— Tu sais…, commence Shade dans un souffle, je comprendrais si tu décides de prendre tes distances. Je t’ai mise en danger, et ça me bouffe. J’ai essayé de m’éloigner, mais je n’y suis pas parvenu. Je te l’ai déjà dit, mais à tes côtés, je ressens ce truc… là.
Une de ses mains se plaque contre son cœur. Le mien rate un battement.
— Je comprendrais aussi que ça te fasse flipper et que tu ne sois pas à ce stade-là. Je t’assure, si tu décides de ne plus rien avoir à faire avec moi, je ne t’en voudrai pas. Tu n’es pas en sécurité auprès de moi. Tu es en droit de…
Je le coupe en me hissant sur la pointe des pieds et en lui offrant un simple baiser, lourd de sens.
— Si je me suis mis là-dedans, c’est parce que j’avais la rage, tu comprends ? Il y avait une telle haine en moi et elle est toujours présente. C’est toi qui as déclenché ça. Alors que tu sois devant moi aujourd’hui à essayer de me faire la morale par rapport à mes choix, ça me rend fou. Tu es la cause de tout ce merdier.
J’enroule mes bras autour de sa nuque, croise son regard déconcerté et, impatiente, je plaque mes lèvres fiévreuses sur les siennes.
Mon Dieu…
Mon être entier vibre de ce contact. Des bulles de plaisir éclatent dans mon ventre. Il m’en faut plus et tout de suite ! J’essaye d’approfondir cet échange, mais Shade résiste. Il s’agrippe à mes épaules et m’oblige à reculer. Tremblante, je lève les yeux sur lui. L’expression sur son visage est sombre. Mon cœur se pince d’une atroce douleur devant son rejet et mes joues rougissent de honte. Plus qu’embarrassée, je pivote, prête à partir. D’une poigne ferme, Shade saisit mon poignet, m’en empêchant. En un rien de temps, il me ramène contre lui et, dans un grognement bestial, sa bouche retrouve la mienne. Aussitôt, un feu d’artifice semble exploser au creux de mon estomac.
Il éveille en moi des sensations jusqu’alors étrangères. Il me fascine autant qu’il me donne envie de fuir, mais je reste là, à sa merci.
Ses lèvres quittent ma nuque et ses doigts s’attaquent aux boutons de ma chemise. Ma respiration s’affole. Je ne peux pas le laisser faire ! Il pense sans doute que nous allons coucher ensemble alors que son ex est en train de nous chercher. Et surtout qu’elle peut nous surprendre à tout moment. Cela n’arrivera pas !
J’ai beaucoup souffert, j’ai vécu et vis encore des choses qu’aucune adolescente ne devrait endurer, mais, à part mon père, je n’ai jamais été autant furieuse envers quelqu’un. Peut-être parce que je me suis imaginée dans un livre. Celui où la naïve et gentille fille rencontre un mauvais garçon et le change en un claquement de doigts. Les auteurs se rendent-ils compte des bêtises qu’ils écrivent ? Dans la réalité, un connard reste un connard.
Je veux la mériter, être là pour elle, être l’épaule sur laquelle elle peut s’appuyer si ça ne va pas, la faire rire, la rendre heureuse.
« Rongée par une peine insoutenable, j’ai pleuré pour l’étouffer. Bouffée par un éprouvant sentiment d’injustice, j’ai crié pour m’en débarrasser. Mais rien n’y fait. La souffrance ne m’abandonne pas. Elle est là, plus que présente et lourde. Elle me broie les entrailles, fendille mon cœur, réduit en cendres tout espoir d’aller mieux. »
Oui, je suis ce genre d’adolescente. Celle que personne n’invite aux soirées, celle dont tout le monde se moque, celle qui ne porte pas les dernières tendances à la mode. Je suis discrète et lire est ma plus grande passion. C’est plus intéressant que d’aller se trémousser en boîte de nuit !
La patience est loin d’être ma plus grande qualité. Mon cœur palpite. Je me sens vivante. Peut-être parce qu’avec Jase, tout est mystérieux et excitant. Et aussi parce que c’est la première fois que je sors avec un garçon.
- C'est toi et moi, Papillon, OK ? Les autres, on s'en fout.