Sentiment d’urgence, de danger imminent. Les animaux qui avaient hurlé la veille sans discontinuer s’étaient tus. Cela suffit pour l’alerter : sans réfléchir davantage, elle se précipita vers l’entrée de son studio, attrapa les chaussures, la besace, le manteau toujours à portée de main en cas d’urgence. Elle eut la présence d’esprit de jeter les clés dans son sac, claqua la porte, descendit en courant les quelques marches d’escalier qui la séparaient du palier, et se retrouva dans la rue sombre.
Alors, le roulement sourd commença son chant sinistre. Ce bruit terrifiant qui ressemblait à s’y méprendre à celui d’un camion fou, qui arriverait à toute allure sur vous. Qui vous remuait les tripes, qui congelait votre cerveau en une seule pensée : Chtonos va frapper. Maintenant. Sans que vous sachiez combien de secondes de répit ce dieu des profondeurs de la Terre vous accordait, ni combien de temps allait durer l’assaut. À quelle force il allait sévir. Cela pouvait n’être qu’un instant, à peine le temps de vous déséquilibrer et de faire battre votre cœur un peu plus vite que la normale. Cela pouvait tout aussi bien durer de longues secondes, de celles durant lesquelles le temps s’étire et laisse place à ces forces destructrices que dans votre naïveté d’homme de la ville, vous pensiez mortes ou endormies à jamais, bien loin de vous.
Encore une fois, elle avait été réveillée juste à temps, le temps de sortir, de ne pas avoir la menace d’un toit au-dessus de la tête lorsque la terre avait tremblé.
Les habitants de la capitale avaient été comme aspirés par le port du Pirée. Tous attendaient, certains pour récupérer un ami, un proche, une connaissance à son arrivée ; la plupart pour passer les contrôles d'identité qui conditionnaient leur départ - leur fuite.