Pour la première fois depuis un an je sentais que l’on avait besoin de moi. Et ce sentiment me réchauffait le cœur.
« C’est le chef-d’œuvre de Vermeer, La Laitière. »
Même pour quelqu’un qui, comme moi, n’avait aucune connaissance particulière en art mis à part ce que j’avais appris dans un cours d’histoire de l’art il y a des années, au tout début de mon diplôme de sciences, le tableau était reconnaissable au premier coup d’œil. Il représentait une femme bien en chair portant une robe rouge, un tablier bleu et un chemisier jaune, les cheveux recouverts d’une coiffe blanche, en train de verser du lait dans un pot de faïence émaillée posé sur une table poussée vers une fenêtre. Le réalisme du tableau pouvait presque le faire passer pour une photographie.
La seule chose pire qu’avoir ses propres enfants c’est de devoir élever ceux des autres. Absolument pas. C’est le bon côté de la ménopause. Tout le monde cesse de vous demander quand vous allez vous décider à procréer, comme si c’était la seule chose à laquelle une femme puisse aspirer.
Nous trouverons. Regarde les choses du bon côté.
Vous êtes scientifique. Tout doit être raisonnable et logique.
« Ce n’est pas trouver le coupable qui est le plus important. C’est plutôt l’intrigue liée au crime. Et ce crime-ci est intriguant. Je pense que les deux jumeaux Lin étaient la cible du crime. La manière de les tuer tous les deux est très créative, même si l’exécution du plan laisse un peu à désirer. »
Tout ce que je sais c’est que cette femme était déjà morte quand l’explosion s’est produite, et probablement pas de mort naturelle. C’est une hypothèse. Une autre est que l’explosion n’est pas due à un accident. Maintenant il nous faut trouver des preuves pour confirmer ou infirmer.
Je trouve que ces gens qui ne s’occupent que des morts ont parfois tendance à oublier qu’ils ont été vivants, et cela obscurcit leur jugement.
« Mon cerveau est mon outil le plus précieux. En tant que docteur tu gardes toujours tes instruments en excellent état. Je dois faire la même chose. Et tu devrais en faire autant car dans ta profession ton cerveau est aussi important que ton scalpel. »
Mon corps était une combinaison de confusion, de colère et de la torpeur qui résulte de n’être pas encore complètement éveillée.
Je ne pouvais plus être chirurgienne. Ma main n’était plus assez sûre. Même si je pensais que tout irait bien, je ne trouverais jamais une compagnie d’assurance qui accepte de me couvrir. J’avais sombré dans une dépression profonde, un trou noir dont je ne trouvais pas la sortie. D’ailleurs je n’avais pas vraiment fait beaucoup d’efforts pour en sortir.
Après tout quelle importance ? Quelle importance qu’il ait été saoul, drogué ou parfaitement sobre ? Ça ne changeait rien au résultat. Je ne serais jamais chirurgienne. En fait, je ne serais même probablement jamais docteur. Bien-sûr, je pourrais toujours travailler comme généraliste. Je pourrais rédiger des arrêts de travail pour des gens dont le nez coule. Je pourrais ordonner des analyses de sang avant d’envoyer des malades consulter le genre de docteur que j’avais voulu devenir. Ce n’était pas ce que je désirais. Ce n’était pas censé être la vie que je vivrais.