Plus question de postuler la rationalité des politiques, car seule compte leur vérité. Mais la vérité est un domaine très extérieur à la politique, qui ne doit jamais s’y frotter, au risque de devenir l’arme d’un régime de contrôle total, totalitaire, inquisiteur. De là provient la dialectique du complotisme et de l’anti-complotisme qui à d’autres époques s’appelaient scepticisme et bigoterie, conviction et pharisianisme, Réforme et Contre-Réforme.
Cette nouvelle Russie sortie de Koulikovo, pieuse et enflammée par la
chute de Constantinople aux mains des Turcs en 1453, est une nation fière et puissante qui s’imagine investie de la mission de protéger et diriger le monde chrétien.
C’est la sobornost, l’Église universelle ou la communauté fraternelle des
individus œuvrant pour la vérité chrétienne ; cette notion fondamentale a traversé les siècles comme un fil rouge qui a permis, à certains points nodaux de l’histoire de la Russie, comme aux instants du règne d’Ivan IV qui suivirent l’incendie de Moscou ou à l’avènement du communisme (le matérialisme historique serait une émanation du millénarisme russe si l’on en croit les philosophes Nicolas Berdiaev, Vladimir Soloviev ou Pierre Pascal), d’unir en parfait mariage le peuple et son État en vue de la transfiguration.