LION - Bande Annonce VF (2016).
Nous n'avions rien à manger; en revanche, nous ne manquions pas de liberté et nous aimions ça.
Mes souvenirs étaient tout ce qu’il me restait de mon passé, et, dans mon for intérieur, j’y repensais sans cesse, encore et encore, pour m’assurer de ne pas les « habiller ».
En fait, le passé émergeait fréquemment dans mes pensées. La nuit, des souvenirs me traversaient l’esprit, et j’avais du mal à me rendormir. Les journées étaient généralement moins troublées, car j’avais beaucoup d’activités pour m’occuper, mais ces réminiscences m’accaparaient constamment l’esprit.
Voilà vingt-cinq ans que je pense à ce jour. J'ai grandi à l'autre bout du monde, avec un nouveau nom, dans une nouvelle famille, en me demandant si je reverrais un jour ma mère, mes frères et ma sœur. Et me voici aujourd'hui devant une porte, au coin d'un bâtiment délabré, dans un quartier pauvre d'une petite ville poussiéreuse de l'Inde centrale ; le lieu où j'ai passé mon enfance.
Adopter un enfant n'était évidemment qu'une goutte d'eau dans l'océan, mais c'était néanmoins un premier geste. Et, pour cet enfant-là, cela changerait beaucoup de choses. Ils ont donc choisi l'Inde.
Certains parents adoptants attendent parfois dix ans pour qu'on leur propose un enfant qui corresponde à leurs critères: certains demandent un nourrisson afin de pouvoir l'élever depuis le berceau, d'autres réclament un enfant d'un sexe ou d'un âge précis.
Papa et maman voyaient comme une principe essentiel à leur démarche d'offrir leur aide à tout enfant qui en aurait besoin, sans distinction, plutôt qu'à un orphelin sélectionné en fonction de tel ou tel critère. Ils ont donc répondu qu'ils désiraient "un enfant", tout simplement.
Mais au début, j'étais heureux d'être là, avec un toit sur ma tête et à manger dans mon assiette.
Certes, la vie était dure, mais je crois pouvoir dire que nous étions relativement heureux, même si nous aurions évidemment préféré que les choses soient différentes.
Il m'avait promis un peu d'argent, et j'espèrais qu'une fois ma mission accomplie, il ajouterait une tranche de pastèque à mon salaire. Masi les pastèques étaient énormes, et moi, encore petit. Tandis que je me débattais avec la première, sans faire attention à la circulation très dense, je me suis tout à coup retrouvé étendu sur la chaussée goudronnée, la tête en sang, et la pastèque éclatée à côté de moi en une bouillie rougeâtre.
Elle avait découvert après coup la cause de mon affolement: j'avais oublié le chemin que j'empruntais pour me rendre de ma maison en Inde, jusqu'à l'école voisine, où j'allais observer les élèves... Mes souvenirs étaient tout ce qu'il me restait de mon passé, et, dans mon for intérieur, j'y repensais sans cesse, encore et encore, pour m'assurer de ne pas les "habiller".
Le fait que je ne comprenne pas encore l’anglais n’inquiétait pas maman outre mesure, car elle savait que cela se ferait petit à petit. Plutôt que de s’évertuer à m’apprendre la langue, elle jugeait plus important de me prodiguer de l’attention et du réconfort, afin de me mettre en confiance. Et pour cela, pas besoin de mots.
Il m’avait dit de ne pas avoir peur des chiens : ils ne mordaient que si l’on avait peur d’eux. J’ai toujours gardé ce conseil en tête, mais je n’ai jamais cessé d’être nerveux en présence de chiens dans la rue. D’après ma mère, certains pouvaient transmettre des maladies mortelles rien qu’en vous mordant.