Le Docteur Sam Braun, déporté à 16 ans, avec ses parentset sa petite sur, lui seul est revenu. Il a accordé une interview en vidéo à M.E.R. Voici les premières images de ce DVD. Suffisant pour se rendre compte la formidable leçon d'espoir en l'humanité que Sam Braun a retiré de sa douloureuse expérience.
" Témoigner n'est pas seulement apporter une preuve de ce qu'il s'est passé. C'est aussi honorer une dette vis-à-vis des morts. C'est encore s'adresser aux vivants. C'est peut-être surtout tenter de restaurer sa propre identité, maîtriser par le langage une expérience extrême, au risque de la revivre et de s'y engloutir. "
Mes repas imaginaires arrivaient à soulager provisoirement cette sensation douloureuse. C'est étonnant, car la faim est une tenaille qui vous tord l'estomac , c'est une pieuvre qui vous dévore de l'intérieur.
Les bourreaux que nous avons connus étaient des hommes ordinaires, ils n'étaient pas des fous, mêmes s'ils ont commis les plus impardonnables folies. Ils étaient des êtres ordinaires comme je le suis, comme nous le sommes tous, et, à ce titre, nous pouvons tous dans certaines circonstances, devenir des bourreaux si nous refusons de nous remettre en permanence en question. Voilà ce que nous devons montrer aux jeunes afin qu'ils se méfient d'abord d'eux-mêmes. La barbarie n'est pas l'apanage de l'autre.
Il y a soixante cinq ans se sont ouvertes, enfin, les portes d’un enfer où tant de compagnons sont morts après d’atroces souffrances, morts sans sépulture, morts que personne ne pleure car personne ne leur a survécu…
Là-bas, tu sais, nous étions tous les mêmes ! Nous avions tous tellement faim que nous marchions courbés comme des vieillards pour comprimer nos corps qui nous faisaient souffrir ; nous avions tous tellement froid avec nos vêtements légers de bagnard, que le vent qui soufflait tout le temps, nous glaçait jusqu’aux os ; nous avions tous tellement peur de la bestialité des SS et des kapos pour qui nous n’étions que des « stucks », des morceaux, que des sous-hommes, des « untermunshen », avec comme destin commun, celui de mourir après deux mois de ce régime innommable, ou de périr asphyxiés par le Zyclon B, dans une de leurs chambres à gaz.
Là-bas, tu sais, nous étions tous les mêmes ! Nous avons tous vu des corps souffrir, nous avons vu des corps mourir… »
Souvent, les enfants des écoles me demandent ce qui m'a permis de vivre à Buna, ou plutôt de survivre. Je réponds alors qu'en ce qui me concerne, j'identifie trois facteurs. (...) la chance (...) l'imaginaire (...). Enfin l'espérance, qu'il ne faut pas confondre avec l'espoir. L'espoir c'est à court terme : on a l'espoir de bien manger quand on a faim, de bien dormir quand on a sommeil. Alors que l'espérance, c'est autre chose. Un philosophe a dit que l’espérance est au féminin, tandis que c'espoir est masculin, et, étant au féminin, elle est capable de créer une heure de plis, comme une femme est capable de donner la vie. L'heure ainsi gagnée s'ajoute à une autre heure et toutes ces heures finissent par faire des jours, ces jours des semaines et ces semaines des mois. Au camp, jamais cette espérance ne m'a quitté.
Si l'on ne devait pardonner que le pardonnable, on n'aurait aucun mérite, on serait même dans une espèce de transaction qui n'a rien à voir avec le pardon. Oui, il y a des actes impardonnables et ce sont justement ceux-là qui méritent d'être pardonnés
Comment devient-on un Juste ? En prenant conscience qu'on est un homme, tout simplement. Cette beauté merveilleuse de se sentir un homme. Être un homme, pas un héros.
Je dis toujours, en parlant de mon père, qu'il avait une telle fascination pour la France qu'il avait surement le sentiment que ses ancêtres avaient bâti Versailles !
Comment devient-on un Juste? En prenant conscience qu'on est un homme, tout simplement. Cette beauté merveilleuse de se sentir un homme. Être un homme, pas un héros
[le] "devoir de mémoire", c'est de rester enfermé dans un ressassement sans fin du passé le plus cruel [...] Le "travail de mémoire", en revanche, est tout autre chose; il est davantage tourné vers le futur. Il ne ressasse donc pas le passé tout en l'explorant. Il refuse la victimisation pour s'orienter vers l'enseignement de ce que nous avons appris là-bas sur les hommes et sur leurs possibles faiblesses. [p.98]