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Critiques de Sébastien Morlet (2)
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Les Chrétiens et la culture: Conversion d'un ..

Le mot culture nous vient des Latins (cultura) mais dans ce livre c'est davantage des Grecs qu'il s'agit. Qui eux utilisaient le mot paidéia, éducation. C'était un ensemble de disciplines censées former l'esprit, et qui permettaient à l'homme d'acquérir grâce à elles, sa pleine humanité. Pour les Grecs, la seule culture qui existait était la culture grecque, les “barbares” ne pouvaient y prétendre. Les Romains se la sont appropriée, comme ils se sont approprié d'autres éléments venus De Grèce.



Les Chrétiens lors de l'avénemnt du christianisme ont été confrontés à cette culture. D'autant plus, que la plupart d'entre eux, tout au moins les lettrés, ceux dont il nous reste des écrits, ont été instruits dans cette culture, et qu'ils la connaissaient donc parfaitement. La position des Chrétiens vis-à-vis de la culture grecque était ambigüe : rejetée dans certains textes comme pernicieuse, inutile et contraire aux vérités bibliques. Mais une bonne partie des textes préconisent plutôt son usage raisonné : elle peut être utile au Chrétien. Elle permet de combattre les païens et les hérétiques qui utilisent ses armes et raisonnements sur leur propre terrain. Mais au-delà, elle apparaît à certains comme profitable : les outils qu'elle fournit permettent aussi une meilleure compréhension de la foi. Par exemple, la grammaire et la rhétorique peuvent être des auxiliaires pour une meilleure compréhension des textes bibliques. A condition de choisir ce qu'elle offre de meilleur, elle peut constituer une étape dans l'acquisition de la sagesse et être une introduction menant à la connaissance de Dieu.



Certaines des critiques des Chrétiens concernant tel ou tel aspect de la culture grecque ne sont en elle-mêmes pas originales : par exemple les critiques de la dialectiques ou de l'astrologie, ont été formulées dans des termes très proches par certains philosophes. Ici aussi, tout au moins en partie, les penseurs chrétiens se placent dans la continuité de certains penseurs grecs.



Mais malgré l'appropriation accompagnée d'une réinterprétation de la culture grecque par les penseurs chrétiens, apparaît la revendication d'une culture propre, différente de l'hellénisme. Une culture à part entière, comparable à la culture grecque, dans le sens où elle permet à l'homme de conquérir pleinement son humanité. Une culture qui consiste dans l'apprentissage de la sagesse de Dieu et de la science des Ecritures. Cela amène à relativiser la notion de culture : elle n'est plus unique, mais plurielle, et les cultures peuvent être complémentaires. La notion de culture s'en trouve relativisée et élargie : relativisée car la culture grecque n'était plus la seule et légitime et élargie car la nouvelle conception de la culture incluait tout ce qui pouvait contribuer à nourrir l'esprit de l'homme, et le rapprocher de Dieu.



Il y a, bien entendu, une hiérarchie implicite. L’homme grec a élaboré son savoir, sa culture, grâce à ses propres forces uniquement, alors que le chrétien a bénéficié de la parole divine. Mais l’Homme aspire au bien, et la raison humaine est une. Il y a donc des éclats de vérité dans les écrits grecs, et la culture grecque peut servir en quelque sorte de propédeutique pour approcher la complexité de la parole divine. Cette reconnaissance d’un intérêt de la culture grecque a d’ailleurs permis la conservation d’un certain nombre de textes. Textes soigneusement sélectionnés : par exemple, hors de question de garder les Traités contre les Chrétiens écrits par certains philosophes, il en reste juste quelques traces dans des réfutations produites par des penseurs chrétiens. Ce choix n’a pas été bien entendu consensuel, certains ont placé le curseur plus ou moins haut. Les discussions autour de ces textes “utiles” révèlent les tensions dans la communauté chrétienne à ce sujet ; leur défense dans certains écrits chrétiens laisse deviner une attitude beaucoup moins favorable, voire complètement hostile, chez certains Chrétiens, en particulier les moins instruits
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Christianisme et philosophie

Ce livre traite des rapports du christianisme avec la philosophie païenne dans l’Antiquité principalement. L’auteur a proposé par ailleurs un MOOC sur la même thématique, comme je l’ai suivi en parallèle à ma lecture de l’essai, j’aurais sans doute un peu de mal à séparer les deux dans mon commentaire. En général, le livre développe un peu plus certains points, et donne tout particulièrement des extraits d’un certain nombre de textes, mais sur certains aspects, le cours en ligne est peut-être un peu plus détaillé (l’histoire des débuts du christianisme en particulier).



L’ouvrage est destiné vraiment à tout public ; même en ne connaissant rien au sujet, il est possible de le comprendre et de le suivre sans problème. En effet, les éléments nécessaires à la compréhension du sujet sont précisés, succinctement, mais avec une grande clarté, qu’il s’agisse de l’histoire du christianisme, ou de la philosophie à l’époque dont traite le livre. Lorsqu’une notion, qui ne relève pas d’une culture générale de base apparaît, elle est précisée, ce qui évite d’avoir à chercher ou à décrocher. En dehors donc du sujet à proprement parlé, nous avons un panorama du christianisme antique (de la constitution du corpus biblique par exemple, ou des différents courants du christianisme etc) synthétique mais précis, d’un point de vue global de la philosophie de l’antiquité dans les premiers siècles de notre ère, un aperçu de l’histoire antique à la même époque également, dans la mesure où cela est indispensable pour comprendre le sujet traité.



Les rapports du christianisme et de la philosophie, sont abordés selon plusieurs angles complémentaires. D’abord sont abordés les textes chrétiens qui attaquent la philosophie, et d’une façon plus générale, la culture grecque. Dans un deuxième temps, les traités philosophiques qui attaquent le christianisme sont passés en revue. Les réponses des chrétiens à ces traités sont ensuite abordées. Enfin, nous avons des développements sur une forme de la reconnaissance de la philosophie par certains chrétiens, qui lui accordent de contenir une part de vérité et d’utilité, même si elle est inférieure à la Révélation, elle peut mener au christianisme, et aider à résoudre un certain nombre de difficultés posées par les textes bibliques. Inféodée à la foi, transformée par le but qui est lui assigné au service de celle-ci, elle mérite d’être connue, pratiquée et préservée, tout au moins, dans les écrits jugées compatibles avec le christianisme.



Le livre s’oppose donc à l’idée d’une hostilité systématique et destructrice du christianisme vis-à-vis de la philosophie antique. Il propose plutôt une vision dans laquelle les chrétiens antiques, éduqués dans la culture grecque, et pour certains d’entre eux ayant eu une approche de la philosophie, ont forcement été influencés par leur culture d’origine, et en ont intégré une partie dans leur nouvelle religion. Du moment où, à partir de l’Assemblée de Jérusalem, il est décidé que les convertis païens ne seront pas astreints au respect total des lois judaïques (circoncision, interdits alimentaires etc), les chrétiens d’origine juive deviennent rapidement minoritaires dans la communauté. Et ce renouvellement de l’origine culturelle des croyants change forcément le christianisme, un symbole fort en est le fait que ce que le Nouveau Testament ait été rédigé en grec dans la deuxième moitié du Ier siècle et au début du IIe siècle. Au-delà d’un rejet parfois fortement exprimé par certains chrétiens (mais cette expression peut-être aussi un élément de différenciation ou de communication) de la philosophie, il convient de voir plus en détail la façon dont elle a pu être intégrée et utilisée, de façon ouverte ou plus souterraine.



Et la philosophie antique païenne suit à l’époque des changements qui la rapproche du christianisme : un certain nombre de courants philosophiques se rapprochent, une forme d’irrationnel provoque de plus en plus d’intérêt, la théologie devient essentielle, et l’exégèse devient une activité philosophique qui gagne en importance. Mais S. Morlet écarte l’idée que cela aurait pu être provoqué par le christianisme, entre autres raisons parce que ces tendances sont apparues avant le moment où le christianisme avait pris suffisamment d’importance pour pouvoir les provoquer : il s’agit plutôt du fait que la philosophie et le christianisme appartenaient à la même sphère culturelle et il est donc normal qu’ils se rejoignent sur un certain nombre de points.



Les philosophes ont en réalité peu réagi au christianisme, seulement 4 traités semblent avoir été écrits pour s’attaquer à cette religion montante, même s’il est évident qu’à partir de sa reconnaissance par les empereurs devenus chrétiens, il n’était plus vraiment possible de polémiquer. Mais plus globalement, j'ai eu la sensation qu'entre la quasi disparition progressive des écoles autres que la néoplatonicienne, l’importance de l’exégèse et de la théologie, que la philosophie de la fin de l’antiquité semble se replier sur elle-même, qu'elle manque de dynamisme, d’idées fortes et nouvelles, d'un véritable d’élan. Comme si les personnalités et intellects brillants se dirigeaient, après avoir parfois essayé la philosophie, vers le christianisme. Il est difficile d’expliquer pourquoi une façon d’appréhender le réel, de donner sens au monde, prend le pas sur les autres à une époque donnée, au point de devenir une évidence, avant de céder à un autre moment la place à une autre, qui semble aussi aller de soi ; on ne peut que constater le fait.



L’ouvrage de S. Morlet aborde toutes ces questions (et d’autres que je ne peux détailler) avec toutes les précautions et toute la rigueur méthodologique possibles : il s’agit de comprendre, en partant des sources connues, des faits avérés, avec le maximum d’objectivité et de neutralité. Les religions, dont le christianisme donnent souvent lieu à des débats passionnels, à des instrumentalisations de toutes sortes, à des polémiques virulentes. Ici nous sommes dans une démarche qui se veut à l’opposé de tout cela.



C’est passionnant de bout en bout, écrit dans un langage extrêmement précis, chaque mot semble pesé, choisi comme le plus judicieux, la construction d’ensemble est d’une grande cohérence, visiblement très pensée. C’est une synthèse remarquable sur un sujet à priori complexe, et qui semble ici couler de source. Cela donne envie d’approfondir le sujet, ce que la bibliographie, très fournie, peut permettre facilement.
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