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Critiques de Salvador Espriu (3)
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La Peau de taureau

[Encore un vieux billet deterre des trefonds de mon ordi. C'est Espriu, un grand parmi les grands, qui merite certainement une nouvelle entorse a mes vieilles et stupides decisions.]



C'etaient les glorieuses annees 60 de ma prime jeunesse. En Espagne Franco souriait au journalistes et aux investisseurs etrangers, la matraque bien dissimulee derriere le dos, et essayait d'embobiner ceux qui n'avaient pas vecu sa sanglante croisade, avec de grandes pancartes collees a tous les murs: "25 anos de paz!" (= 25 ans de paix!). Nous, en reponse, nous esquissions un bras d'honneur a chaque pancarte (fatigant, a la fin!), supportions bruyemment au foot l'Athletic de Bilbao ("A la bin, A la ban, A la bin bon bam, l'Alleti, l'Alleti, y nadie mas!") parce que les basques etaient supposes d'automatiques adversaires au regime, et essayions de nous procurer les livres de Ruedo Iberico, une maison d'edition qui, de Paris, publiait ce qui etait interdit dans la peninsule. "La pell de brau", "La peau de taureau" de Salvador Espriu, etait de ceux-la. Lu en cachette, range alors entre de vieilles chemises, et aujourd'hui, libere, siegeant entre ses pairs dans ma bibliotheque.



La peau de taureau, mise a secher, etiree entre des clous, est l'image plastique de l'Espagne. Pour Espriu c'est aussi la peau, tannee, fixee sur un support de bois ou de ceramique pour faire tambour, sur laquelle on tape de grands coups.



Sur cette peau de taureau vit un peuple en exil dans son propre pays, qu'il denommera donc Sefarad, le nom mythique donne a l'Espagne par ses exiles forces non moins mythiques, les juifs. Ce nom contiendra le souvenir de toutes les exactions, de toutes les injustices, de tous les malheurs, mais aussi sera le porteur de tous les espoirs.



Mais qu'est-ce-que le livre? Un long poeme. Un cri. Fort. Incantatoire. Ressassant a l'envi la detresse, la souffrance, mais aussi le reconfort moral de savoir qu'a force d'endurance, de tenacite, viendra un meilleur avenir. Ce n'est surtout pas un cri de peur. Espriu est de ceux qui ont aide a surmonter, a vaincre la peur, en l'Espagne des annees 60.



Place a sa parole. Mon exemplaire etant le bilingue catalan–espagnol publie par Ruedo Iberico, je m'aventure a traduire moi-meme. Soyez indulgents.



II.

Eres extendida piel de toro,

Vieja Sepharad.

El sol no puede secar,

Piel de toro,

La sangre que todos hemos vertido,

La que vertiremos manana,

Piel de toro.

Si miro sobre el mar,

Si me pierdo a lo lejos en el canto,

Si me adentro en el sueno,

Siempre que me atrevo a mirar

Hacia mi corazon y hacia su espanto,

Veo la extendida piel de toro,

Vieja Sepharad.



II.

Tu es une peau de toreau etalee,

Vieille Sepharad.

Le soleil ne peut secher,

Peau de toreau,

Le sang que nous avons tous verse,

Celui que nous verserons demain,

Peau de toreau.

Si je regarde vers la mer,

Si je me perds au loin dans le chant,

Si je m'enfonce dans le reve,

Chaque fois que j'ose regarder

Vers mon coeur et vers son effroi,

Je vois l'etendue peau de toreau,

Vieille Sepharad.



XLVI.

A veces es necesario y forzoso

Que un hombre muera por un pueblo,

Pero nunca ha de morir todo un pueblo

Por un hombre solo:

Recuerda siempre esto, Sepharad.



Que la lluvia caiga poco a poco en los sembrados

Y el aire pase como una mano extendida,

Suave y benigna sobre los anchos campos.

Que Sepharad viva eternamente en el orden y en la paz, en el trabajo,

En la dificil y merecida

Libertad.



XLVI.

Il est des fois necessaire et force

Qu'un homme meure pour un peuple,

Mais jamais ne doit mourir tout un peuple

Pour un seul homme:

Rappelle toi ceci toujours , Sepharad.



Que la pluie tombe peu a peu sur les semailles

Et l'air passe comme une main etendue,

Douce et benigne sur les larges champs.

Que Sepharad vive eternellement dans l'ordre et dans la paix, dans le travail,

Dans la difficile et meritee

Liberte.



XXV.

Diremos la verdad, sin reposo,

Por el honor de servir, bajo los pies de todos.

Detestamos los enormes vientres, las grandes palabras,

La indecente ostentacion del oro,

Las cartas mal repartidas de la suerte,

El humo espeso del incienso al rico.

Ahora es vil el pueblo de senores,

Se agacha en su odio como un perro,

Ladra desde lejos, mas de cerca soporta el baston

Y, adentrandose en el barro, sigue caminos de muerte.

Con la cancion construimos en la obscuridad

Altas paredes de sueno, al abrigo de esta ventisca.

Llega por la noche rumor de muchas fuentes:

Vamos cerrando puertas al espanto.



XXV.

Nous dirons la verite, sans repos,

Pour l'honneur de servir, sous les pieds de tous.

Nous detestons les enormes ventres, les grandes paroles,

L'indecente ostentation de l'or,

Les cartes mal distribuees de la chance,

La fumee epaisse de l'encens au riche.

Le peuple de seigneurs est vil maintenant,

Il s'abaisse dans sa haine comme un chien,

Il aboie de loin, mais de pres supporte le baton

Et, s'enfoncant dans la boue, suit des chemins de mort.

Avec la chanson nous construisons dans l'obscurite

De hauts murs de reve, a l'abri de cette tempete.

De nuit arrive la rumeur de nombreuses sources:

Nous sommes en train de fermer des portes a la peur.







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Primera Historia d Esther - Antigona

Il n'y a pas dans la base de données de Babelio l'édition des trois pièces inspirées de l'antique du poète Salvador Espriu, "Antigona", "Fedra", "Una altra Fedra, si us plau", publiée par les Edicions 62 et la collection La Butxaca, à Barcelone en 2014. C'est la première oeuvre catalane que je mentionne ici.



Cette Antigone a été rédigée en mars 1939, à savoir à la pire époque de l'histoire de la Catalogne, au moment même où Franco déclarait les Catalans collectivement vaincus dans la guerre civile et interdisait leur langue. L'analogie avec la guerre civile de Thèbes entre les frères ennemis fils d'Oedipe, Etéocle et Polinice, s'imposait naturellement, ce qui explique l'inclusion dans l'Antigone d'Espriu de la pièce antique "Les Sept contre Thèbes", qu'il reprend dans l'acte I de sa réécriture. Viennent ensuite, aux actes II et III, l'intrigue propre d'Antigone, mais cette dernière ne semble pas occuper le devant de la scène dans son face à face avec Créon, à la différence de Sophocle. Elle fait son devoir sans discours, le domaine du discours étant réservé aux hommes, guerriers, conseillers et tyran. Antigone sort presque sans un mot vers sa mort (sa dernière tirade est le contraire exact de celle que Sophocle lui prête), et l'épisode du conflit d'Hémon, son amant, avec Créon, disparaît. Plus important encore, Créon le tyran reste sur scène, entouré de ses conseillers, triomphant, et non écrasé par la destinée comme dans le texte grec.



Il serait intéressant de comparer cette version catalane de 1939 à la réécriture d'Anouilh de 1944, créée en pleine occupation allemande. L'Antigone catalane est plus sobre que la française, ni ne se laisse aller à des révoltes adolescentes sans objet. Créon, dans les deux cas, triomphe, et échappe à la solitude atroce que Sophocle lui réservait, en punition de son hubris et de sa tyrannie. Il faut dire que les dieux et la morale "non écrite" qu'ils garantissent, sont totalement absents. Sans eux, la raison du plus fort est toujours la meilleure.
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La Peau de taureau

A rééditer, ce recueil du plus grand poète catalan d'aujourd'hui. L'évocation des peuples de la péninsule, "sefarad", à travers l'histoire des juifs en exil.....
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Je suis un écrivain, un diplomate et homme politique camerounais, né le 14 septembre 1929 à Ngoulemakong, près de Ebolowa (Cameroun) et mort le 10 juin 2010 à Yaoundé à l'âge de 80 ans. Je suis l'auteur des livres : Une vie de boy et Le vieux nègre et la médaille, publiés en 1956.

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