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Critiques de Samuel Pepys (5)
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Journal de Samuel Pepys

Ce journal était codé, donc à usage purement personnel et a mis longtemps avant d’être décodé. Ce caractère personnel, non officiel, secret même, en font un document historique précieux sur la société de la Restauration, voire sur le grand incendie de Londres. On y trouve également des rumeurs sur la cour de France. Lecture ancienne pour moi, dont je garde néanmoins un souvenir agréable.
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Journal de Samuel Pepys

A quoi sert un journal intime ? Souvent à sculpter sa statue, pour la suite. "Je me sers moi-même avec assez de verve..." dit la célèbre tirade. Un pied de nez à la postérité ? Le diariste avoue plus ou moins son secret espoir d'être publié. Il faut souvent lire entre les lignes, et ne pas toujours croire à la fidélité du portrait.



Rien de cela avec Samuel Pepys. Ce haut fonctionnaire de l'Amirauté dans l'Angleterre du XVIIème siècle (dont le nom se prononce "pips") s'est déjà fait connaitre comme un grand serviteur de la royauté, artisan de la reconstruction de la marine britannique, ami des arts et des lettres, amateur de musique et de livres. Un des ces personnages d'origine modeste, qui, comme le capitaine Cook, s'élèvent par leur seuls mérites aux plus hautes fonctions.



Mais voici que longtemps après sa mort, en 1703, on retrouve caché parmi les livres de sa bibliothèque un étrange manuscrit, soigneusement relié en six volumes constituant son Journal. Le texte en est illisible, rédigé sous forme cryptée parfaitement hermétique, à l'exception de quelques nom propres. Il faudra trois ans à un traducteur besogneux, le révérend John Smith (1819-1822), tel Champollion devant la pierre de Rosette, pour trouver la clef du code et transcrire le texte. Un peu plus de curiosité pour les livres de la bibliothèque lui aurait pourtant fait découvrir, sagement rangé sur les rayonnages voisins, des livres de tachygraphie, dont celle de Thomas Shelton utilisée pour l'écriture du journal.



La seconde surprise tient au contenu : pour évoquer ses frasques sexuelles, Pepys use, au surplus, d'un étrange sabir mélangeant diverses langues étrangères ou anciennes. Les mœurs puritaines de l'époque n'autorisaient pas une telle licence et les premières éditions de son journal furent largement expurgées. Il a fallu attendre la fin du XXe siècle (1970-1983) et les éditeurs R. Latham et W. Matthews pour avoir enfin le texte intégral du journal en 11 volumes.



La lecture du journal est une découverte. Nul effet littéraire dans le recensement minutieux et quotidien par Pepys, de ses faits et gestes, de ses humeurs, de ses bonnes fortunes. Le portait se précise insensiblement au gré des jours qui passent. Jeune fonctionnaire ambitieux et méticuleux, il accompagne ceux qui vont chercher le roi Charles II en Hollande pour restaurer la monarchie après le seul épisode républicain que l'Angleterre ait connu. C'est sur le bateau que Pepys prend en sténographie les rapports et missives qu'il rédige. Il a vite oublié sa sympathie de jeunesse pour les têtes rondes même si son journal laisse transparaitre quelque admiration pour les capacités de gestionnaire de Cromwell, comparées aux négligences coupables de la nouvelle administration royale, dissipée et corrompue.



... Les affaires de la Marine toujours au même point. Pas de crédits, on ne veut plus nous vendre de marchandises, personne n'a confiance en nous. Rien à faire au bureau que d'écouter des doléances à cause du manque d'argent. Il faut attendre que le Roi en trouve, mais le Parlement y met du temps. Le désordre règne. Les capitaines n'ont plus de pouvoir sur les hommes; les matelots font ce qu'il leur plaît. La plupart, au lieu de rester à bord, accourent à Londres et l'on ne peut, en toute justice, les blâmer: nous leurs devons tant d'argent et leurs familles mourront de faim si nous ne les payons pas. Tout le monde redoute l'invasion pour l'année prochaine. Pour ma part je prévois de grands malheurs et, pour parer aux mauvais jours, j'ai mis de l'argent de côté, mais sans pour cela oublier ma fidélité au Roi à tous points de vue. Mon seul chagrin est de voir que le Roi néglige les affaires et qu'il court à sa perte avec son peuple...



C'est aussi la vie à Londres au quotidien du XVIIème siècle que l'on partage, à canoter sans cesse sur la Tamise, tant les rues grasses, sales et glissantes sont incommodes. L'incendie et la peste sont décrits de manière saisissante, avec un certain fatalisme : le drame n'arrête pas les plaisirs. On est aux premières loges pour assister aux scènes de la vie domestique. Samuel est très épris de sa jeune épouse française, mais il ne peut s'empêcher de lutiner toute jolie femme de toute condition qui passe à portée, au risque de subir les scènes de féroce jalousie. Protestant, privé de la confession, c'est à son journal qu'il confie ses bonnes résolutions, qu'il ne tient jamais ! Il est assidu au théâtre comme auprès des femmes. Mais cela ne le détourne que momentanément de son travail auquel il consacre sa vie de l'aube au cœur de la nuit.



Ses description de la vie d'une administration sont passionnantes. Rien n'a vraiment changé : jalousie de bureau, mauvaises manières entre collègues, négligences des subordonnés. L'enjeu est de taille pour le représentant du Roi. Son revenu ni sa place ne sont garantis. Et nombreux sont ceux qui complotent pour s'en emparer. Car la charge est lucrative. Curieux système qui vit dans le conflit d’intérêts . Mais le service du roi doit primer.



Pepys est d'humeur joyeuse. Le 25 septembre 1660, il découvre le thé, c'est la première fois qu'un écrivain anglais mentionne cette boissson. Le 10 avril 1663, il goûte une certain vin français qu'il appelle "Ho Bryan" (Haut Brion) :"il a un goût excellent et très particulier qui ne ressemble à rien de ce que je connais". Le 5 juin 1661, il note : "Nous somme restés là à bavarder à chanter et à boire de grandes rasades de vin de Bordeaux en mangeant de la boutargue avec du pain et du beurre jusqu'à minuit au clair de lune. Ensuite au lit à peu près saoul." Le 24 avril 1661 il boit du chocolat pour soigner sa "gueule de bois". D'une manière générale il se réjouit de sa santé, de sa fortune, de sa femme, de son logement...



Pourtant sa santé le préoccupe. Il a eu, comme Montaigne la maladie de la pierre. Il célèbre, chaque année, l'anniversaire de sa lithotomie, qui sera sans doute la cause de sa stérilité. Il digère mal et n'épargne aucun de ses symptômes. On l'imagine, à lire ce qui fait habituellement ses repas. Il joue de la musique à tout propos : flageolet, basse de viole, théorbe, cistre... Il compose aussi. Samuel Pepys est un homme heureux.



S'il s'est essayé à d'autres œuvres (une histoire de la Marine), ce fut pourtant sans succès, et même sans talent. Ce qu'il reste de Samuel Pepys, ce n'est pas l'homme public, dont l'Histoire ne garde qu'une trace modeste, ce n'est pas le bibliophile, qui a pourtant légué un fonds précieux de 3000 volumes au Magdalene College de Cambridge, c'est son journal, qui lui ouvrira fort tard, et par accident, les portes de la littérature, au bénéfice de sa confondante sincérité, un peu comme celle de Montaigne (qu'il lit) et, un siècle plus tard, celle des Confessions de Rousseau, qu'il préfigure.



"Pepys, dans son journal est l'homme même, tout cru - donc très surprenant et très drôle. Le paradoxe de l'excentricité, c'est quelle est le parfait naturel." écrit justement de lui Jean-Louis Curtis dans l'introduction à son" Journal".


Lien : http://diacritiques.blogspot..
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Journal de Samuel Pepys

Traduction : Renée Villoteau

Préface : Jean-Louis Curtis



ISBN : 9782715202146





Rien ne prédisposait Samuel Pepys, fils d'un tailleur et d'une blanchisseuse, à devenir le diariste que les historiens se garderaient bien de contourner lorsqu'ils veulent s'offrir un point de vue pour ainsi dire complet sur l'Angleterre des années 1660. Et pourtant, même si vous n'êtes pas historien mais si vous vous intéressez un tant soit peu au règne de Charles II et à la Grande-Bretagne de cette époque, fatalement, vous finirez par tomber sur Pepys et son invraisemblable "Journal."



Attention ! "Invraisemblable" ne signifie pas ici que Pepys raconte tout et n'importe quoi - bien qu'il y note certains détails sur Louis XIV et ses premières favorites qui eussent fait aimablement se gausser notre Saint-Simon national. Non, en fait, ce "Journal" est pour nous "invraisemblable" parce que nous avons bien cru n'en voir jamais la fin - et ceci bien que nous n'ayons eu en mains que l'édition du Mercure de France et non celle, deux fois plus imposante, parue dans la collection Bouquins, dans un coffret de deux volumes.



Non que ce que nous conte Pepys soit inintéressant ou dépourvu de réel intérêt historique. Mais, du début jusqu'à la fin de ce texte surprenant, règne un narcissisme que, jusqu'ici, nous n'avions rencontré que ... chez Anaïs Nin - c'est vous dire . Plus terre à terre - parfois trop : je vous laisse découvrir l'étrange composition des lavements dont usaient en ce temps-là les Britanniques et que l'auteur nous décrit avec les plus minutieux détails - Pepys use, heureusement pour lui, d'un langage moins éthéré et bien entendu moins freudien que la belle et volage Anaïs. Et puis, c'est un homme : alors, s'il parle sexe - tout comme Nin d'ailleurs, dont c'est LE sujet favori - c'est en des termes ... euh ... disons, un peu moins choisis mais qui ne laissent pas grand chose à l'imagination. C'est même un homme très sensuel qui, bien que marié à une femme qui l'enchante (enfin, c'est ce qu'il prétend), ne rate jamais une occasion de la tromper, jusque et y compris avec sa propre dame de compagnie.



De son propre aveu, Pepys ne destinait pas ces pages à la publication. Pour les écrire, il utilise d'ailleurs une sorte de sténographie ou de code. En ce qui concerne ses frasques sexuelles, il prend aussi la précaution de les rédiger non seulement en code mais en mélangeant l'anglais, le français, l'allemand et le latin, voire un peu d'italien et d'espagnol. Tout à coup, dans le texte, ces phrases "taboues" nous sautent aux yeux et nous les déchiffrons, bouche bée, avant de les relire en nous moquant plus ou moins du mélange de ruse et de naïveté qui les caractérise. Il y a du personnage de Molière chez Samuel Pepys, un hybride de Chrysalde et de Monsieur Jourdain qui réjouit et exaspère tour à tour.



Avec ça, noyées dans tout ce fatras égocentrique qui, malheureusement, n'atteint pas à la hauteur, si échevelée qu'elle soit, d'un Chateaubriand, des pages très belles, très fouillées et confondantes de sincérité et d'humanité sur l'épidémie de peste qui sévit dans la capitale anglaise en 1665 et qui fut suivie, l'année suivante, du fameux "Grand Incendie" qui, certes, épura la ville mais au prix de combien de malheureux jetés à la rue dans le plus grand dénuement.



En résumé, un ouvrage à recommander aux seuls amateurs de journaux intimes sur fond historique. Mais un ouvrage qui, tour à tour, choque, intrigue, ennuie, fascine, fait sombrer dans la torpeur, rappelle à la vie par une pointe aussi brusque qu'étonnante, émeut, fait crier au mufle et à l'imbécile, attendrit aussi et restitue le portrait, peint de main de maître, d'un narcissique de haute volée qui, au moins, chercha à dépasser ce qu'il sentait bien être un défaut difficilement pardonnable à un homme honnête. Ce que Samuel Pepys se voulait avant tout. ;o)
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Journal de Samuel Pepys

Un voyage dans le temps.

Magnifique !
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Journal de Samuel Pepys

Ce journal a la particularité d'avoir été codé, ce qui pourrait constituer un gage de sincérité et de bonne foi. C'est oublier qu'on se ment parfois d'abord à soi-même.

Le scripteur nous fait vivre des événements historiques de l'Angleterre du XVIIe siècle (la restauration après l'ère Cromwell, la peste, le grand incendie de 1666 ...). Mais il nous fait savourer aussi la vie quotidienne : dans les auberges, à la cour, aux eaux d'Epsom, à bord des navires. On découvre une belle variété de bières aromatisées, qu'on boit du matin au soir (mention spéciale à la coutume de la "pinte matinale" ; et à la "lambswool" : bière + compote de pomme).

On suit un personnage issu d'un milieu artisan-bourgeois, orgueilleux (son premier costume en velours ! son premier costume en soie ! sa première perruque ! ...avec des lentes, malheureusement ...) ; hypocrite ; violent à l'occasion (il bat à coups de canne son petit valet). Très croyant, il est aussi doté d'un tempérament jouisseur, d'où des conflits entre ses "voeux" de tempérance, chasteté, sérieux, et son amour frivole de la musique, du théâtre, et surtout son attirance pour les femmes (mais qu'on se rassure : il décrit ses écarts en charabia volontaire, et se met à l'amende ...). Haut fonctionnaire chargé de la marine, il est à la fois cupide et très sérieux dans son travail.

Bien à l'abri sous son code, il se met à nu. Lors d'un savoureux épisode, il se rend au baptême de son filleul, mais constate qu'on n'a pas donné son prénom à l'enfant : il remporte l'argenterie qu'il avait apportée en cadeau. A la fin de l'épidémie de peste, il fait le compte de morts, puis remercie Dieu pour cette année qui lui a permis de s'enrichir.

C'est très drôle, parfois exaspérant, étonnant, et bien écrit.





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