Serena Giuliano vous présente son nouveau roman "Un coup de soleil"
Mon mari me glisse à l’oreille qu’il a de la chance d’avoir épousé la plus belle des italiennes. C’est fou ce que l’abus de limoncello peut faire dire comme conneries. Et c’est fou ce qu’il peut rend naïve, parce qu’à ce moment précis, sur ce balcon et dans ses bras, j’y crois.
Je me sens forte et belle. Monica Bellucci peut aller se resaper.
J’aime écrire car cela ne fait pas de bruit. L’écriture permet de crier en silence, de pleurer sans larmes, de communiquer sans paroles.
Parler, c’est terrifiant.
J’aime mes mains vieillies par le temps, mes ongles limés en amande et mon alliance un peu cabossée par tout ce qu’on a vécu, elle et moi. J’aime vernir mes orteils et porter des culottes bien confortables. J’aime mes cuisses musclées et mes grosses fesses. J’aime le fait d’être en jupe trois cent soixante-cinq jours par an. J’aime mettre un collier de perles et un peu de rose sur mes lèvres de temps en temps, même si ça souligne ce petit duvet que j’ai toujours refusé d’épiler. Parce que celui qui a dit qu’il fallait souffrir pour être belle est un connard et un menteur.
–Anna, vous êtes la personne la plus pessimiste que je connaisse.
–Ça, c’est parce que vous ne connaissez pas ma voisine du dessus. Quand je pense être au plus mal, elle arrive encore à m’arrêter dans l’escalier pour me raconter un fait divers horrible, avec tous les détails glauques. Et elle finit toutes ces phrases par « On va tous crever, moi je vous le dis ! ». À côté, je suis la positivité incarnée !
— On s'est connus à quinze ans, me raconte-t-elle, et j'en ai bientôt soixante-dix. Je te laisse faire le calcul. C'est pas facile tous les jours, un mariage ; c'est des concessions, des sacrifices, des disputes. Mais si on s'aime, on va au-delà de tout ça. Et puis on a eu sept beaux enfants, et on a déjà douze petits-enfants ! On se complète, Pasquale et moi. Hein, Pascà ?
— Oui, on se complète... Moi j'ai tort, elle raison, par exemple.
Je me sens abandonnée, depuis toujours. Comme une erreur que j’aurais aimée qu’on ne commette pas. Une chose laissée là, au mauvais endroit, qui doit se démerder sans les bonnes clés, sans le mode d’emploi, sans même un plan pour s’y retrouver.
Je veux rentrer chez moi. Le problème, c’est que je ne sais plus du tout où c’est.
Il suffit de porter des vêtements propres et à la mode, et d'être accompagnés d'Italiens pour passer du statut de réfugiés sans papier que l'on regarde de travers à celui d'étrangers en vacances que l'on accueille avec le sourire. Ça ne tient pas à grand-chose, finalement. L'apparence, c'est tout ce qui compte, dans ce monde.
« Va jouer, va, nun te preoccupà. »
« Ne t’inquiète pas. » C’est la phrase la plus douce du monde.
"Pendant le repas, je me suis rendu compte qu'il était plus facile d'avoir de la colère pour des inconnus derrière un écran de télévision qu'en face et en réalité. Lorsque "ces gens-là", comme je les ai souvent appelés, plongent leurs yeux dans les vôtres, lorsqu'on se retrouve devant une femme qui a préféré risquer mourir en pleine mer plutôt que de laisser ses enfants grandir dans un pays où ils ne seraient pas libres, on se sent tout petit.
Et très con, aussi."
J’ai réfléchi à ce que j’aimerais faire dans la vie.
–En voilà une bonne nouvelle ! Alors ? Qu’aimeriez-vous faire ?
–Rien du tout ! Gagner au loto et me barrer au soleil !