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Critiques de Sébastian Danchin (2)
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Aretha Franklin : Portrait d'une natural wo..

Ce portrait relativement récent de la chanteuse emblématique de l’histoire de la musique et des Etats-Unis m’a intéressée davantage par l’analyse du contexte musical et l’évolution de la carrière d’Aretha que par les éléments biographiques exposés.

N’ayant pas encore lu de biographie d’Aretha, j’ai appris pas mal de choses sur sa vie, plus ou moins captivantes, mais l’aspect du livre qui m’a le plus séduite est l’évolution de la vie et la carrière de Lady Soul à travers le contexte historique de la lutte pour l’émancipation de la communauté noire aux USA, ainsi que son propre combat de femme née en 1942, fille de prédicateur évangéliste, mère pour la première fois à 13 ans, oscillant perpétuellement entre la soumission et l’indépendance.

En préambule, Sebastian Danchin met l’accent sur la dualité de la chanteuse : une nature à la fois réservée et spontanée, qui a pu se transformer au fil des années en un caractère capricieux, mégalo et avide de médiatisation en tout genre. Sa préface m’a fait craindre une biographie essentiellement « people », mais la suite de l’ouvrage est plus nuancée et tout le récit se lit avec plaisir.

Aretha, avant tout chanteuse exceptionnelle, est devenue au fil des années, avec plus ou moins de bonheur, le symbole du Black Power. Si elle a souvent profité et pas toujours avec finesse des avantages de sa célébrité et de l’intérêt des médias pour son image, elle porte en elle les ambivalences nées de son parcours familial, culturel et musical. Sûre de ses dons vocaux, dotée d’un instinct musical sans faille, sa vie de femme est marquée par une instabilité affective et familiale, diverses addictions (boulimie, alcool et tabac) et des phobies de plus en plus invalidantes (acrophobie et impossibilité actuelle de prendre l’avion).

C’est très tôt que le Révérend Franklin, prédicateur baptiste à succès et séducteur invétéré, a décelé les talents vocaux de sa fille Aretha. Sa renommée croissante l’amena à organiser des tournées évangéliques autour de Détroit, et il eut l’idée de faire chanter la petite Aretha à la fin de ses prédications pour accroître ses gains et assurer à la famille un train de vie qu’il souhaitait bourgeois. Par ailleurs, ses frasques lui attirant des ennuis, il avait besoin d’argent pour « dédommager » ses conquêtes féminines, pour la plupart très jeunes, afin de se soustraire aux possibles ennuis judiciaires ou étouffer des scandales potentiels.

La culture musicale des enfants Franklin est essentiellement le Gospel, mais pas seulement. Aretha aura toujours un goût prononcé pour les chansons sentimentales un peu jazzy et les crooners comme Sinatra et consorts. A la maison, tous les enfants prennent des cours de piano, sa sœur aîné Erma possède une jolie voix, et si Aretha déteste le solfège et la discipline pianistique, elle sait reproduire d’instinct la musique qui lui plait et improvise dès qu’elle se retrouve seule au piano. Ses parents se séparent alors qu’elle a 7 ans, et elle ne verra sa mère qu’épisodiquement jusqu’à la mort précoce de celle-ci.

Les tournées avec son père adoré permettent à Aretha d’aguerrir une voix naturelle déjà impressionnante, et le Gospel imprimera à son chant une théâtralité dont on ne pourra jamais la défaire. Avec l’essor de la radio, la renommée du Révérend ne cesse de croître. Il possède sa propre émission radiophonique, et très vite à la maison de nombreux musiciens et chanteurs partagent les soirées familiales. Aretha pourra ainsi croiser et apprendre de chanteuses diverses, dont Mahalia Jackson.

Quand elle n’est pas en tournée avec son père, la passion d’Aretha et de ses sœurs est le roller-skate. Supposée être chaperonnée par sa sœur aînée, elle tombe enceinte à 13 ans et accouche de son premier fils. Deux ans plus tard, un deuxième fils naîtra dans les mêmes circonstances mais d’un autre père. L’auteur nous dépeint Aretha comme une femme à la fois naïve et soumise toute sa vie aux désirs masculins. C’est peu à peu, et pas avant les années 80, qu’elle commencera à s’affranchir et affirmer une certaine indépendance.

A 14 ans, Aretha enregistre son premier 45 tours avec sa sœur Erma, composé d’un répertoire de Gospels.

A partir de 1960 sa carrière décolle véritablement. Elle passe une audition chez Columbia, et John Hammond (producteur du jeune Dylan) lui signe un contrat immédiatement. Ainsi, la très jeune Aretha n’a pas eu à se battre pour se faire connaitre tant son talent est indéniable et hors norme. Elle ignore même que les maisons de disques (hormis Motown étrangement) se livreront une bataille sans merci pour l’avoir sous contrat.

Hammond fait prendre à la jeune fille des leçons de maintien, essaiera en vain de la faire maigrir et de la dissuader de porter les tenues extravagantes pour lesquelles elle aura toujours un gros penchant. Il lui assigne un Directeur Artistique, Ted White, qui devient son premier mari et le père de son troisième fils, alors qu’elle n’a que 19 ans. Ses trois fils seront pour l’instant élevés par Big Mamma, sa grand-mère, à Détroit, qui restera le point d’ancrage principal de la chanteuse.

Je vous laisse découvrir les détails de la suite de la vie de Lady Soul.

Sa carrière comme sa vie sentimentale connaitront des hauts et des bas jusqu’à aujourd’hui où elle est considérée comme une icône par toute l’Amérique. Musicalement, Aretha a toujours été tiraillée entre ses racines Gospel qu’elle ne voudra jamais délaisser, la variété sirupeuse qu’elle affectionne, et le R&B dont elle favorise avec tant d’autres l’essor. Sous le diktat de ses maisons de disques successives, elle alternera le bon et le moins bon, ratant même des collaborations artistiques prometteuses comme Quincy Jones, bien trop perfectionniste pour la diva qui enregistre en deux prises ses chansons. Le virage du disco des années 70 la ringardise momentanément, et le film des « Blues Brother » arrivera à point nommé pour la remettre dans la lumière. Depuis, ne pouvant plus prendre l’avion, elle participe essentiellement à des shows télés, restant basée à Détroit. Ses années fastes se situent entre 1967 et 1972, dates à laquelle elle amasse une fortune colossale qu’elle dilapidera peu à peu entre ses diverses maisons, ses tenues et bijoux, et les soins médicaux pour son père, blessé par balles par un cambrioleur, tombé dans un coma pendant cinq ans avant de mourir.

Aretha a milité très tôt pour le Black Power, soutenant publiquement Martin Luther King. Son engagement sincère a pu être contesté par les Black Panthers ou autres organisations radicales qui la considèrent comme « vendue » au pouvoir blanc, notamment parce qu’elle a fait la couverture du magazine «Time » en 1968, ce qui eut un retentissement extraordinaire. Elle sera même victime du racket maffieux du Committee, une organisation noire révolutionnaire prétendant lever un impôt pour financer la lutte armée.

Mariée deux fois, partageant la vie de divers compagnons diversement attentifs et aimants, sa vie affective a toujours été instable. Par ailleurs, elle fut peu présente auprès de ses quatre fils durant des années de tournées et d’une carrière qui lui laissaient peu de temps libre. Toutefois, elle a toujours veillé, même de loin, sur son clan, avec l’aide de Big Mamma.

A la fin des années 80, après avoir été « remerciée » par sa maison de disques qui souhaitait donner un souffle nouveau à sa carrière à l’image d’une Tina Turner, sans succès, Aretha fonda son propre label, devint à son tour productrice, connut un beau succès avec un album créé en collaboration avec Lauryn Hill et se consacra à la télévision.

Le livre de Sebastian Danchin s’arrête en 2003.

Depuis, Aretha Franklin a vu accéder Barack Obama à la présidence de son pays, lui offrant une belle tribune pour son investiture.

Bien que le public n’ait pas toujours suivi Lady Soul dans ses choix musicaux, elle reste une figure essentielle de l’histoire de la musique et des Etats-Unis.

Pour finir, je mentionnerai que l’auteur indique que l’un des buts de sa biographie est de donner une vision plus objective de son parcours que celle proposée dans ses mémoirespar la chanteuse qui, estime-t-il, a également interprété celui-ci de manière toute « personnelle ». Tel quel, son ouvrage reste un témoignage admiratif, parfois un peu ennuyeux, mais toujours consciencieux d’une vie et d’un talent hors du commun.

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La piste du jaguar

Adepte des livres de Jim Harrison et de Cornac McCarthy, j’avais hâte de retrouver les grands espaces américains (ici Mexicains) avec ce roman d’aventures (édité à l’origine en 1974), étudié dans les universités américaines où il est considéré comme une œuvre majeure.

Âpre, dur et sec comme cette nature où se déroule l’intrigue, les pages ne défilent pas d’une seule traite sous nos yeux. Il faut laisser le temps aux différents paysages de s’installer, au soleil de nous brûler la nuque, au silence de laisser la place aux cris des choucas, au murmure de l’eau si rare de nous arriver à l’oreille, au vent chaud et poussiéreux de nous envahir nous coupant le souffle, nous laissant les poumons desséchés, la gorge déshydratée, les yeux rougis malgré le chapeau baissé …. Car ce livre, au-delà de l’intrigue, c’est tout ça, l’évocation de ces panoramas de la Sierra Madre qui ne se définissent pas en photographies couleurs, mais en sensations, impressions et émotions contenues à peine esquissées. Le vocabulaire, malgré son impression de rudesse, peut se montrer poétique.

« Les arbres qui avaient poussé sur le bord protégeaient la mare d’un manteau d’ombre. Des vautours étaient perchés sur les branches les plus hautes, dont ont voyait les déjections sur les rochers bordant la mare. »

C’est dans un milieu masculin, brut, que les protagonistes évoluent, un milieu sans douceur, sans cadeau. L’alcool est un des moteurs des hommes, comme pourrait l’être un bon thé et un gâteau pour une femme …. sauf que les femmes ont très peu le temps ou la possibilité de « se poser ». Elles sont tributaires de l’humeur des hommes, pas toujours bien traitées, elles subissent plus qu’elles ne décident …. Malgré tout, elles sont porteuses d’une certaine force, leur permettant de faire face aux événements les plus dramatiques.



On pourrait se laisser aller à penser que ce livre fait partie de la catégorie de ceux appelés « nature writing » (descriptions de la nature où évoluent des personnages) mais ce n’est pas que cela. Il y a omniprésentes la chasse et la violence, cette dernière allant crescendo ….





Le cow-boy principal de cette histoire Adàn Martinillo (appelé indifféremment par son prénom ou son nom), part à la chasse. « El Yoco », un jaguar terrorise la population. Adàn admire inconsciemment ce dernier bien que sachant qu’il est périlleux de se trouver face à lui.

Il voudrait être celui qui libèrera les habitants de la peur. Mais la rencontre avec la bête ne sera pas celle qu’on imagine … Ce n’est pas qu’un animal qui fait peser son joug sur les membres de cette communauté de paysans, de riches propriétaires et autres, c’est un aussi un homme.

Un homme sans sentiment, un criminel, qui ne sait pas exactement pourquoi il tue.



« El Yoco », la bête va se personnifier sous nos yeux, on « l’entend » raisonner, on la voit observer, ses actes sont décortiqués car l’animal ne laisse que peu de place au hasard. C’est tout juste s’il n’a pas une âme. On suit sa progression, il semble errer sans savoir où il va mais ce n’est pas le cas. Il est parfois assimilé au diable.

A contrario, l’humain, l’assassin, est comparé à une bête, sans cœur, sans esprit, sans sentiment, sans réflexion, sans état d’âme. Il agit, blesse, persécute, tue, puis réfléchit ensuite … lorsqu’il réfléchit ….

Le diable est-il l’homme ou la bête ?



Ce chassé croisé entre l’homme et l’animal est la grande force de cet opus. On les voit agir, être traqués, se cacher, manipuler les autres, qui est le plus fort ? Qui fait le plus peur ? Qui nous trouble ?



L’écriture est rugueuse, économisant parfois les mots, se délectant avec détails pour retranscrire une ambiance à d’autres moments. Ce n’est pas un livre « facile » dans le sens où l’action arrive petit à petit dans un climat soigneusement mis en place et qu’il faut laisser du temps au temps pour apprivoiser les personnages de ce récit et les suivre mais quelle belle découverte !



NB : L’avant propos, où l’auteur donne des indications sur le pourquoi et le comment de ce livre est intéressant et bienvenu.




Lien : https://wcassiopee.blogspot...
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