Les vagues ont-elles une odeur ? Et qu'en est-il de l'amour ou de la séparation ? Pour la poétesse Ryoko Sekiguchi, chaque odeur a un corps et un langage, une présence susceptible de bouleverser notre rapport au temps et à l'espace. La narratrice de son dernier roman tient un "carnet d'odeurs" au travers d'histoires et de contes oniriques, et découvre aussi l'expérience douloureuse de la perte de l'odorat, un exil du monde dont souffrent les personnes atteintes d'anosmie.
Visuel de la vignette : Photo Josse/Leemage / ULF ANDERSEN / Aurimages via AFP
#odeur #voyage #anosmia
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On croit parfois universels certains concepts qu’on estime essentiels à la vie, et on s’étonne d’apprendre qu’ils ne s’appliquent pas partout. C’est le cas, par exemple, des notions de « société », de « liberté » ou d’« amour », qui n’existent en japonais que depuis l’ouverture du pays au XIXe siècle, comme concepts traduits des langues européennes. Le constat étonne toujours les non-Japonais.
Depuis le jour de son accident, comme ses lunettes s'étaient envolées sous l'effet du choc pour finir écrasées par le véhicule suivant, son odorat aussi s'était envolé, tel un ballon qu'elle aurait tenu entre ses doigts et lâché par surprise. Ce n'était pas en ouvrant les yeux dans sa chambre d'hôpital qu'elle s'en était aperçue, mais une semaine plus tard, sur le chemin du retour, alors qu'elle rentrait à la maison avec son mari. Dans son quartier trônait un magnifique mimosa. Lorsqu'elle leva les yeux pour contempler la luxuriance des fleurs frémissant d'allégresse, l'arbre lui parut inhabituellement silencieux. C'est à cet instant qu'elle prit conscience qu'elle ne sentait plus. Plus tard, elle apprit que la lésion cérébrale provoquée par la voiture qui l'avait percutée perturbait son système nerveux. Elle ignorait que les odeurs étaient comme des sons. Son univers ne vibrait plus.
Il y a une expression en japonais, "aji wo mukae ni iku", qui pourrait se traduire par "aller chercher un goût". En cas de rencontre véritable entre deux ingrédients, il arrive que l'un aille "chercher le goût" de l'autre, pour en extraire la meilleure part. Pour peu que l'échange soit mutuel, on pourra découvrir une saveur qui n'existait pas tant que les ingrédients menaient leur vie séparément.
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The Last Leaf d’O. Henry est l’histoire d’une jeune femme qui s’identifie à une saison. Johnsy, atteinte de pneumonie, est au seuil de la mort. Par la fenêtre du modeste appartement qu’elle partage avec d’autres artistes, elle contemple les quelques feuilles de lierre restées accrochées sur les branches et annonce qu’elle mourra lorsque les dernières feuilles seront tombées. Selon le médecin, c’est surtout l’envie de vivre qui lui manque : elle ne saurait guérir si elle ne reprend pas goût à la vie. Behrman, son voisin du dessous et vieux peintre alcoolique, répète à qui veut l’entendre qu’il peindra un jour un chef-d’œuvre. Il rabroue gentiment la mélancolique Johnsy. Après une nuit de tempête, il ne reste au matin qu’une seule feuille au lierre. Les rafales de vent et de pluie ont beau se poursuivre le lendemain, la feuille tient bon contre le mur. C’est cette feuille qui rend à Johnsy son espoir en la vie, et la jeune femme retrouve peu à peu ses énergies. En revanche, Behrman s’éteint deux jours plus tard, de froid et de fatigue. La dernière feuille de lierre sur le mur, c’est lui qui l’avait peinte. Johnsy comprend alors que c’était là le chef-d’œuvre promis.
Il est des idées qui ne naissent que dans le dialogue : à l'état de germe, elles attendent parfois d'être réveillées par les échanges entre deux personnes qui partagent le même esprit.
Lors de l'assemblage, au début, la sensation que l'on éprouve s'apparente à celle d'une marche dans la montagne.On ne voit pas forcément tout le chemin à parcourir jusqu'à la cime, parfois la brume nous cache la vue. Mais au fur et à mesure que l'on avance, que l'on réfléchit, il arrive un moment où l'on parvient au sommet et l'horizon s'ouvre devant soi. Et l'on embrasse alors l'ensemble du paysage, avec ses collines et ses vallées. On comprend pourquoi les vallées existent ici, les collines par-là, et les rivières qui coulent entre les deux.
Hervé Deschamps
Il paraît qu'être digéré par un nuage est une expérience exquise, irrésistible, comme tomber dans les bras de Morphée.
Les odeurs vous entourent, font sens et constituent le monde.
Tous les écrits qui traitent du travail des hommes avec la matière appellent des rencontres concrètes. On ne peut pas parler d'agriculture sans voir la terre.
Tant que sa voix existe.
Le surgissement partiel et cruel
D’une personne qui n’est plus.
De sa vie restera une onde.