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Critiques de Samouïl Ascott (1)
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(x) Fois

« (x) fois » est un roman de l’Irlandais Samouïl Ascott, « (a number) times », traduit par Coline Lapierre (2019, Editions Od, 136 p.).

Cependant, avant de le lire et d’en faire la critique, il me paraît important de lire « Une fois (et peut-être une autre) » petit livre écrit par l’écrivain grec Kostis Maloùtas, traduit par Nicolas Pallier (2019, Editions Do, 140 p.).

www.babelio.com/livres/Maloutas-Une-fois-et-peut-etre-une-autre/1154667



Une fois, ces conseils formulés, on peut attaquer ce livre écrit à plusieurs mains, quatre voire huit. Ce qui aurait pu passer pour un livre magique, ou sacré, indien écrit par Vishnu, le dieu de la paix comme l’a qualifié Pierre Dac. Donc, le présent ouvrage de Samouil Ascott (1943-2013) est un premier roman d’un auteur irlandais, critiqué dans « The Dublin Times » comme étant un « un roman dont le souffle ne s’épuise pas à l’intérieur de ses quelques pages ». En vérité le rabat de couverture fournit une biographie plus complète de l’auteur. Né à Cork d’un père commerçant, Gerald, et d’une mère sage-femme, Catherine Nikolaïeva, puis études à University College, Dublin. Mort de Dylan, son frère jumeau en 1989. Un premier roman publié sous le pseudonyme transparent de Scott A. Smaïlous « Rivers in Reverse » (Rivières à l’envers, 1993) et « Brainsquirt » (Jus de Cerveau, 1999), qui lui vaudra « les commentaires enthousiastes de certains de ses plus grands confrères irlandais ». Mais on se garde de dire lesquels. Les grands auteurs, tout comme les grandes douleurs, sont anonymes. C’est bien connu. Il n’y a que ma grande sœur qui me soit homonyme.

Tout commence comme par un préambule, cela va de soi, l’auteur nous met en garde, en même temps qu’il se protège des possibles interprétations erronées. « Une des caractéristiques les plus fascinantes de la réalité est son imprévisibilité, y compris lorsqu’elle opère avec la plus attendue simplicité — quoiqu’il soit permis de voir dans ces cas-là l’essence même de sa magie ». Attaquons donc la réalité, et fustigeons la magie et ses mages, fussent-ils faux et d’Irlande, toujours en référence à Pierre Dac.

Le même critique irlandais, cité par les Editions Do qui ont le copyright du livre, indique que « Le livre (x) fois est un œuf qui renferme un œuf qui renferme un œuf. Une femme enceinte d’un enfant qui porte un enfant qui porte un enfant. Une photocopie légèrement déformée, une image stéréoscopique à travers les yeux d’un appareil photo astigmate ». On peut imaginer, en ces temps de centenaire de la publication de « Ulysse » de James Joyce, une Molly, ou pire une Lucia, enceinte. Celle-ci, fille adorée de James, fabuleuse danseuse élève de Elisabeth Duncan, et familière de la bande des Duncan à Paris, avec Alexander Calder. Fille dont Annabel Abbs, en mal de notoriété, a voulu nous faire croire à un inceste avec James qui aurait précipité la semi-folie de Lucia. Lire « La Fille de Joyce » traduit par Anne-Carole Grillot (2021, Editions Hervé Chopin, 416 p.). Le tout argumenté sur une méchante contrepèterie sur « insect » et « incest » faite par un Carl Jung débutant à Zurich, auquel Joyce a soumis sa fille. Heureusement, la bibliographie, plus sérieuse et moins romancée de Brenda Maddox « Nora. La Vérité sur les rapports de Nora et de James Joyce », traduit par Marianne Véron (1990, Albin Michel, 566 p.), ainsi que celle de Carol Loeb Shloss, « Lucia Joyce : To dance in the Wake » (2003, Farrar Straus Giroux, 576 p.) illustrent très bien les relations à l’intérieur de la famille et remettent les choses à leur place.

Bon, reprenons, après avoir esquivé la tendance « porno soft » ou « littérato-choc » qui ne sont généralement pas l’apanage des Editions Od. Ce serait plutôt à mon avis une tendance « littérato-recherchée » que celle des Editions Do.

Le préambule, toujours, cite deux auteurs, l’un Allemand, Wim Wertmayer, et un autre, Julio Olivera. Et, comme c‘est un préambule, il met en garde contre des « événements qui survinrent à la fin du siècle dernier » qui seraient, toujours selon le préambule, « le produit d’un cerveau dérangé, et non pour une version plausible de la réalité ». Au préambule, on pourra ajouter ce diverticule « Il conviendra peut-être de se souvenir qu’avant de s’appeler les éditions Do, les éditions Do ont bien failli s’appeler les Editions de l’Imposture »

Bref, si après ces précautions écrivatoires, le lecteur s’avance dans le texte, c’est à ses risques et en toute méconnaissance de cause.

Donc deux auteurs, dont l’un allemand, est abondamment cité dans un ouvrage récent édité chez Weißwald, et repris dans « Une fois (et peut-être une autre) » petit livre écrit par l’écrivain grec Kostis Maloùtas, et traduit par Nicolas Pallier (2019, Editions Do, 140 p.), d’un ouvrage paru plus tôt en grec « Mια Φορά (Kαι Iσως Aλλη Mια), soit (une fois (et peut-être une autre)) premier ouvrage de cet auteur (2015, Ekati, 112 p.).

Le second auteur Julio Olivera est plus difficile à cerner. Il pourrait s’agir d’un parent du célèbre Horacio Oliveira, personnage principal de « Marelle » de Julio Cortàzar, au titre originel « Rayuela » traduit par Laure Guille Bataillon et Françoise Rosset (1979, L’imaginaire, 602 p.). Mais au fond, le scénario importe peu. Horacio Oliveira est un Argentin vivant à Paris, qui entretient une liaison avec la Sibylle, une Uruguayenne moins cultivée que lui mais charmante et sensible. Horacio fréquente aussi un groupe d'amis, le « Club », qui se réunit et parle littérature, art et musique. Rocamadour, le fis de la Sibylle est malade. Il meurt lors d'une nuit de discussions du Club. Par la suite, la Sybille disparaît et Horacio revient en Argentine où il retrouve un ami Traveler et sa fiancée, Talita. Des liens troubles se nouent bientôt alors que raison d'Horacio vacille.

Livre quelque peu provocateur qui comme le suggère Cortàzar « Le roman qui nous intéresse n'est pas celui qui place les personnages dans une situation, mais qui installe la situation dans les personnages. Ils cessent d'être des personnages pour devenir des personnes. Ils sautent vers nous ». Provocation du lecteur, critique du langage et enfin « Oliveira, le personnage de Marelle, se demande si notre civilisation n'est pas partie sur une erreur, dès le début, si elle ne souffre pas d'une hypertrophie de l'intelligence au détriment de la sensibilité, sacrifiée depuis Aristote. Il voudrait revenir en arrière. Donc, il en arrive à conclure qu'il faut détruire l'intelligence ».

L’intérêt du livre est surtout dans son mode de lecture qui peut se faire de façon aléatoire suivant ses 155 chapitres avec en prime des articles de presse, d’autres passages de livres et des textes attribués à l’écrivain Morelli. « Je me demande, quant à moi, si je parviendrai une bonne fois à faire comprendre que le véritable et l'unique personnage qui m'intéresse c'est le lecteur, dans la mesure où un peu de ce que j'écris devrait contribuer à le modifier, à le faire changer de position, à le dépayser, à l'aliéner ».

Pour en revenir à l’ouvrage en cause « Le 7 novembre 1999, Wim Wertmayer fit publier son roman, une œuvre dont il avait entamé l’écriture une dizaine d’années plus tôt ». Le tout auprès de la jeune maison d’édition Weißwald. Peu de précision sur le pays ou même la ville, ou tout autre renseignement géographique. « Le personnage principal du roman ne s’appelait pas Omar. Ni Jean-Paul. Ni Nwanko. Ni Daisuke ». Cela restreint les confusions et les procès à venir pour plagiat. Non c’est simplement « le Sec ». Un pseudonyme sûrement, comme ceux des autres protagonistes, mais facile à retenir, à moquer avec son profil de saucisson.

Quoiqu’il en soit, le roman de Samouïl Ascott narre sommairement la vie de ce « Le Sec ». Vie sans traits extraordinaires. « Il était né un dimanche, jour de détente, deuxième d’une fratrie de trois enfants. La pluie tombait à verse ce soir-là, et les membres de la famille s’annonçaient à grand floc, tout aussi ravis, sous leurs pardessus ruisselants, de célébrer la naissance que d’échapper aux gouttes ». Personnage qui a fait toutes sortes de métiers (serveur, agent d’entretien, colleur d’affiches, distributeur de prospectus, etc) et finira même en vendeur en librairie. La déchéance en quelque sorte. Marié, sans enfants, il mourut « presque seul à l’âge de cinquante-quatre ans ». La fratrie compte également deux sœurs « la Grande et la Petite ». Elles lui offrent « un pull rayé » pour son anniversaire, ce qui est signe d’une bonne entente familiale.

Il parait intéressant, à ce stade, de s’attarder sur la lecture du roman de Wim Wertmayer, telle qu’elle et rapportée dans les deux livres « (x) fois » et « une fois (et peut-être une autre) ». Bien sûr, il est question de la parution du même livre à la même date par le même auteur. Quelques différences de détail dans la syntaxe. Par exemple « cadet d’une fratrie » dans un cas contre « deuxième d’une fratrie » dans l’autre. Cela introduit une hiérarchie qui n’était pas dans l’original. De même les prénoms suggérés de l’un « Youri. Enrique ; Abébé ; Daisuke » ne correspondent pas à ceux de l’autre « Omar ; Jean-Paul ; Nwanko ; Daisuke ». Là encore, on ne peut faire de reproche à un quelconque problème de traducteur. Il est trop facile pour l’éditeur de lui faire porter un chapeau.

Ce sont de petits détails. Mais ils mettent cependant à mal l’hypothèse du singe dactylographe, suggestion formulée par Jorge Luis Borges, qui aurait abouti, non pas à retranscrire « Hamlet » mais le livre de Wim Westmayer. A moins que ce dernier ne soit effectivement le singe savant, ou hypothèse plus vraisemblable étant donné l’origine uruguayenne des deux auteurs incriminés Joaquín Chiellini et Julio Olivera et leur proximité géographique avec l’auteur de « La Bibliothèque de Babel ». Ce point de discussion manque cruellement dans les analyses qu’en font par la suite les deux lecteurs, Guillermo Hurtado et Joachim Bischel. Et de même l’analyse littéraire qu’en fait la revue « Keilförmig » ne lève pas le lièvre dans son dossier central « Double affaire d’homographie ». Et pourtant les journalistes envisagent le fait en sous-titrant « Il se pourrait bien que le singe sur sa machine, parvienne à taper Shakespeare ». Si cela devait se vérifier, le métier d’éditeur pourrait rapidement converger vers le dressage de singes. Imagine-t-on les participants du déjeuner chez Drouant effectuer une sélection sur près de 600 titres tous identiques ou presque.

De même, les versions décrivant Joaquin Chiellini et Julio Olivera dans leurs nouveaux locaux divergent. « Joaquín Chiellini était assis à son bureau dans son nouvel appartement, promenant par la fenêtre un regard distrait sur le jardin botanique. Une pile de feuilles blanches était posée devant lui, à côté d’une autre, nettement moins épaisse, constituée de notes qui ne lui serviraient sans doute jamais. L’ordinateur portable se trouvait à portée de main, mais l’écran demeurait éteint ». Dans un cas, opposé à « Julio Olivera était assis dans la véranda de son nouvel appartement, regardant le jardin botanique d’un œil distrait. Une pile de feuilles blanches reposait sur la table, à côté d’une autre, moins volumineuse, rassemblant des notes qu’il ne relirait sans doute jamais. L’ordinateur portable était à portée de mouvement, mais l’écran affichait un fond noir ». On observe donc « véranda » contre « bureau » et « ordinateur en veille » contre « ordinateur éteint ». C’est du télé-travail opposé à du farniente. A moins que ce ne soit un artefact oulipien de décalage, non pas dans un espace de lettres où un caractère (n) est remplacé par son suivant (n±p), mais un décalage temporel de (jour_de_travail) à (jour_férié).

Le roman se termine sur l’entrée en scène de Lamkos Tautossi, de retour à Toronto, également de retour d’un long séjour dans « les villages reculés de la chaîne des Maloutis au Lesotho, où le vent, le givre et les tempêtes constituaient une réalité quotidienne ». On pourra mettre le double « s » de l’un sur le compte d’une allitération. A moins que cela ne soit une « tautochose », forme francisée des « mêmes » de Richard Dawkins ou « élément de langage reconnaissable et transmis par répétition d'un individu à d'autres » tel qu’il a pu en définir la théorie dans « Le Gène Egoïste » traduit par Laura Ovion (1976, Odile Jacob, 200 p.). Théorie, ou « mêmétique » qui explique pourquoi les taxis des grandes villes sont jaunes à l’instar de ceux de New York. Par contre, elle n’explique pas pourquoi « la nuit, tous les chats sont gris ».

Ceci dit, en passant, on voit mal comment la chaîne des Maloutis au Lesotho, interfère avec Kostis Maloutas. Et je suis, malheureusement pas assez avancé en grammaire grecque pour conclure. Par contre, on pourra constater que Kostis Maloutas est l’anagramme de Samouïl Ascott, ou l’inverse, et ceci à une lettre près (un « c » au lieu d’un « k »). Anagramme ou contrepèterie, il faudrait demander à la Comtesse. Elle seule saurait différencier la philanthropie d’une affection banale. Demander l’avis d’un expert littérateur ne me semble pas opportun, voire à un prote, qui ne fait pas de différence entre une couverture portant le nom des « Editions Do » avec une autre au nom des « Editions Od ». Hélas, comme dans beaucoup de situations analogues, tout fout le camp.



En conclusion, il est intéressant de voir la littérature se rapprocher de la musique de façon inattendue. Dans un cas on est passé des morceaux en solo, duo ou orchestre avec des morceaux, pour piano par exemple à deux ou quatre mains, voire même une seule, gauche ou droite. Changeant de clavier, on pourrait envisager des romans eux aussi écrits à plusieurs voix, ou n’utilisant que certaines voyelles ou consonnes. Il y en a bien qui ont décidé de supprimer les ponctuations. D’autres variations sont possibles, comme dans « L’Art de la Fugue », à ajouter des mots ou des phrases comme dans « L’Aleph Engordado » de Pablo Katchadjian (2009, Imprenta Argentina de Poesia AIP, 18 p.). Ou à l’opposé en en retranchant comme le livre de Jonathan Safran Foer «Tree of Codes» (2014, Visual Editions, London, 139 p.). Le livre est tiré de la nouvelle de Bruno Schultz «The Street of Crocodiles» (1992, Penguin, 160 p.) et Jonathan Safran Foer retranche des mots, d’où des trous (des vides) dans le livre.



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