Citations de Saint Augustin (403)
[Les créatures] tirent de toi leur perfection parce que c’est ton plaisir. Et non parce que tu serais imparfait et que tu devrais tirer ta perfection de leur perfection.
Etonnante profondeur de tes expressions.
Nous voyons qu’en surface elles plaisent aux tout petits. Mais quelle étonnante profondeur, mon Dieu. Etonnante profondeur. Terreur quand on s’y intéresse. Terreur déférente et frisson d’amour.
Voilà, oui, voilà l’esprit humain. Aveugle. Mélancolique. Ignoble. Indécent. Il veut se cacher mais veut que rien ne lui soit caché.
Ainsi, obtenir les notions qui ne se communiquent point à nos sens par image, mais dont nous percevons en nous la réalité même, par intuition directe, n’est après tout que rassembler dans l’esprit ce que la mémoire contient çà et là, en recommandant à la pensée de réunir ces fragments épars et négligés pour les placer sous la main de l’attention.
Et combien ma mémoire mortelle en son sein de notions de cet ordre, déjà toutes trouvées et comme rangées sous ma main ; ce qui s’appelle apprendre et connaître ? Que je cesse de les visiter de temps en temps, elles s’écoulent et gagnent le fond des plus lointains replis, où il faut que la pensée, les retrouve comme si elle les découvrait de nouveau, et les rassemble du même lieu (car elles ne changent pas de demeure), afin de les connaître, c’est-à-dire de les rallier dans leur dispersion ; d’où vient l’expression de COGITARE, fréquentatif de COGERE, rassembler, comme AGITO l’est d’AGO, et FACTITO de FACIO. Mais l’intelligence s’est approprié ce verbe, et l’emploie à la désignation exclusive de ces ralliements intérieurs dont elle forme sa pensée. (livre X, chapitre XI)
Quand plusieurs des femmes de la ville, mariées à des hommes plus doux, portaient sur leur visage quelque trace des sévices domestiques, accusant, dans l’intimité de l’entretien, les mœurs de leurs maris, ma mère accusait leur langue, et leur donnait avec enjouement ce sérieux avis, qu’à dater de l’heure où lecture leur avait été faite de leur contrat de noces, elles avaient dû le regarder comme l’acte authentique de leur esclavage, et ce souvenir de leur condition devait comprimer en elles toute révolte contre leurs maîtres. (livre IX, chapitre 9)
Oui, autre chose est d’apercevoir du haut d’un roc sauvage la patrie de la paix, sans trouver le chemin qui y mène, et de s’épuiser en vains efforts, par des sentiers perdus, pour échapper aux embûches de ces fugitifs, déserteurs de Dieu, guerroyant contre l’homme sous la conduite de leur prince tout ensemble lion et dragon ; autre chose, de suivre la véritable route, protégée par l’armée du souverain empereur, où n’osent marauder les transfuges de la milice céleste : car cette voie ils l’évitent comme un supplice. Et ma substance s’assimilait merveilleusement ces vérités : à la lecture du moindre de vos apôtres (I Cor. XV, 9), je considérais vos œuvres, et j’admirais (Habac. III, 2). (livre VII, chapitre 21)
Vous avez fait tous les temps, et vous êtes avant tous les temps, et il ne fut pas de temps où le temps n’était pas.
Car qu'est-ce que vous écouter lorsque vous nous parlez de nous-mêmes, sinon connaitre véritablement quels nous sommes?
afin que ... me détachant de cette multiplicité des jours dans lesquels je vivais selon le vieil homme, je me rejoigne à l'unité souveraine et oublie toutes les choses passées, non pour me porter à celles qui sont à venir et qui passeront comme ont fait les autres, mais pour m'attacher à celles qui sont devant moi et qui subsistent toujours, afin que demeurant ferme dans elles, au lieu de m'écouler avec elles je poursuive sans cesse ma course, non par une vague dissipation d'esprit, mais par une application stable
Ce qui nous autorise à affirmer que le temps est, c'est qu'il tend à n'être plus.
Je réponds à cette demande : Que faisait Dieu avant de créer le ciel et la terre ? Je réponds, non comme celui qui éluda, dit on, les assauts d’une telle question par cette plaisanterie : Dieu préparait des supplices aux sondeurs de mystères. Rire n’est pas répondre. Et je ne réponds pas ainsi. Et j’aimerais mieux confesser mon ignorance, que d’appeler la raillerie sur une demande profonde, et l’éloge sur une réponse ridicule.
Mais je dis, ô mon Dieu, que vous êtes le père de toute créature, et s’il faut entendre toute créature par ces noms du ciel et de la terre, je le déclare hautement : avant de créer le ciel et la terre, Dieu ne faisait rien. Car ce qu’il eût pu faire alors, ne saurait être que créature. Oh ! que n’ai-je la connaissance de tout ce qu’il m’importe de connaître, comme je sais que la créature n’était pas avant la création !
LIVRE XI, Chapitre XII
" (...) Tu es étonné parce que le monde touche à sa fin? Étonne-toi plutôt de le voir parvenu à un âge si avancé. Le monde est comme un homme: il nait, il grandit et il meurt. (...) Dans sa vieillesse, l'homme est donc rempli de misères, et le monde dans sa vieillesse est aussi rempli de calamités. (...) Le Christ te dit: Le monde s'en va, le monde est vieux, le monde succombe, le monde est déjà haletant de vétusté, mais ne crains rien: ta jeunesse se renouvellera comme celle de L'aigle.(...) "
La Cité de Dieu, Sermon sur la chute de Rome, extraits
Le présent du passé, c'est la mémoire; le présent du présent, c'est l'intuition directe; le présent de l'avenir, c'est l'attente.
D'impures vapeurs s'exhalaient des fangeuses convoitises de la chair, de l'effervescence de la puberté ;elles couvraient et offusquaient mon cœur
L'amitié humaine est douce aussi par les chers nœuds qui font de plusieurs âmes une seule âme
Et, il en est ainsi que toute âme déréglée trouve en elle-même son châtiment.
Qu'est-ce-que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais. Si je veux l'expliquer à qui me le demande, je ne le sais plus.
Quant à leur fabuleuse opinion qu’il y a des antipodes, c’est-à-dire des hommes dont les pieds sont opposés aux nôtres et qui habitent cette partie de la terre où le soleil se lève quand il se couche pour nous, il n’y a aucune raison d’y croire. Aussi ne l’avancent-ils sur le rapport d’aucun témoignage historique, mais sur des conjectures et des raisonnements, parce que, disent-ils, la terre étant ronde, est suspendue entre les deux côtés de la voûte céleste, la partie qui est sous nos pieds, placée dans les mêmes conditions de température, ne peut pas être sans habitants. Mais quand on montrerait que la terre est ronde, il ne s’ensuivrait pas que la partie qui nous est opposée ne fût point couverte d’eau. D’ailleurs, ne le serait-elle pas, quelle nécessité qu’elle fût habitée, puisque, d’un côté, l’Écriture ne peut mentir, et que, de l’autre, il y a trop d’absurdité à dire que les hommes aient traversé une si vaste étendue de mer pour aller peupler cette autre partie du monde.
.
Dans l’adversité, je souhaite le bonheur: dans le bonheur, j’appréhende l’adversité. Entre ces situations extrême, est-t-il un point d’équilibre où la vie humaine n’est pas une tentation?
Qu’est-ce en effet que le temps ? Qui saurait l’expliquer avec aisance et brièveté ? Qui peut en former, même en pensée, une notion suffisamment distincte, pour la traduire ensuite par des mots ? Est-il pourtant, dans nos conversations, une idée qui revienne plus familière et mieux connue que l’idée de temps ? Quand nous en parlons, nous comprenons, cela va de soi, ce que nous disons, et pareillement lorsque c’est un autre qui en parle.
Qu’est-ce donc que le temps ? Quand personne ne me le demande, je le sais ; dès qu’il s’agit de l’expliquer, je ne le sais plus . Cependant — j’ose l’affirmer hardiment — je sais que, si rien ne passait, il n’y aurait point de temps passé ; que si rien n’arrivait, il n’y aurait point de temps à venir ; que si rien n’était, il n’y aurait point de temps présent.