Sam Miller - La cité de l'orque
L'argent est un esprit. La plus ancienne des intelligences artificielles. Ses directives premières sont simples, sa programmation témoigne d'une créativité inépuisable. Les humains lui obéissent sans réfléchir, avec un empressement jovial. L'argent, tel un virus, se soucie peu de tuer son hôte. Il se fraiera un chemin vers l'hôte suivant, dont il prendra le contrôle.
Nous n’aurions pas dû être de ce monde. Nous étions la preuve vivante que des crimes horribles avaient été commis par quelqu’un qui, habilement, avait su réveiller les passions meurtrières d’une bande d’intégristes armés jusqu’aux dents. Nous étions une abomination, leur racontait-il, une insulte à la loi divine, qui dit que l’humanité doit avoir le pas sur les animaux. Ces crétins, bien sûr, ne furent que trop heureux de gober ça, trop heureux de faire porter le chapeau à un groupe d’individus qui avaient le malheur d’être différents et qui ne voulaient qu’une chose : qu’on leur fiche la paix. Des siècles plus tôt, ç’avait été les immigrés, les Noirs. Il y avait toujours des boucs émissaires. C’était sur ces fondations que ce pays s’était construit, Je t’ai tout pris, et maintenant, je t’explique que c’est de la faute de ton voisin, car il n’a pas la même tête que toi.
Plus personne ne voulait investir dans le marché new-yorkais. Les banques se défilaient. Les investisseurs étrangers se volatilisaient. Soudain, le placement capitaliste le plus sûr était fragilisé. (pp.194-195)
Tu viens d'arriver ici. Tu es submergé, effaré. N'aie pas peur.
Ferme les yeux. Je suis là.
Pince-toi bien le nez. L'odeur d'ici n'est pas celle de ta ville. Tends l'oreille, en revanche : toutes les villes produisent ce chaos sonore. Avec un peu de patience, tu finiras même par entendre ta langue.
Il n'y a pas de plan ici. Tu n'as pas besoin de plan. Tu n'as pas besoin de mode d'emploi. Seulement de récits. Raison de ma présence.
Accepter une longue mission, c’est reconnaître qu’on est vieux, sans espoir, sans amarres – prêt à accepter un salaire de merde, lequel vous donne aussi droit à un hamac et à trois bols de ragoût de viande de houle par jour.
Ce qui se disait : elle était venue à Qaanaaq dans une embarcation que tirait une orque harnachée à la manière d’un cheval. Dans ces récits qui, dans les jours et les semaines qui suivirent son arrivée, se firent de plus en plus riches d’incroyables détails, l’ours blanc cheminait à son côté sur le pont du bateau éclaboussé de sang.
Si le XXe siècle a été marqué par des idéologies guerrières, si le suivant a vu combattre les langages informatiques, notre époque se détermine par le conflit entre deux approches différentes de la gestion des villes océaniques. (p.44)
La vie est beaucoup plus facile à vivre lorsque vous reconnaissez que votre ignorance dépassera toujours votre savoir de quelques longueurs.
- La frontière est plus que floue entre les affaires et les crimes de guerre.
- C'est ce qu'on gravera sur la tombe du capitalisme.
Ne parlez pas du passé ici. Ne demandez pas à vos voisins la raison pour laquelle ils ont quitté leur pays, quel qu'il soit; ne vous attendez pas à ce que vos nouveaux amis s'attendrissent, nostalgiques, sur des foyers qui ne sont plus. Le passé signifie peut-être pour vous plus que la souffrance, n'imaginez pas cependant que tous aient cette conception.