un enfermement…
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Ma mère m’a amené chez mon psychologue à Brive. Elle se balade au centre-ville à chercher des blacks pendant que je réponds à des questions.
Parfois je me lève, tire sur ma chevalière et regarde le temps. C’est un exercice que je pratique depuis mes huit ans. Le plus souvent avec cette même dame aux cheveux blancs, qui feint d’être très cérébrale, avec une grande maîtrise d’elle-même. Pourtant, une fois, ma mère l’a payée avec un chèque en bois. Quand elle s’en est aperçue, elle s’est mordu les lèvres et tiré les cheveux, on aurait dit une folle. Comment voulez-vous que je la prenne au sérieux maintenant ?
– Alors ! Raconte-nous un peu ta passion pour les jeux vidéo, Martial.
Après tant d’années, qu’est-ce qu’elle ne sait pas de moi ?
– Je joue beaucoup aux jeux vidéo, madame. Moins maintenant. On dit que ça rend fou. Une fois j’ai joué trente heures de suite. J’aime Shoot dans la ville, c’est mon jeu préféré. J’aime Callagan, le héros de ce jeu. Il a vingt et un ans, comme moi, et il a perdu sa petite sœur, lui aussi.
– Tu te prends pour Callagan le héros de Shoot dans la ville ?
– Oui, c’est moi Callagan, madame. Vous ne le savez pas ? Vous voulez une balle dans la tête ?
Je rigole. Elle affiche son sourire professionnel.
– C’est un avatar, un jeu de rôle… Il n’est pas réel, c’est virtuel, m’explique-t-elle d’un ton las.
– Vous savez, madame, ma mère regarde les infos en continu. Elle voit des faits divers toute la journée ; aucune explication, juste des images. Elle pense qu’elle vit ces événements, qu’elle est au plus près de l’action, mais en fait elle est juste devant son poste de télévision, assise sur son canapé blanc. Est-ce que c’est réel ? Quand commence la vérité ? Quand commence la fiction ? J’ai vu un reportage dans une banlieue où le maire, pendant les émeutes de 2005, disait que les gens avaient plus peur en voyant ce qu’il se passait chez eux à travers l’écran de leur télé qu’en regardant par leur fenêtre.
– Les infos, ce ne sont pas les jeux vidéo… Parle-nous de Shoot dans la ville…
– Shoot dans la ville est un jeu cruel et violent. Depuis sa mise en vente en juin 2016, c’est un véritable raz de marée. Six millions de copies ont été vendues à travers le monde. Pour sa sortie en France, des jeunes ont campé pendant des jours devant les grandes enseignes pour être les premiers servis. Bousculades, bagarres, crachats, viols ont rythmé cette journée. Pour la sortie du 2, dans un mois, on va aller à Brive avec des copains du village. On va squatter la veille devant le magasin. On veut être les premiers servis !
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Je me présente. Je m’appelle Martial. J’ai vingt et un ans et je viens d’un village de la France d’en bas à gauche, à trente kilomètres de Brive. Je sais, vous ne connaissez pas Brive, mais pour les gens d’ici, c’est New York.
Je vais vous conter mon histoire : ma passion pour les jeux vidéo, mon père absent, ma mère malade et obsédée par les blacks, ma petite sœur décédée… et mon départ du village.
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On ne sait plus ce qui est faux ou vrai, si notre vie n'est pas en fait notre rêve le plus long. (p.34)
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