Cécile Ladjali est enseignante et écrivaine, deux métiers qui se nourrissent l'un l'autre. Dans son travail, par les mots et le langage, elle questionne la notion de transmission, celle des origines, des identités et de la création
Dans cette rencontre virtuelle, autour du dernier roman de
Cécile Ladjali, "
La Fille de personne" publié aux éditions
Actes Sud, on parle de Luce Notte, Kafka et
Hedayat et du pouvoir extrêmement puissant, voire inégalable, de la littérature...
Pour retrouver son livre, c'est ici : https://www.librairiedialogues.fr/livre/16461672-
la-fille-de-personne-cecile-ladjali-actes-sud
Et pour nous suivre, c'est là :
INSTA : https://www.instagram.com/librairiedialogues/
FACEBOOK : https://www.facebook.com/librairie.dialogues
TWITTER : https://twitter.com/Dialogues
À bientôt !
+ Lire la suite
Il est des plaies qui, pareilles à la lèpre, rongent l’âme, lentement, dans la solitude.
Pénétrera-t-on un jour le mystère de ces accidents métaphysiques, de ces reflets de l’ombre de l’âme, perceptibles seulement dans l’hébétude qui sépare le sommeil de l’état de veille ?
(p.23-24)
Je n’écris que pour mon ombre projetée par la lampe sur le mur ; il faut que je me fasse comprendre d’elle.
Je n'ai qu'une crainte, mourir demain, avant de m'être connu moi-même.
J'ai toujours pensé que rien ne vaut le silence et qu'on ne peut faire mieux qu'imiter les butors qui passent leur temps au bord de la mer, à s'étirer les ailes, dans leur solitude.
Tout ce que je ressens, tout ce que je vois et tout ce que j’évalue, n’est-ce pas un songe inconciliable avec la réalité ?
(p.25)
A pas lents, elle se dirigea vers la place du village. Soudain, comme saisie par une inspiration, elle s'arrêta et déposa devant une porte l'enfant qui somnolait :
- Reste là, mon petit, je reviens.
L'enfant resta là, calme et docile, comme une poupée de chiffon. Zarrine-Kollâh n'avait pas l'intention de revenir ; elle ne l'embrassa même pas ; cet enfant ne lui servait plus à rien, n'était plus qu'une charge, une bouche à nourrir. Elle s'en débarrassait comme Gol-Bebou l'avait rejetée, comme sa mère l'avait chassée. C'était l'amour maternel tel qu'elle l'avait appris.
Non, elle n'avait nul besoin de cet enfant. Elle avait maintenant les mains libres : sans un sou, sans enfant, sans bagage. Elle respira profondément. Elle était libre ; elle savait enfin où elle en était.
("La femme qui avait perdu son mari")
Dans le monde musulman, aucun poète ou écrivain n'a aussi franchement nié Dieu et les légendes bibliques que Khayam. On peut même le ranger parmi les Iraniens anti-arabes comme Ibn Moghafa'a, Beh-Afarid, Abu Moslem, Babak... Khayam cite les anciens rois perses avec nostalgie. On peut supposer que la lecture du Chahnameh de Firdusi l'avait à tel point impressionné que dans ses quatrains, il rappelle la grandeur majestueuse de ces rois, tombée en poussière, des anciens palais devenus refuges des renards ou nids de hibou. Ses railleries, ses allusions à l'Iran ancien démontrent sa haine envers les conquérants arabes et leur pensée, qu'il méprise.
p. 39-40. "Légendes bibliques ?"
En vous racontant tout cela, madame, j'en tremble encore. Mais que pouvais-je faire ? Tout était de la faute de mon mari - que le feu prenne son coeur ! - qui m'avait assujettie à la fille d'un marchand de yaourt. Mon Dieu, puisse-t-elle n'en rien savoir dans l'autre monde ! Je volai donc quelques cheveux de Khadidjeh et les portai à Mollâ Ebrâhim, le Juif bien connu du quartier Rahtchaman. J'implorais à présent les secours de la magie : je fis jeter le fer à cheval au feu. Mollâ Ebrâhim me prit trois tomans pour transformer la femme en un tas de suif fondu : il me promit qu'avant la fin de la semaine, elle mourrait. Ah oui ! La besogne fut si bien conduite qu'un mois entier se passa dans l'attente, cependant que ma rivale, telle une montagne, ne cessait de grossir. J'en perdis, madame, toutes mes croyances dans la sorcellerie et autres pratiques de même farine.
("La quête d'absolution")
“Les gens, à ses yeux, avaient l’air terne et usé des vieilles choses qui ont perdues leur éclat. Ils n’en plongeaient que plus gaillardement leurs griffes dans le ventre de la vie, et leurs craintes, leurs manies, leurs superstitions et leurs contentement de soi ne faisaient qu’augmenter.”