Sebastian Salazar Bondy

Paru en 1964, cet ouvrage majeur de Sebastian Salazar Bondy est un brillant et virulent pamphlet contre le mythe d'une cité coloniale idéale, mythe inoculé dans la culture péruvienne et monté de toute pièce par la classe dominante. Dans cette cité, Lima l'horrible, les élites bourgeoises font main basse sur la ville et son centre, au nom d'un passé hispanique glorieux, pour mieux éloigner en périphérie les classes pauvres qui leur servent de domestiques ou d'ouvriers.

Cette pensée unique élitiste qui a capturé l'histoire et la culture de la ville à son profit empêche notamment les populations d'héritage précolombien d'en avoir leur propre vision culturelle.



C'est au sein de cette fausse terre promise que les élites de la capitale se sont assoupies pour profiter de leurs privilèges et de leur domination, alors que le pays est pleine mutation et que Lima croît avec une misère inouïe, ce que Salazar Bondy appelait "la petite mythologie du monde de la classe moyenne".

Mais il est question avant tout pour cet auteur de lutter pour la cause perdue de la littérature dans le Pérou de l'époque.

Un livre d'une actualité étonnante.
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Sebastian Salazar Bondy (1924-1965) fût un poète, critique, écrivain et dramaturge péruvien, faisant partie de la Génération de 1950 (promotion de Vargas Llosa, Julio Ramon Ribeyro, etc).

Il a fondé un parti de gauche, s’intéressant très tôt aux réalités sociales de son pays.



Son essai Lima l'horrible a été utilisé comme un détonateur afin de réveiller une certaine classe sociale et cela a été un véritable choc pour l’oligarchie dominante.

Aujourd’hui ce serait un livre culte pour une partie de la gauche péruvienne; le titre de l’essai émane d’un poème de Cesar Moro, peintre et poète péruvien.



Et de nos jours, la phrase lapidaire « Lima l'horrible » est utilisée dans le langage commun pour définir les difficultés à vivre dans cette capitale.

La publication de ce livre a provoqué une crise identitaire au Pérou, faisant ressortir souvent deux mots très ancrés dans l’idiosyncrasie du pays : le perricholisme (dérivé du nom de la courtisane coloniale La Perricholi) et le huachafisme.

Le perricholisme définit une personne qui veut à tout prix se hisser jusqu’à l’élite la plus rance (du temps de la Colonie espagnole). Le huachafisme est la tendance au kitsch et au résultat affecté et ridicule qui résulte de la mimétisation avec une classe supérieure.



Salazar Bondy dénonce avec fermeté la fable d’une Lima coloniale, qu’il appelle l’Arcadie Coloniale; une critique acerbe au système dominant concentré à Lima. Il faut imaginer un texte polémique et provocateur comme celui-ci, un véritable pamphlet qui a déclenché un tel scandale à l’époque (1964) qu’il a dû être publié au Mexique, puis quelques années après au Pérou.



C’est un texte politique qui dénonce une société oligarchique (les grandes familles), corrompue et inégalitaire.



Selon l’auteur, Lima a maintenu un mirage montrant une période historique idyllique et idéalisée d’une Colonie opulente et tranquille, montrant la vie fabuleuse de certains versus l’ostracisme et l’exploitation du peuple natif. Une classe supérieure ancrée dans le passé avec des idées bien définies sur la vie sociale, l’éducation, la politique, la presse, le folklore, la littérature, la religion.

Cette Arcadie que les livres d’Histoire décrivent comme un paradis perdu, une mythologie maintenue par les classes dominantes.



Salazar Bondy prétend que cette Lima coloniale est une véritable tergiversation de l’Histoire, une imposture, une mythologie autour de laquelle s’est construite la capitale péruvienne, surpeuplée et chaotique, le tout parrainé par une élite et par certains intellectuels.



Une lecture intéressante, un texte qui émane d’une position politique clairement assumée.
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