Le monde dans lequel je vis aujourd’hui ne me pousse pas trop à avoir de grands sursauts de dignité, mais il me reste parfois des éclairs d’amour propre. Je me dis que tant qu’il y a de la honte, il y a de l’espoir
Nous sommes des milliers ici, toxicos, alcoolos, dingos, illégaux, paumés, fuyards, à vivre sous terre comme des cloportes sous une pierre et les gens de la vie normale ont une idée de notre existence mais ils imaginent pas vraiment
Aucune image, aucun film ne peut exprimer cette fragrance viciée, putride, dont chaque élément sera identifié par le nez le moins délicat : cuivre du sang, moisissure de poutre, urine humaine ou animale, fèces de diverses époques qui tapissent sols et murs, suintements d’ammoniaque, brumes de transpiration, exhalaisons de corps abandonnés à la drogue et retrouvés trop longtemps après leur décès, le tout se mélange mais jamais ne s’assemble vraiment
Petit à petit, l’héroïne a érodé toutes mes peaux sociales, le savoir-vivre ne sert plus qu’à trouver mon prochain fix et tout ce en quoi j’ai pu croire a été littéralement épluché de mon cerveau comme les mille couches des jupons d’autrefois