C'est peut-être pour cette raison que je me suis engagé chez Babel. Pour mettre de la distance entre moi et le prochain impact. Une part de moi voudrait quitter cette pièce, échapper au regard pénétrant de Kaya. J'ai l'impression qu'elle voit en moi des choses que j'ai essayé d'ignorer toute ma vie.
Je sens des larmes couler sur mes joues mais je ne cherche pas à les essuyer. Son sourire incarne tous les matins et tous les crépuscules qui m'ont tellement manqué ici, dans la solitude et la noirceur de l'espace.
On dit que la douleur, c'est la faiblesse évacuée par le corps. Si c'est vrai, on doit tous être devenus assez forts pour porter le monde sur nos épaules.
Tu es au fin fond de l'espace en train de te battre à un contre neuf. Il y a de quoi être déstabilisé. Simplement, n'oublie pas qui tu es. Es-tu une mauvaise personne ? Bien sûr que non. Est-ce que ça veut dire que tu prendras toujours la bonne décision ? Sûrement pas. On fait tous des erreurs.
Je détourne le regard. Vandemeer est peut-être diplômé en psychologie, mais j'ai l'impression que Kaya est plus clairvoyante que lui. Elle a raison. Je suis cassé. Depuis le temps, j'aurais dû être capable de recoller les morceaux, mais je pense trop à me préparer au prochain impact.
— Vous ne cherchez jamais à la cacher ni rien, fais-je observer.
— Non, reconnaît-il doucement. C'est pour me souvenir.
— De quoi ?
— Que je n'ai pas besoin d'être parfait. Il me suffit d'être meilleur que l'autre en face.