𝙇𝙚 𝙟𝙤𝙪𝙧 𝙤𝙪̀ 𝙡’𝙤𝙣 𝙘𝙤𝙢𝙥𝙧𝙚𝙣𝙙𝙧𝙖 𝙦𝙪𝙚 𝙡𝙖 𝙨𝙤𝙪𝙛𝙛𝙧𝙖𝙣𝙘𝙚 𝙙𝙚𝙨 𝙖𝙪𝙩𝙧𝙚𝙨 𝙣𝙤𝙪𝙨 𝙘𝙤𝙣𝙘𝙚𝙧𝙣𝙚 𝙚𝙩 𝙦𝙪’𝙤𝙣 𝙨𝙚 𝙢𝙚̂𝙡𝙚 𝙙𝙚 𝙘𝙚 𝙦𝙪𝙞 𝙣𝙤𝙪𝙨 𝙧𝙚𝙜𝙖𝙧𝙙𝙚 𝙡𝙤𝙧𝙨𝙦𝙪’𝙤𝙣 𝙥𝙤𝙧𝙩𝙚 𝙨𝙚𝙘𝙤𝙪𝙧𝙨 𝙖̀ 𝙦𝙪𝙚𝙡𝙦𝙪’𝙪𝙣 𝙚𝙣 𝙙𝙞𝙛𝙛𝙞𝙘𝙪𝙡𝙩𝙚́, 𝙤𝙣 𝙖𝙪𝙧𝙖 𝙛𝙖𝙞𝙩 𝙪𝙣 𝙜𝙧𝙖𝙣𝙙 𝙥𝙖𝙨 𝙫𝙚𝙧𝙨 𝙪𝙣 𝙥𝙚𝙪 𝙥𝙡𝙪𝙨 𝙙’𝙝𝙪𝙢𝙖𝙣𝙞𝙩𝙚́ 𝙚𝙩 𝙙𝙚 𝙗𝙞𝙚𝙣𝙫𝙚𝙞𝙡𝙡𝙖𝙣𝙘𝙚.
Ma misérable et minuscule consolation est de me répéter en moi-même que, vu l'état de ses blessures, mieux vaut qu'elle ne s'en remette pas. Survivre à de telles brûlures serait pour elle un deuxième enfer, des douleurs atroces, une vie de souffrance… Tout mais pas ça !
Ensuite, il m'a fallu annoncer sa mort à ma mère, à mon frère, à Nadège, à nos proches et ce n'était pas facile car même si nous étions tous prévenus de l'issue fatale, certains continuaient à espérer un miracle. J'avais l'impression que chacun de mes mots pesaient une tonne, c'était atroce de crever ainsi le cœur de ceux que j'aimais. J'essayais de dire « Elle est partie » ou bien « Elle nous a quittés », mais dans ma tête ça hurlait « Elle est morte ! Elle est morte ! » et une envie de vengeance extraordinaire montait en moi aussi forte que le chagrin.
Après le drame, des souvenirs me sont revenus qui laissaient percevoir l'emprise que Christophe exerçait sur ma sœur et sur leur fille Cloé. Des moments, des scènes du quotidien que la mort de Ghylaine a éclairés d'une manière tout à fait différente.
Hormis la psychologue de l'hôpital qui est venue voir Cloé deux ou trois fois, ma nièce n'a reçu aucun soutien. Ce qu'elle vivait était épouvantable : en quelques minutes, elle avait tout perdu, sa mère assassinée, son père dont elle ne savait pas s'il survivrait à ses blessures, sa maison, ses affaires, ses vêtements, ses jouets… Tout son univers s'était écroulé, elle n'avait plus de repères. Si je n'avais pas pris la suite en charge, elle n'aurait vu aucun professionnel de santé, rien n'aurait été mis en place pour l'accompagner durablement.
J'ai dit ce que je pensais de ce comportement. Le jour où l'on comprendra que la souffrance des autres nous concerne et qu'on se mêle de ce qui nous regarde lorsqu'on porte secours à quelqu'un en difficulté, on aura fait un grand pas vers un peu plus d'humanité et de bienveillance. Ce dont la plupart des femmes victimes de violences conjugales manquent singulièrement, elles qu'on ne veut pas entendre et qu'on écoute si mal.
Pour y avoir été confronté dans ma vie personnelle et professionnelle, je sais combien la violence me répugne. Frapper est une défaite, la défaite de la parole et de la possibilité de s'entendre. C'est la fin de la communication, le début de l'instinct animal... Tant de femmes battues m'ont raconté que leurs maris leur hurlaient «Ferme ta gueule!» en visant leur bouche avec leurs poings pour leur faire ravaler leurs mots. Lever la main sur un homme traduit un état de sauvagerie, un manque d'éducation au sens premier du terme, mais frapper une femme! Comment un homme peut-il s'arroger le droit de brutaliser un être qu'il sait physiquement plus faible que lui?
Le jury est revenu après trois heures de délibération. Tout le monde a repris sa place et le juge a condamné l'assassin de ma sœur à vingt ans de réclusion criminelle. Les réponses aux deux questions étaient on ne peut plus claires : oui, il avait voulu la mort de Ghylaine et, oui, il était coupable de l'avoir tuée. Les jurés n'ont pas cru à ses mensonges, à ses prétextes. Ils n'ont pas cru à l'accident après la tentative de suicide ratée... En revanche, le jury n'a pas retenu la préméditation.
NUMÉROS ET LIENS UTILES
17 ou 112 (à partir d'un portable): urgence Police ou Gendarmerie.
15: Samu.
18: Pompiers.
SMS au 114: en cas d'impossibilité de parler.
3919: numéro de conseil, écoute à destination des femmes victimes de violence.
Demander un «masque 19» dans une pharmacie permet au pharmacien d'appeler immédiatement la police.
116006: France Victimes.
119: Enfance en danger.
arretonslesviolences.gouv.fr: plateforme de discussion et préplainte.
service-public.fr/cmi: pour échanger avec la police.