"Bagdad, c'est une ville qui produit des poètes, depuis des siècles. Ce n'est pas par hasard si on a des poètes qui ont bouleversé la poésie arabe."
Salah al Hamdani, qui a notamment publié deux recueils aux Éditions Bruno Doucey, évoque son rapport à son pays d'origine et à l'écriture poétique dans cette conférence menée à l'Université permanente de Nantes. Il revient notamment sur la genèse du livre "Bagdad-Jérusalem, à la lisière de l'incendie", écrit avec le poète israélien Ronny Someck et publié en 2012 aux Éditions Bruno Doucey.
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Réalisation © Thibault Grasset.
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Je suis né sous un grand ciel saccagé
et aujourd'hui
de loin
ma nostalgie se lève face à la soif de la terre.
Pour sécher son amertume
je l'étends sur une chaise
et j'écoute son squelette craquer
comme un vieux pont
qui ne supporte plus le trot des troupeaux.
Ma nuit est de sable sur une table de verre.
J’ai sur moi l’odeur de l’exil
ma demeure d’argile est bien-là
sans jardin,
sans forêt ni palmier.
Mon ciel est un fleuve inversé
et mes mots naviguent
au-dessus d’un pays lointain
où les hommes cherchent la direction du jour.
Je courais pendant toutes ces nuits
jusqu’à museler les sentiments et presser le nuage
Cela apaisa mon esprit.
Ma vie, béante, livrée aux vagues sans retour, encore ?
Et ta vie à toi
de quoi rêvait-elle ?
Parfois je déambule dans une ville
dont les habitants ne voyagent pas
une ville sans limites
sans désir
sans rêve
Pour elle, mes traits se dessinent
et s'effacent
comme ces fleurs fanées
déposées plus haut que la solitude du lit de l'exil.
Puis je m'assieds
pour la contempler à satiété jusqu'aux larmes.
Je suis venu d'îles sans ciel
Cernées par des sables
Des pas, des traces de guerriers
Et des bateaux qui se noient...
N'oubliez pas de fermer
derrière vos jours,
les volets de vos amours
de plier le jardin
d'arracher les saisons
de sillonner le ciel
de tirer sur la lune
de bousculer les étoiles
Puis une fois arrivés au pays
prenez tout
et oubliez-moi.
("Bagdad mon amour")
Méditations :
"Prends la parole
comme tu respires
et enjambe ton existence"
Comme dans un rêve sombre
Comme un chien au loin
la nuit aboie
Sa voix traverse les marais de l’enfance
J’ai oublié mon visage
l’écho des puits desséchés
la lune de ma mère sacrifiée à la guerre
ainsi que la brûlure de ma langue
Derrière les cavités profondes de la pierre
je pouvais voir le squelette de mon père
sa bouche maladroitement sculptée dans l’argile
comme une plaie dans l’hiver
A bout de souffle :
[...]
Ici, pendant la nuit
image par image
les années s'effacent
se voilent
plongent entre les rides du miroir
[...]
Nuage après nuage
le soleil s’éteint
Guerre après guerre
l'homme se désamorce
Feuille après feuille
l'arbre tombe
Pain quotidien :
"Avec la parole imaginée de l'autre
les restes empilés
de cette vie de carte postale
et le poème manquant
dis-moi comment reconstruire une patrie"