Sangatte, Calais, Lampedusa, tous ces noms nous sont plus ou moins familiers. Mais à quoi renvoient-ils exactement ? Espaces de "non-lieux", ces camps de migrants, autrement appelés "jungles" sont autant de no man's land où en dépit de tous soupçons, la subsistance y est ultra-organisée : en effet, à moins d'y avoir travaillé ou de s'y être rendu, peu d'entre nous sommes capables d'imaginer la façon dont ces espaces de (sur)vie ont été appropriés. Une actualité en chassant une autre, il est vrai que nous entendons de nos jours (2019) moins parler de ce que les politiciens et médias ont arbitrairement désigné la "crise des migrants". Pour autant, les migrants continuent d'affluer en Europe dans l'espoir de trouver un avenir meilleur. En attendant, ils n'ont d'autre choix que d'investir au mieux ces camps (de nos jours démantelés) où bon gré, mal gré, une véritable société avec ses codes et ses règles, s'est créée dans la société. Ainsi, cet ouvrage protéiforme qui s'intéresse aux problématiques des populations migrantes installées dans les camps s'inscrit dans une démarche à la fois scientifique, technique et artistique : chaque collaborateur à l'ouvrage s'est appliqué par le biais de son domaine de spécialisation à construire un espace de réflexion commun dans le but d'encourager l'émergence de nouveaux axes de discussion. Et justement parce que la question des migrants reste profondément tabou, ce travail conjoint des auteurs donne à voir des facettes méconnues de la vie en "jungle". Grâce à une approche pluridisciplinaire, tous les collaborateurs de l'ouvrage (écrivains, journalistes, dessinateurs, poètes, bénévoles, photographes, musiciens et migrants) ont traité le sujet en questionnant le bien-fondé des politiques publiques et en remettant en cause cette Europe essoufflée et incapable d'assumer dignement ses responsabilités. Le résultat ? Un beau livre qui apporte un certain regard sur ce qu'est la vie en camp et qui dépeint sans pathos aucun le quotidien méconnu des migrants. Un bel hommage également rendu au travail de toutes celles et ceux qui chacun à leur façon, accompagnent les populations migrantes et contribuent à leur redonner un peu de dignité... Aussi, parce que les migrants n'ont pas disparu malgré le démantèlement des camps, lire Décamper aujourd'hui en 2019 est un acte militant : c'est quelque part lutter et résister contre l'indifférence ou le mépris... A bon entendeur...
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